Émilie Bilodeau La Presse - Les francophones pourraient devenir minoritaires sur l'île de Montréal d'ici 20 ans et la diminution du nombre de personnes parlant le français ne se ferait pas au profit des anglophones. C'est ce que révèlent cinq études publiées hier par lOffice québécois de la langue française.
D'après ces recherches, ce sont les allophones qui gagneraient du terrain. En 2031, le poids démographique des personnes parlant le français à la maison sur l'île de Montréal diminuerait à 47,4% et celui des anglophones à 23%, alors que celui des allophones augmenterait à 29,5%. Lors du dernier recensement, en 2006, la proportion des francophones à Montréal atteignait 54,2% et les anglophones et les allophones représentaient respectivement 25,2% et 20,6% de la population.
Dans l'ensemble du Québec, la proportion de francophones devrait rester au-dessus de 93% avec une légère diminution de la proportion d'anglophones (de 4,2% à 3,6%). (sic)
Les études démontrent également que Montréal n'est plus la seule à compter de moins en moins de francophones. Pour une première fois, les données établissent que la couronne de la métropole est elle aussi touchée par une baisse du nombre de personnes parlant le français. Le poids des francophones dans la grande région de Montréal est passé de 68,6% en 1996 à 67,9% en 2006.
«C'est évident qu'on pouvait s'y attendre. Il y a une poursuite de la baisse de francophones sur l'île. Mais pour la première fois, on a observé dans le recensement de 2006 que la baisse des francophones se manifestait aussi dans le reste de la région métropolitaine», dit Marc Termote, démographe et président du Comité de suivi de la situation linguistique de l'OQLF.
Une autre nouveauté ressort de ces cinq études: les anglophones quitteraient de moins en moins la province, ce qui aurait pour effet de nuire au poids du français. «C'est la première fois, entre 2001 et 2006, qu'on a observé que les sorties des anglophones du Québec étaient quasiment à zéro en terme net. En fait, il y a des sorties, mais il y a presque autant d'entrées. Pendant longtemps, la baisse des francophones avait été freinée parce que les anglophones sortaient», raconte M. Termote.
Plus d'allophones choisissent le français
En revanche, les allophones qui délaissent leur langue maternelle apprennent de plus en plus le français. Pour la première fois, la proportion de cette population qui a fait une substitution vers le français (51%) a dépassé la proportion de celle ayant fait une substitution vers l'anglais (49%), alors que ces taux étaient respectivement de 39% vers le français et de 60% vers l'anglais, en 1996.
Mario Beaulieu, président de la Société Saint-Jean-Baptiste, croit qu'il faut être prudent en regardant ces chiffres, puisque seulement 39% des allophones font une substitution linguistique au cours de leur vie, comme en témoignent les études de l'OQLF. «Si on veut que l'anglais et le français gardent leur poids démographique, il faudrait que le transfert linguistique soit de 90% plutôt que de 51%».
M. Beaulieu rappelle que les allophones qui font un transfert vers l'anglais ont tendance à quitter le Québec. «Il faudrait réussir à les intégrer parce qu'en ce moment, on finance leur éducation, leur primaire, leur secondaire, leur cégep, leur université et ensuite, ils quittent le Québec. Ça a un coût économique énorme.»
En fin d'après-midi hier, la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, Christine Saint-Pierre, a réagi par voie de communiqué. Il faudra «toujours faire preuve de vigilance étant donné la situation géopolitique du Québec en Amérique du Nord et que rien ne peut être tenu pour acquis en ce qui a trait à la pérennité de la langue française, particulièrement à Montréal», a-t-elle déclaré.
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