L'ÉDITO DE CHARLES :

«Oui, c’est compliqué !!»

D'où la nécessité de ne pas tirer de conclusions hâtives

Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !
Voici le mail reçu dimanche à quelques heures de la grande marche de la part de l’un de nos camarades lecteurs.
« Est-il courant pour des employés d’agences de presse à Paris d’avoir sous la main des gilets pare-balles.
Deux en ont sur ces images de France 24.
Il serait donc instructif de leur demander où et quand ils se les sont procurés, leur facture et la trace de leur paiement, ou le récépissé daté d’une autorité… »
Et voici ma réponse. Oui, c’est très courant… L’agence de Presse « Premières lignes », comme son nom l’indique, envoie des reporters sur les fronts chauds de la planète. Ils ont donc un paquetage avec casque et gilet de protection. Cela fait partie de la dotation standard. Ces équipements sont au bureau et les journalistes ne les ont pas chez eux. Résultat, quand vous êtes au bureau, que vous entendez tirer, vous ouvrez l’armoire et vous enfilez votre gilet. C’est assez simple en fait. C’est presque un réflexe et évidemment du bon sens.
Oui, c’est compliqué !
Encore une fois, en disant ne voyons pas des complots partout, je ne dis pas qu’il n’y a pas de complot du tout. Je dis simplement que, pour le moment, il n’y a pas plus d’élément permettant d’affirmer qu’il y en aurait un que de penser qu’il n’y en a pas car tout ce qu’il se passe est très compliqué.
Oui, c’est compliqué de mener une réflexion véritablement indépendante parce que ce que l’on appelle les « biais de raisonnement » représentent un écueil majeur. Un biais de raisonnement consiste inconsciemment, en essayant de prouver quelque chose, à ne retenir que les éléments favorables à vos postulats de départ. En clair, pour en revenir à cette histoire, en mêlant quelques montages vidéo, quelques photos, je peux vous monter une réalité toute autre. Il ne faut pas plus tomber dans le piège de ces biais de raisonnement que refuser la complexité bien réelle des relations internationales.
Oui, c’est compliqué. Compliqué parce que nous avons des liens avec certains pays et des liens proches qui, eux-mêmes, ont des liens avec les terroristes.
Oui, c’est compliqué parce qu’en soutenant les rebelles syriens contre le président Al-Assad, nous avons en réalité soutenu les terroristes, financé les terroristes, armé les terroristes et entraîné les terroristes qui aujourd’hui veulent semer la terreur en France.
Oui, c’est compliqué parce que l’émotion est forte et que quand l’émotion est forte, la raison vacille.
Oui, c’est compliqué parce que les fractures béantes et dramatiques de la société françaises apparaissent au grand jour alors que jusqu’à ces tueries, toute la bien-pensance a tout fait par les masques et jeté un voile pudique sur tous nos maux.
Oui, c’est compliqué parce que nos profs, même « gochos-bobo-cucul-gnangnan » découvrent horrifiés que leurs élèves soutiennent parfois de façon assez massive les actions de barbarie commises ou, a minima, les « comprennent » et refusent catégoriquement de les condamner.
Oui, c’est compliqué d’aller marcher « unis » alors que l’ensemble des chefs d’États de la planète ou presque seront là dans une forme de récupération du drame alors que beaucoup parmi les citoyens, et j’en fais partie, sont en désaccord profond avec les actions politiques menées par ces dirigeants qui depuis des années sèment les graines de la discorde et que les peuples récoltent les violences.
Oui, tout cela est très compliqué, encore plus compliqué lorsque le président ukrainien vient défiler à Paris alors qu’en Ukraine, les morts se comptent par milliers.
Oui, c’est compliqué l’unité alors que tous nos politiciens tentent de se positionner pour « plus tard », pour bientôt alors que les corps de nos morts sont encore tièdes.
Oui, c’est compliqué, compliqué de parler de l’islam, des musulmans de France sans être un « facho » ou un « raciste » ou un « islamophobe » et pourtant bien des choses doivent être dites sans justement tomber dans la haine.
