Il y a tout juste 20 ans, le lac qui monopolisait le débat public s'appelait Meech. Cette année, le lac qui fait les manchettes n'a pas de nom. C'est le plan d'eau artificiel commandé par le gouvernement conservateur pour agrémenter le sommet du G20 à Toronto. Appelons-le le lac Harper.
Ce lac est devenu un symbole, celui des excès du gouvernement Harper dans l'organisation des deux sommets qui se tiendront au Canada à la fin de cette semaine, le G8 et ensuite le G20. Il faudra plus d'un milliard, seulement pour la sécurité.
Est-ce le prix à payer pour que le Canada joue son rôle dans le club des nations? Il est normal que le Canada soit de temps à autre l'hôte de ces rencontres internationales, et qu'il en assume les frais. Mais cela ne devrait en aucun cas justifier le gaspillage.
Le coût de ces sommets est exorbitant si on les compare à ceux qui se sont tenus dans d'autres pays. C'est d'autant plus étonnant que le gouvernement conservateur est en principe près de ses sous, surtout dans un contexte budgétaire de réduction des dépenses.
Il y a là-dedans une pointe d'idéologie. Pour la variante de conservateurs qui nous dirigent, une dépense que l'on peut associer à la sécurité n'est jamais de l'argent mal dépensé, loi et ordre obligent. Ajoutez à cela un enchaînement de mauvaises décisions, et tout était en place pour les dérapages.
Au départ, le Canada n'était l'hôte que d'un seul forum, celui du G8. Pour cette rencontre plus intime, on a choisi Huntsville, dans la région de Muskoka, près de la baie Géorgienne, connue pour ses lacs, ses îles et ses chalets. Mais lorsqu'il a été décidé d'ajouter un sommet du G20 au Canada, la capacité d'accueil de ce lieu charmant ne suffisait pas.
Et c'est là qu'est survenue la première erreur. Au lieu de déménager les deux sommets à un site plus approprié, on a décidé de garder le G8 à Huntsville et de tenir le G20 dans le centre-ville de Toronto. Les duplications que cela implique ont coûté, d'un coup, 400 millions aux contribuables.
Cette décision regrettable s'expliquerait en bonne partie par le fait que l'abandon de Muskoka aurait privé la région de la manne fédérale, ce qui aurait mécontenté les électeurs de cette circonscription que le ministre de l'Industrie Tony Clement a difficilement remportée.
L'autre erreur est le mélange des genres. Le gouvernement Harper a voulu utiliser les sommets comme une vitrine touristique. L'idée est saugrenue quand on sait que les sommets attirent des gens occupés à autre chose, qui ne seront là que quelques jours, et qui vivront dans un camp retranché. Un sommet, ce n'est pas la Coupe du monde.
Cela a mené à toutes sortes d'idées folles, comme les 275 000$ investis dans un gazebo et des toilettes publiques dans un village à 30 km de Huntsville où jamais un participant ne mettra les pieds. Et, bien sûr, le fameux lac artificiel dans le pavillon qui accueillera les médias à Toronto. C'est moins son coût qui fait sursauter, 57 000$, que la logique derrière l'initiative.
Comme seulement 200 des 2000 journalistes se rendront dans la région de Muskoka, le lac artificiel a pour but de leur proposer une réplique de ce lieu enchanteur pour leur donner le goût de visiter le Canada. Comme si les Français mettaient une fausse montagne miniature dans le jardin des Tuileries pour vendre les Alpes.
Voilà une belle carte de visite quand on sait que M. Harper, qui préside ces sommets, veut convaincre ses invités que le temps est venu de s'occuper en priorité de l'assainissement des finances publiques.
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