Ottawa — La ministre québécoise de l’Emploi en a marre d’attendre l’appel de son homologue fédéral. Agnès Maltais veut régler une fois pour toutes le sort de l’entente fédérale-provinciale sur la formation de la main-d’oeuvre, alors que celle-ci vient à échéance fin mars et que l’avenir des programmes pour les chômeurs québécois est d’ici là incertain.
« [Jason] Kenney se targue de démontrer de l’ouverture », a souligné Mme Maltais au sujet du ministre fédéral de l’Emploi. « Maintenant, ce que je lui demande, c’est de passer de la parole aux actes. Il y avait des engagements à s’entendre avec le Québec et il ne se passe rien », a déploré la ministre péquiste, en entrevue téléphonique avec Le Devoir hier.
Les deux ministres de l’Emploi se sont rencontrés à la mi-novembre, en marge d’une réunion avec leurs homologues du reste du pays pour discuter du sort de la subvention canadienne à l’emploi. La dernière rencontre bilatérale remonte à la fin octobre. Mme Maltais dit attendre un nouveau tête-à-tête depuis des mois.
C’est que le gouvernement québécois rejette catégoriquement la subvention à l’emploi que veut mettre en place Ottawa. D’autant plus que le ministre fédéral a lui-même concédé que les programmes de formation de la main-d’oeuvre de la province offrent de bons résultats, rappelle Mme Maltais.
« Nous reconnaissons que le Québec a adopté une bonne collaboration avec les entrepreneurs, les employeurs, les syndicats et le gouvernement. Nous prenons note de ce fait-là », consentait M. Kenney aux Communes il y a dix jours, en expliquant vouloir poursuivre « les pourparlers avec les provinces pour trouver une solution qui puisse améliorer la livraison de ces programmes ».
Le différend fédéral-provincial découle de la proposition des conservateurs dans leur budget de 2013 de rapatrier les 300 millions versés aux provinces et territoires pour la formation de la main-d’oeuvre, afin de réorienter les fonds vers des subventions à l’emploi — financées à parts égales par le fédéral, les provinces et les employeurs — qui prépareraient des chômeurs à décrocher un emploi précis. Les provinces ont unanimement refusé, réclamant de pouvoir choisir elles-mêmes dans quelle enveloppe Ottawa pigera. Québec exige de son côté un droit de retrait avec pleine compensation. Car le programme, comme annoncé l’an dernier, est « une attaque frontale » et constitue « un empiétement inacceptable dans les champs de compétence du Québec », martèle Mme Maltais dans une lettre adressée à M. Kenney et publiée dans notre page Idées.
« En imposant une solution mur à mur qui ne respecte pas la compétence du Québec, ni la spécificité de son modèle, vous mettez en péril les réussites obtenues. Une telle action irait à l’encontre de vos objectifs », reproche la ministre québécoise, dans sa missive titrée « J’attends votre appel, M. Kenney ! »
Au bureau de ce dernier, on rétorque qu’« au contraire, le ministre a eu une rencontre très productive avec la ministre[en octobre] et il a pris bonne note de ses remarques ». On promet que M. Kenney rencontrera à nouveau ses homologues de façon bilatérale.
Si Ottawa retire ses transferts en formation de la main-d’oeuvre, « ce sont 70 millions qui n’iraient plus à des programmes de formation des populations éloignées du marché du travail et que Québec veut ramener », a expliqué Mme Maltais. Comme ses homologues provinciaux, elle s’inquiète de ne plus pouvoir financer des programmes qui ciblaient les populations vulnérables comme les autochtones, les jeunes, les immigrants — dont 30 % sont sans emploi à Montréal, selon Mme Maltais.
La ministre est inébranlable et exige, depuis près d’un an, de continuer de gérer elle-même les fonds de l’Entente sur le marché du travail, qui vient à échéance le 31 mars.
Mais elle se dit prête à dialoguer avec son collègue conservateur quant aux secteurs du marché de l’emploi que veut cibler M. Kenney. « Sur les objectifs, j’ai une très grande ouverture », soutient Mme Maltais. Mais le modèle québécois fonctionne, et rebâtir une structure parallèle au fédéral pour répartir les fonds eux-mêmes « c’est complètement absurde !, croit la ministre. Ça va coûter une fortune et ça va être inefficace[…] Pourquoi, pourquoi risquer de démolir un succès ? »
Mme Maltais espère qu’Ottawa précisera ses intentions dans son prochain budget, qui sera déposé à Ottawa mardi.
FORMATION DE LA MAIN-D’ŒUVRE
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