Panneaux routiers - Circulez!

Scandale de la nouvelle signalisation



Dans la valse aux millions à consacrer à notre bien-être collectif, il est toujours étonnant de constater à quel point l'argent sort plus facilement, et par millions!, pour l'infrastructure routière centrée autour du véhicule individuel que pour — exemple pris au hasard! — financer le-projet-qui-n'entre-pas-dans-les-normes d'un Dr Gilles Julien ou, pour s'en tenir au secteur discuté, améliorer le transport collectif.
Ainsi donc, le conducteur moyen vieillit et voit moins bien. Il pourrait changer de lunettes ou s'en acheter, ou bien lâcher le volant pour se laisser conduire (oups, sacrilège!, c'est pas l'Europe ici: d'abord, il n'y a pas de trains ou de circuits d'autobus dignes de ce nom pour se déplacer sur l'ensemble du territoire, et puis nous, Américains, tenons à la liberté, celle que seul «le char» — qu'on occupe idéalement tout seul — peut amener!)... Au lieu de quoi, le ministère des Transports va lui faciliter la vie et rendre les panneaux routiers plus faciles à lire. Des centaines de millions de dollars suffiront pour y arriver.
Et, quelle heureuse coïncidence, à qui cette manne va-t-elle profiter? Au secteur privé.
La décision de modifier lettres et pellicule pour mieux guider les baby-boomers sur la route s'est en effet prise la même année (2008) où le gouvernement libéral a décidé que la fabrication des panneaux ne devait plus relever de Transports Québec. Mieux encore, les appels d'offres pour les nouveaux panneaux ont été lancés des mois avant que le changement d'orientation quant à «l'utilisation de pellicules rétroréfléchissantes plus performantes» ne soit adopté par le ministère. Quelle drôle de manière de procéder...
S'ouvre ainsi un formidable nouveau marché du panneau routier. Transports Québec a beau affirmer que les changements se feront «au rythme des opérations courantes d'entretien» — soit le remplacement moyen de quelque 40 000 panneaux chaque année au Québec —, il reconnaît aussi qu'on ne va pas attendre la fin de la vie utile de chacun des panneaux pour passer à l'offensive. Présumons que l'uniformité de l'affichage servira de prétexte pour justifier la dépense, comme on le constate pour l'opération de remplacement en cours sur l'autoroute 20.
Curieusement, ce changement opéré pour, semble-t-il, le plus grand bénéfice de la société québécoise vieillissante n'a fait l'objet d'aucune annonce en 2008, pas même un communiqué de presse. Notre entrée dans le «mouvement nord-américain» afin d'«offrir aux usagers un système de transport routier sécuritaire», pour reprendre les termes du document du ministère dont Le Devoir a obtenu copie, n'aurait-elle pas mérité d'être clamée?
Dans la foulée, on peut par ailleurs se demander qui se plaignait de l'illisibilité des panneaux au Québec pour qu'il apparaisse justifié de se lancer dans une telle dépense...
Le Québécois a peut-être la vue qui baisse, mais il est encore capable de voir le manque de transparence qui entoure certaines décisions gouvernementales même si elles sont prises apparemment pour son bien.


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