Oui, c’est compliqué la « liberté d’expression », ses limites, ou encore sa géométrie variable et beaucoup parmi vous ont en tête l’affaire Dieudonné ou encore certaines actions des Femen dans les églises, et l’agacement chez certains est très profond, sans parler des rétorsions réelles, nombreuses et répétées, face aux manifestants pacifiques de la Manif pour tous. Pourtant, ce n’est pas parce que certains considèrent que parfois leur liberté à eux n’a pas été respectée qu’ils ne doivent pas défendre la liberté des autres. Je défends la Liberté avec un grand L, dans toutes ses formes, mêmes celles qui me choquent, me gênent ou parfois même me répugnent.
Oui, c’est compliqué lorsque je lis le dernier « tweet » de Valérie Pécresse expliquant doctement qu’un « patriot act » à la française est indispensable, ce qui revient à dire que finalement le danger évident auquel nous sommes aussi confrontés c’est la réduction de nos libertés par nos politiciens ou par les terroristes… Funeste choix n’est-ce pas ?
Oui, c’est compliqué d’aller marcher si c’est pour cautionner des lois liberticides qui n’empêcheront JAMAIS un terroriste de frapper où bon lui semble mais qui viendront éroder les droits fondamentaux des citoyens à penser.
Oui, mes chers amis, tout cela est très compliqué. Marcher contre le terrorisme c’est compliqué aussi. Comment penser une seule seconde que marcher permet de lutter contre le terrorisme ? On fait la guerre au terrorisme et à nos ennemis tueurs de notre peuple. On ne marche pas contre eux… Ou alors les armes à la main… Et pourtant, marcher signifie affirmer notre détermination collective à les combattre et c’est cela que disent ces millions de Français dans nos rues. Nous vous combattrons.
Oui, c’est compliqué et nous pouvons tous trouver ou adhérer à une ou plusieurs bonnes raisons pour ne pas marcher, pour ne pas se récupérer, pour ne pas s’associer aux drames qui ont frappé notre pays. Pourtant, pourtant, quoi que vous pensiez, quoi que vous croyiez, ce qui s’est passé cette semaine va façonner notre pays dans les prochaines semaines et les prochains mois. C’est une césure historique, un point de rupture.
Pourtant, j’irai marcher sans hésitation
L’histoire nous enseigne que ce sont les minorités qui écrivent l’histoire. À chaque fois. La majorité silencieuse est avant tout silencieuse, laissant le libre champ aux minorités agissantes. C’est donc un avenir bien sombre qui nous attend collectivement.
Pourtant, je pense qu’il faut aller marcher et j’irai avec ma femme et mes enfants marcher. Marcher pour dire que je n’ai pas peur, marcher en pensant aux 17 personnes qui ne peuvent plus marcher.
Marcher parce que la Liberté vaut bien une marche même si les dessins de Charlie Hebdo m’ont agacé, ils ne m’ont jamais blessé, ils m’ont encore moins tué. Mon « Dieu » par son infinie sagesse et son amour est bien évidemment au-delà de cet humour temporel de simples mortels, fussent-ils des mécréants.
Marcher parce que l’on voit bien les tentations obscurantistes d’une partie pas si minoritaire que cela d’une frange de notre population.
Marcher parce que nos aînés nous ont légué en héritage une idée de la France ainsi que de la Liberté, et que beaucoup n’ont pas hésité à sacrifier leur vie pour permettre à leurs enfants de vivre dans un pays libre.
Marcher parce que l’on ne peut pas tuer nos concitoyens policiers en les abattant comme des chiens et ils n’étaient pas Charlie Hebdo.
Marcher parce que l’on ne peut pas abattre d’une rafale dans le dos une « fliquette » municipale qui n’était pas Charlie Hebdo.
Marcher parce que l’on ne peut pas tuer du juif (français) uniquement parce qu’il est juif, sinon cela reviendrait à dire que l’on peut tuer du chrétien parce que chrétien ou du musulman parce que musulman.
Marcher en homme et en femme libres, libres de penser ce que nous voulons, libres d’être Charlie ou Amhed,
Marcher parce que, pour le moment, nous ne pouvons faire que cela.
Marcher parce que dans notre hymne national, nous marchons, marchons pour notre Liberté.
Charles SANNAT


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