Même si la très grande majorité des manifestations étudiantes sont pacifistes, force est de constater qu’on observe de plus en plus de dérapages accentués des deux côtés de la barrière.
D’un côté, plusieurs éléments perturbateurs s’infiltrent de plus en plus souvent dans les manifestations étudiantes, et de l’autre côté, des policiers semblent prendre un malin plaisir à jouer aux justiciers masqués et armés pour varger fort sur ces étudiants éduqués depuis leur prime jeunesse à régler les conflits non pas en se tapant dessus, mais en «dialoguant», afin de trouver un point de règlement satisfaisant pour les parties concernées.
Décorée d’un petit bracelet en plastique jaune, Madame la ministre de l’Éducation répète son petit laïus moralisateur sur ce sujet en indiquant à quel point l’intimidation sous toutes ses formes n’a pas sa place dans une société dite évoluée.
Or, qu’observe-t-on depuis quelques semaines ? On observe que le gouvernement surveillant ses intérêts électoraux du coin de l’œil et écoutant la droite moralisatrice ne prend pas ses responsabilités pour régler convenablement ce dossier de plus en plus explosif, ce qui permet à l'intimidation étatique de prendre de plus en plus d'expansion.
En fait, je soupçonne que la députation libérale (dont une bonne partie risque que de se retrouver au chômage après les prochaines élections générales) prend un malin plaisir à laisser se détériorer la situation.
Son objectif ? Accumuler des votes et faire baisser le taux d’insatisfaction envers le gouvernement dans le but de mieux se positionner pour l’inévitable élection qui se pointe à l’horizon.
Comme toujours Jean Charest déçoit par son attitude générale :
- Il laisse entendre que les fauteurs de trouble, les jeunes masqués et habillés en noir sont des étudiants qui ne font pas grève, mais boycottent leurs cours.
- Il invite deux associations estudiantines sur trois à discuter en disant que l’autre est trop extrémiste (elle représente 100 000 étudiants, ce qui n’est pas rien).
- Il se moque régulièrement de ses adversaires péquistes, solidaristes, et de tous ceux qui sont favorables aux étudiants en portant le carré rouge.
- Il oblige les professeurs à traverser une ligne de piquetage en utilisant le pouvoir contraignant des juges de la cour supérieure.
- Il oblige les recteurs à maintenir ouvertes les portes des universités en engageant des fier-à-bras armés de garcettes et dépourvus de savoir-faire.
- Il joue sur les mots avec un petit sourire en coin et fait un débat de sémantique plutôt que d’affronter le véritable problème, etc.).
Quant à certains citoyens-policiers, ils se pensent parfois dans une séance défoulatoire et utilisent une force excessive lorsqu’ils « vargent » à qui mieux mieux sur de dangereux étudiants qui la plupart du temps appellent au pacifisme et forment « une ligne passive » de piquetage.
Bien sûr, lors de certaines manifestations, la violence et l’inutile brutalité proviennent des deux côtés de la barrière, car ces manifs sont récupérées par des agitateurs professionnels. Dans ces cas précis, les leaders étudiants ont la responsabilité de dénoncer clairement cette situation en prenant sur place, s’il le faut, les moyens de collaborer avec les forces policières pour éviter des abus qui desservent leur cause.
Dans un autre ordre d’idées, je frémis de constater que dans une université ayant obtenu une injonction, les profs aient été obligés de donner leurs cours en présence d’un agent de sécurité dans la classe, et que « des policiers » s’était installé à l’intérieur des murs pour contrôler systématiquement les allées et venues de tous et chacun.
Quant à moi, il y a là un début de dérive plus qu’inquiétante quant à la liberté de pensée et d’expression qui sont des valeurs fondamentales à être préservées à tout prix dans une société libre et démocratique.
Dans un État policier, un des premiers objectifs du gouvernement est de faire taire les intellectuels. Tout le monde sait que l’instruction est une arme redoutable qui peut aller à l’encontre des actions d’un gouvernement qui veut entretenir chez le bon peuple l’idée que tout va très bien Madame la Marquise !
Au Québec, on en est presque rendu là…
En conséquence, il faut se rappeler que le gouvernement a la responsabilité première de maintenir la paix sociale en écoutant ce que le peuple a à dire et en insistant sur le fait qu’il ne peut refuser le dialogue avec les étudiants, une partie importante du corps social, puisque, entre autres considérations, ceux-ci représentent notre avenir.
L’Histoire démontre que la répression peut fonctionner à court terme, mais ce qu’elle soulève comme dommages collatéraux prend une importance grandissante avec le temps et devient ingérable à un moment ou l’autre. Pelleter par en avant un problème est de l’ordre de la rêverie, de la magie, et tôt ou tard la réalité nous rattrape.
Alors, le prix à payer est souvent bien plus grand que le coût initial. Donc, si on a la sagesse d’aborder un problème de front au lieu de faire semblant qu’il est inexistant, nous nous plaçons dans une situation de gagnant gagnant.
En terminant, saviez-vous que le juge Martin Bédard a accordé à une étudiante qui souhaitait suivre ses cours, une injonction qui permet à celle-ci ainsi qu’au CEGEP de Saint-Jérôme la permission de recourir aux forces de l’ordre afin de faire exécuter l’injonction ?
C’est tout à fait dans la même ligne que celle d’un autre juge déconnecté de la réalité, Gaétan Dumas, qui s’est permis d’outrepasser son mandat de répondre favorablement ou pas à une demande d’injonction interlocutoire acheminée par un groupe bien précis, bien identifié d’étudiants, et qui a décidé que son "manque de jugement" s’appliquerait à l’ensemble du territoire et de la population estudiantine de l’UdS.
Faut tout de même le faire !
Surtout quand on sait que ce juge a déjà milité très activement pour ce même parti libéral qui a encouragé sciemment les autorités universitaires à utiliser ce canal de résolution de conflits (?).
La justice est aveugle prétend-on. Aveugle peut-être, mais elle semble avoir de la mémoire !
Quand on demande à un juge de décider de ce qui est bon et de ce qui ne l’est pas, c’est que le législateur représentant le bon peuple a perdu le contrôle de sa société ou qu’il est trop lâche pour assumer ses responsabilités.
Quand un gouvernement se cache derrière son bras armé (la police) en plus d’imposer le bâillon juridique, il y a lieu de craindre. Je dis alors qu’un grave danger se pointe à l’horizon et que, NOUS le peuple, devrions en prendre bonne note.
Le débordement n’est pas que du côté des jeunes. Bien au contraire…
Il faut cesser de se diviser, car ce sont nos enfants qui font les frais de nos tergiversations.
Ce sont nos enfants qui sont dans la rue pour se faire entendre. Travaillons à les ramener au plus sacrant sur les bancs d’école dans « l’honneur et la dignité » ?
Et pour ce faire, administrons-nous en conséquence !…
Serge Longval, Longueuil
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