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Voir notre carte sur le réseau de pipelines pour exporter les sables bitumineux
Alexandre Shields - Le ministre canadien des Ressources naturelles estime qu'il serait tout simplement «fantastique» d'utiliser le réseau de pipelines qui voyage sur des centaines de kilomètres en sol québécois pour exporter du pétrole tiré des sables bitumineux vers les États-Unis. Cette idée intéresse d'ailleurs des pétrolières très présentes en Alberta et qui ont déjà entrepris les étapes préliminaires à la réalisation de ce projet décrié par les groupes écologistes.
Avec le projet de pipeline Keystone XL entre parenthèses pour au moins un an et un projet dans l'Ouest canadien qui risque d'être retardé en raison de longues démarches d'approbation, la voie du Québec apparaît en effet de plus en plus plausible. Pour y parvenir, il faudrait faire voyager le pétrole brut de l'Alberta vers Sarnia, dans le sud de l'Ontario, avant de le diriger vers Montréal, puis enfin vers Portland, dans le Maine. Cette option impliquerait d'utiliser l'oléoduc qui part de Montréal et qui traverse le sud du Québec, en passant par Dunham. Tous les tronçons nécessaires existent déjà. Ce projet est connu sous le nom de Trailbreaker.
Le ministre Joe Oliver a salué cette idée hier lors d'un bref passage à Montréal. «Ce pourrait être une excellente occasion. Ce serait fantastique», a-t-il répondu à une question du Devoir. «Je sais bien que vous avez déjà» une infrastructure en place. Le ministre conservateur a dit du même souffle que cette option est sur la table. «Il y a eu des discussions dans le secteur privé à propos des possibilités de faire voyager du pétrole vers l'est du pays.»
M. Oliver a aussi pris soin de préciser que le gouvernement fédéral ne s'immiscerait pas dans le choix de la route à emprunter pour exporter une production d'énergie fossile en pleine croissance. «Nous ne favorisons pas une route plutôt qu'une autre. Nous ne déterminons pas où le pipeline doit être construit, pas plus que l'endroit où les raffineries sont construites. Nous sommes dans une économie de marché.»
Justement, le secteur privé a déjà clairement manifesté son intérêt pour le tracé qui passe par le Québec. Suncor — propriétaire de la seule raffinerie montréalaise et gros joueur dans l'exploitation des sables bitumineux — a fait valoir en juin dernier qu'elle aimerait un jour faire couler son pétrole de l'ouest vers l'est du Canada. Suncor est également l'unique utilisateur de l'oléoduc qui amène du brut de Portland à Montréal. Montréal Pipe-Lines, qui gère ce tronçon, est présentement devant la Cour du Québec afin d'obtenir l'autorisation de construire une station de pompage à Dunham, ce qui permettrait de faire couler le pétrole brut de Montréal vers Portland.
Selon Jean-Thomas Bernard, professeur au Département de science économique de l'Université d'Ottawa, l'idée fait clairement son chemin. «Oui, il y aura de l'opposition, mais je crois que le projet a de bonnes chances de se réaliser, parce que les infrastructures sont déjà construites. Avec des ajustements mineurs, on pourrait le concrétiser», expliquait-il récemment au Devoir.
Il faut exporter
Et l'objectif d'Ottawa demeure: il faut absolument diversifier les exportations canadiennes d'or noir. Surtout que la production des sables bitumineux devrait passer de 1,5 million de barils par jour à 3,5 millions de barils d'ici 10 ans. Au total, les réserves actuelles sont évaluées à 170 milliards de barils. Les États-Unis demeurent, pour le moment, un partenaire de choix. Mais le géant chinois, avide de pétrole pour soutenir sa croissance, attire de plus en plus l'attention des multinationales de l'énergie fossile implantées au Canada. D'où le projet Northern Gateway, qui permettrait de rejoindre le Pacifique et ainsi le marché asiatique.
Or, pour le moment, les conservateurs peinent à faire progresser les deux projets qu'ils chérissent. Mais M. Oliver a dit demeurer confiant. «Je ne peux pas commenter le projet de Northern Gateway, parce qu'il est en cours d'évaluation. Quant au projet Keystone XL, il a été approuvé au Canada et par plusieurs instances aux États-Unis, mais il n'a pas reçu l'approbation présidentielle. Nous espérons qu'il recevra cette approbation.»
Le ministre a également réitéré sa volonté de raccourcir les audiences publiques afin d'accélérer l'approbation de projets. C'est un des principaux éléments qui inquiètent les groupes écologistes, notamment dans le cas où les pétrolières décideraient de passer par le sud du Québec.
Selon Steven Guilbeault, porte-parole d'Équiterre, les pipelines enfouis dans le sol québécois présentent par ailleurs des risques certains de fiabilité. «On parle d'utiliser un oléoduc qui est âgé; il faudra augmenter la pression dans le tuyau pour transporter le pétrole des sables bitumineux, sans oublier qu'il faut inverser le flux. Je trouve ça inquiétant, surtout que tout cela se passe alors que le gouvernement fédéral a commencé un travail de démantèlement des outils de consultations publiques sur de tels enjeux.»
Sables bitumineux
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