Ottawa dit ne pas imposer de vue pro-Israël à Droits et démocratie

«Il n'y a absolument pas de mot d'ordre qui empêche les gens de parler»

Une démocratie canadian télédirigée...


Hélène Buzzetti - Selon Lawrence Cannon, la prétendue politique pro-Israël de Droits et Démocratie provient d’une décision qui relève entièrement de la souveraineté de son conseil d’administration.
Photo : Jacques Grenier - Le Devoir

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Alors qu'Ottawa assure ne pas dicter une politique pro-Israël à Droits et Démocratie, des lettres et des pétitions circulent pour se porter à la défense des groupes palestiniens désormais considérés comme «douteux» par la nouvelle administration de l'organisme. La famille du président décédé, elle, réclame une enquête publique.
Ottawa — Le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, assure que son gouvernement n'exige pas des groupes d'aide internationale financés par Ottawa qu'ils répriment toute critique envers l'État d'Israël. Si Droits et Démocratie semble avoir adopté cette politique, il s'agit d'une décision qui relève entièrement de la souveraineté de son conseil d'administration, soutient le ministre.
Le président du conseil d'administration de Droits et Démocratie, Aurel Braun, a coupé les vivres à trois groupes d'aide engagés au Moyen-Orient, qu'il estime «liés au terrorisme». Ces groupes ont critiqué l'État d'Israël et sa politique de ségrégation entre Juifs et Palestiniens. Comme le révélait Le Devoir hier, M. Braun est un ami personnel de Gerald Steinberg, un professeur israélien qui assimile tout discours antisioniste à de l'antisémitisme.
Cette prise de position de M. Braun, nommé par Ottawa pour faire le ménage à Droits et Démocratie, traduit-elle une volonté du gouvernement conservateur? «Non, non. Je ne pense pas. Il n'y a pas de mot d'ordre», a répondu hier le ministre Lawrence Cannon à la Presse canadienne. «On met des conseils d'administration en place. Ceux-ci jugent au meilleur de leur capacité ce qui doit être fait et comment le faire. Ce sont des débats à l'interne sur un sujet ou sur un autre, mais non, au contraire, il n'y a absolument pas de mot d'ordre qui empêche les gens de parler.»
Les 47 employés de Droits et Démocratie ont signé une lettre demandant la démission d'Aurel Braun, par ailleurs ex-dirigeant du B'nai Brith, organisme militant pour la cause israélienne. M. Braun a pu se maintenir en poste lorsque Ottawa a pourvu les sièges vacants au conseil d'administration avec des gens lui étant favorables.
Le conseiller juridique principal du B'nai Brith, David Matas, est du lot. Dans un document intitulé «Israël et les Palestiniens, mythes et réalités», il écrit que la Loi du retour d'Israël, autorisant l'immigration de tout juif de la planète, n'est pas discriminatoire. «Il est impossible qu'une loi soit raciste si n'importe qui peut choisir, en se convertissant au judaïsme, de s'en prévaloir.» Il s'oppose à une loi symétrique de retour des Palestiniens parce qu'elle aurait pour effet de noyer la majorité juive. «"Le droit de retour du peuple palestinien" est aujourd'hui ce que la "solution finale au problème juif" a été à l'époque d'Hitler: des mots pour masquer l'objectif recherché, soit la négation du droit du peuple juif d'avoir une identité nationale sur son territoire historique.»
Pendant ce temps, les frères et la soeur de Rémy Beauregard, le président de Droits et Démocratie décédé en janvier à la suite d'une réunion «houleuse» du conseil d'administration, réclament au premier ministre Stephen Harper une enquête publique. «Ce qui est le plus troublant, c'est le harcèlement psychologique dont faisait l'objet notre frère par ces membres du conseil d'administration, écrivent-ils. La nomination comme président intérimaire de Jacques Gauthier, mis en cause dans ce dossier, est une insulte supplémentaire à la mémoire de notre frère.»
À la défense des groupes «douteux»
Le chef libéral, Michael Ignatieff, a dénoncé hier «l'ingérence idéologique» du gouvernement pour tenter de «diriger» les choix de partenaires de Droits et Démocratie. Lui-même un ancien professeur des droits de la personne à l'Université Harvard, M. Ignatieff connaît Bt'selem, un des trois groupes dont le financement a été aboli par le président Aurel Braun. «C'est une organisation israélienne qui fait honneur à Israël parce qu'elle s'occupe des droits de tous les gens au Moyen-Orient.»
De plus en plus de groupes se portent d'ailleurs à la défense des organismes jugés «douteux» par la nouvelle direction de Droits et Démocratie. Une pétition en faveur d'al Haq et al Mazan a déjà été signée par une cinquantaine de groupes palestiniens et israéliens de défense des droits.
«Nous [...] sommes stupéfaits de constater que, plutôt que d'aider et de se porter à la défense des défenseurs des droits humains, de ceux qui dénoncent les violations israéliennes des droits humains et s'assurent du respect des lois internationales, le conseil d'administration de Droits et Démocratie a choisi le camp des contrevenants», est-il écrit. La pétition rappelle qu'Israël empêche les militants palestiniens de voyager. «Si Israël viole leurs droits, Droits et Démocratie tente pour sa part de saper leur légitimité en utilisant la même rhétorique.»
La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), qui fédère 155 organisations dans 100 pays dont la Ligue des droits et libertés au Québec, défend quant à elle, dans une lettre ouverte, al Haq et Bt'selem. Ces groupes «sont membres de la FIDH depuis plusieurs années et la FIDH garantit leur grand professionnalisme».


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