Le gouvernement Harper dispose, depuis le début de l'année, de rapports établissant que la détention arbitraire, la torture et le meurtre sont choses courantes dans le système pénitentiaire afghan. Quelque 1000 pages de ces rapports ont été rendues publiques la semaine dernière à la suite d'une décision des tribunaux. Pourtant, le premier ministre et ses ministres ont pendant des semaines nié le fait que les prisonniers talibans faits par les soldats canadiens dans la région de Kandahar aient risqué la torture une fois remis aux autorités afghanes. Et lorsque ce ne fut plus possible de nier, parce que des cas de torture faisaient la une des journaux, ils ont alors cherché à minimiser ces risques, ce qu'ils continuent à faire.
Comment expliquer ce déni de la réalité? Reconnaître l'existence de la torture serait admettre la complicité du Canada pour les sévices que subissent «ses» prisonniers une fois aux mains des agents de la Direction nationale de la sécurité afghane. Ce serait aussi admettre un manquement aux obligations en matière de droits de la personne que lui impose le droit international. Au surplus, cela dénaturerait le sens même de la présence militaire canadienne dans ce pays que l'on veut d'abord humanitaire. Le Canada serait alors dans une position intenable. Mieux vaut donc détourner les yeux et commettre de pieux mensonges. Et parfois, on se permet même de rire de cette situation.
L'échappatoire trouvée par le gouvernement Harper aura été, outre le fait de se reposer sur la bonne volonté du gouvernement Karzaï, de signer des ententes avec notamment la commission afghane des droits et libertés pour assurer un suivi du sort réservé à ces prisonniers. Le problème est que cette commission n'a ni l'autorité ni les ressources nécessaires lui permettant d'accomplir ce mandat. Quant au gouvernement afghan, on ne peut lui faire confiance. Il y a deux semaines, le président Karzaï a dû reconnaître que la torture se pratiquait toujours dans son pays. Moins qu'avant, mais encore trop. Il donnait raison au Conseil de sécurité des Nations unies qui avait demandé en septembre à la Force internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan de renforcer les initiatives de réforme du système pénitentiaire de ce pays «afin que la légalité et les droits de l'homme y soient mieux respectés».
L'ampleur de la réforme à réaliser est telle que les efforts qui sont faits ne donneront pas de résultats avant de nombreuses années. Or, en attendant que ce jour arrive, les prisonniers faits par le Canada continuent de courir des risques graves de torture. Il n'y a pas de demi-mesure possible à cet égard, sinon d'adopter un moratoire sur le transfert de ces prisonniers, au moins le temps de mettre en place des mesures efficaces de contrôle dans les prisons afghanes pour que cessent les traitements abusifs. Les partis d'opposition aux Communes sont unanimes sur ce sujet, comme plusieurs groupes de défense des droits, comme Amnistie internationale. Il est temps que le gouvernement Harper ouvre les yeux.
bdescoteaux@ledevoir.com
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