SCANDALE AU SÉNAT

La GRC dépose les premières accusations contre Patrick Brazeau et Mac Harb

La Chambre haute a la mine basse

Ottawa — Après des mois d’enquête et un scandale qui hante le Sénat depuis près d’un an, la Gendarmerie royale du Canada a déposé de premières accusations mardi après avoir terminé ses enquêtes sur le sénateur Patrick Brazeau et son ex-collègue Mac Harb.
Soupçonnés par le Sénat d’avoir injustement récolté des indemnités de logement, Patrick Brazeau et Mac Harb avaient depuis quitté la Chambre haute. Le premier a été suspendu, le second a démissionné cet été. Mais la GRC a ramené les deux hommes sous les feux de la rampe mardi en annonçant qu’au terme de son enquête, elle déposait contre les deux « un chef d’accusation d’abus de confiance par un fonctionnaire public et un de fraude », a fait savoir le commissaire adjoint de la GRC Gilles Michaud.
Le scandale, qui a donné lieu à maints rebondissements, a débuté lorsque l’on a appris que Mike Duffy, Patrick Brazeau et Mac Harb avaient peut-être déclaré frauduleusement habiter une résidence principale située à plus de 100 km d’Ottawa et touchaient, en échange, une indemnité de logement.
Une vérification interne du Sénat a déterminé, le printemps dernier, que Patrick Brazeau déclarait à tort habiter la maison de son père à Maniwaki, en Outaouais. Le sénateur a aussi une maison à Gatineau. Il a été impossible de le joindre mardi, pas plus que ses avocats.
Le premier ministre Stephen Harper a été avare de commentaires. « On s’attend toujours à ce que les parlementaires respectent les règles et, s’ils ne le font pas, il y aura des conséquences. Nous saluons le travail de la GRC à cet égard », a réagi M. Harper aux Communes.
Les déboires de sénateurs qu’il a lui-même nommés à la Chambre haute — M. Brazeau, mais aussi Pamela Wallin et surtout Mike Duffy — ébranlent le premier ministre presque tous les jours aux Communes. Il y est bombardé de questions sur l’entente qu’ont conclue M. Duffy et son ancien chef de cabinet Nigel Wright, en vertu de laquelle ce dernier a remboursé 90 000 $ au Sénat à la place du sénateur pour les indemnités de logement qu’il n’aurait pas dû réclamer. Mme Wallin se serait de son côté injustement fait rembourser des frais de déplacement.
Sans évoquer directement ces deux affaires toujours en cours, M. Michaud a assuré que la GRC continue « à travailler sur d’autres enquêtes importantes. Nos enquêteurs continuent d’examiner de nombreuses pistes pour vérifier tous les faits et recueillir les éléments de preuve correspondants ».
Mac Harb plaidera non-coupable
L’ex-sénateur libéral Mac Harb — qui a démissionné de la Chambre haute en août après avoir remboursé 231 000 $ au Sénat — a déclaré comme résidence principale une demeure « largement inhabitable » pendant trois ans, selon ce que révélait un affidavit de la GRC cet été. Député libéral pendant 15 ans avant d’être nommé sénateur, M. Harb possédait aussi une demeure à Ottawa.
Son avocat, Sean May, a prévenu que son client « maintient avec ténacité son innocence » et qu’il plaidera non coupable. M. Harb a toujours argué qu’il n’y a « pas eu d’illégalité de commise ».
Le mois dernier, un second affidavit de la GRC révélait que M. Harb a transféré la presque totalité d’une propriété à une diplomate en poste à Ottawa à l’époque, sans en aviser la banque auprès de laquelle il avait contracté une hypothèque. Après avoir envisagé que M. Harb puisse avoir commis une fraude hypothécaire, M. Michaud a indiqué mardi que « la preuve recueillie ne permettait pas d’appuyer de telles allégations ».
Martelant qu’il a lui-même demandé de confier les dossiers des quatre sénateurs plongés dans l’embarras à la GRC, le chef libéral Justin Trudeau s’est dit « persuadé que la GRC va poursuivre son travail, et si des gens sont coupables d’avoir fraudé le gouvernement, il va y avoir des conséquences ».
Les quatre sénateurs ont martelé sans relâche qu’ils n’ont rien fait de mal, que l’administration du Sénat leur a donné le feu vert afin qu’ils récoltent ces indemnités, et que les règles de « résidence principale » de la Chambre haute ne sont pas claires, comme l’a indiqué la firme comptable Deloitte qui a été mandatée par le Sénat pour éplucher les allocations de dépenses des sénateurs.
MM. Brazeau et Harb risquent cinq ans de prison s’ils sont reconnus coupables d’abus de confiance, et d’un maximum de 14 ans d’emprisonnement pour le chef de fraude.


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