On a tellement regardé les sondages pour y voir des signes du déclenchement d'une élection au Québec, qu'on a presque oublié qu'au fédéral le Bloc québécois est en train de perdre des plumes alors qu'il devrait profiter des déboires du gouvernement Harper et des difficultés du Parti libéral.
Le dernier sondage CROP nous montre, en effet, que si des élections avaient eu lieu la semaine dernière, le Bloc n'aurait obtenu que 36 % des voix, contre 24 aux conservateurs et 21 aux libéraux. Pour ces deux derniers partis, il s'agit, à peu de choses près, des mêmes résultats qu'en janvier dernier. Pour le Bloc, c'est une baisse de six points.
Le Bloc se retrouve aujourd'hui à un niveau d'appui qui est nettement en dessous du Oui au référendum (45 %) et même des intentions de vote en faveur du Parti québécois (37 %).
Pourtant, la conjoncture devrait être favorable au Bloc. Le gouvernement de Stephen Harper a été très critiqué pour son projet de loi sur l'environnement, déposé en plein pendant la période de sondages. Sans compter toute sortes de politiques impopulaires, de la guerre en Afghanistan à l'abolition du registre des armes à feu. Il y a donc 56 % de Québécois qui sont insatisfaits du gouvernement Harper, ce qui est un moins bon résultat que celui de Jean Charest.
Pendant ce temps, les libéraux se déchirent sur la place publique sur la question de la reconnaissance du Québec comme nation - encore que cela se soit passé un peu tard dans la période de sondage - ce qui a pour effet de remettre les projecteurs sur une question normalement favorable au Bloc.
Bien sûr, si des élections avaient lieu aujourd'hui, le Bloc obtiendrait une majorité des sièges du Québec, à cause de son avance dans l'électorat francophone. Mais avec 42 % des appuis chez les francophones, c'est encore en dessous des 48 % qu'obtiendrait le PQ.
Tous ces chiffres confirment ce que tous les observateurs ont remarqué depuis les élections de janvier dernier : le Bloc se cherche. Et ce n'est pas seulement à cause de l'élection d'une dizaine de députés conservateurs dans la grande région de Québec.
Sous l'ancien gouvernement, c'était le plus souvent le Bloc qui était à l'origine des coalitions des trois partis d'opposition qui ont parfois réussi à faire bouger Paul Martin. Sous Stephen Harper, le Bloc se contente, le plus souvent, du train-train de la période des questions.
Plus le temps passe, plus il semble qu'il sera de plus en plus difficile de convaincre les électeurs québécois de voter pour le Bloc.
Même l'impopularité du gouvernement Harper ne vient pas à la rescousse du Bloc. Ce qu'on constate dans ce sondage, c'est qu'il y a un nombre significatif d'électeurs qui commencent à penser que le meilleur moyen de battre les politiques conservatrices dont ils ne veulent pas, ce n'est pas de voter pour un parti qui n'a même pas la possibilité théorique de prendre le pouvoir.
Selon CROP, il y a maintenant 14 % des électeurs francophones qui voteraient pour le Nouveau Parti démocratique, alors que 6 % voteraient pour les Verts. Il y a donc un électeur francophone sur cinq qui est clairement un progressiste, mais qui ne voterait plus pour le Bloc. C'est un phénomène bien plus important - et significatif - que l'appui aux verts ou à Québec solidaire au niveau provincial.
Les prochaines élections, qui devraient intervenir au printemps prochain, s'annoncent donc compliquée pour le Bloc qui demandera pour la sixième fois aux électeurs de voter pour un parti qui ne peut pas prendre le pouvoir. Et personne ne sait ce que feront des électeurs qui iront voter au fédéral pour la troisième fois en moins de trois ans.
En attendant, Jean Charest est aussi bien de prendre son temps. L'embellie dans les sondages semble maintenant terminée et si les libéraux font meilleure figure que l'an dernier à la même date, c'est essentiellement à cause d'un retour au bercail des électeurs non-francophones.
Après une brève remontée, le PLQ semble avoir atteint une sorte de plateau, avec des résultats nettement insuffisants pour lui permettre de déclencher une élection avec une chance raisonnable de l'emporter.
On a beaucoup vu M. Charest tout au long de l'été et cet automne, mais cela n'a pas été suffisant. Il aura donc besoin d'aide de l'extérieur. Ce pourrait être une résolution du dossier du déséquilibre fiscal, mais â voir l'état de ses relations avec le gouvernement de Stephen Harper, il vaudrait sans doute mieux faire baisser les attentes de ce côté.
Sauf qu'on peut se demander si le salut de Jean Charest ne pourrait pas se trouver dans une déprime des souverainistes qui suivrait un mauvais résultat du Bloc. Il est bien trop tôt pour le prédire, mais il faut bien que M. Charest se rattache à quelque chose, non ?
Pour joindre notre chroniqueur : mcauger@lesoleil.com
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