Par une curieuse coïncidence, Tony Blair quittera son poste de premier ministre du Royaume-Uni le jour même où Pauline Marois deviendra chef du Parti québécois.
Pourquoi ce rapprochement ? Parce que Tony Blair a réussi à reconstruire le vieux Labour, un parti social-démocrate dominé par les syndicats, qui préconisait la propriété collective des moyens de production et qui avait contribué à la stagnation de l'économie britannique. Il a fallu l'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher pour relancer cette économie en déréglementant, en privatisant, en réduisant le fardeau fiscal et en mettant les syndicats à leur place. Quand Tony Blair prit le pouvoir, il conserva les politiques de la " Dame de fer " et lanca des dizaines de partenariats public-privé (PPP). Sa grande erreur politique fut de s'aligner sur George W. Bush face à l'Irak et d'y engager son pays.
Quant à Pauline Marois, elle hérite aussi d'un parti social-démocrate qui doit être dépoussiéré. Tony Blair avait réussi à faire le ménage avant son élection. Pauline Marois devra le faire après avoir été couronnée. C'est une grosse différence, mais Mme Marois arrive à la tête du PQ en ne devant rien à personne. Les militants la voient plutôt comme un sauveur, ayant hérité de la présidence du PQ sans opposition, ce qui lui réussit mieux qu'une course à la direction.
Mme Marois a en quelque sorte posé ses conditions dans un discours lors du dépôt de sa candidature. Reconnaissant que la défaite électorale du 26 mars était le résultat d'un manque d'écoute de son parti, qui s'est " enfermé dans des doctrines et des discussions en vase clos " et qui a " manqué de courage pour proposer des changements devenus incontournables dans notre société ", Mme Marois a insisté sur le renouvellement du PQ.
Sans renier les deux piliers du parti, la souveraineté et la social-démocratie, elle a dit avoir pris acte que les Québécois " ne se sentaient pas prêts à rouvrir maintenant la discussion décisive sur la souveraineté [...] qu'ils ne se reconnaissaient plus dans certains dogmes qui préavalaient depuis la Révolution tranquille et dont nous nous sommes faits les porte-parole [...] et qu'ils attendaient des actions réalistes, concrètes et immédiates dans certains dossiers où ils ont des inquiétudes particulières ".
Elle s'est dite en faveur de " formes nouvelles et audacieuses de collaboration " entre les secteurs privé, communautaire et public, a reconnu que " le bien commun s'inscrit aussi dans le bien-être individuel " et qu'il fallait " mettre résolument le cap sur la création de richesse ", qu'elle a présentée comme " LA condition essentielle pour faire avancer l'égalité des chances, financer les services publics et les programmes sociaux et bâtir la vraie solidarité ".
On verra plus tard ce que ce discours signifie vraiment. Mme Marois a eu, depuis sa défaite à la direction du PQ il y a 18 mois et depuis la déconfiture du parti le 26 mars, le temps d'analyser la baisse constante de popularité du PQ depuis 1994 et de réfléchir à la façon de le relancer, principalement depuis la montée de l'Action démocratique (ADQ), qui a su rallier une bonne partie de la clientèle du PQ en s'affirmant comme parti autonomiste à l'intérieur du Canada. Après tout, 86 % des Québécois se disent fiers d'être canadiens.
La côte à remonter sera toutefois fort abrupte, car Mme Marois aura à affronter une base militante radicale qui a plus d'une fois menotté le plus haut dirigeant du PQ.
Mme Marois devra travailler sur trois axes :
1. Elle ne peut renoncer la souveraineté, à laquelle adhèrent 37 % des Québécois (dernier sondage CROP), mais deux clarifications s'imposent. A) La souveraineté doit-elle être totale ou être assortie d'une entente économique avec le reste du Canada ? B) Si le référendum est mis de côté pour le moment, il ne peut l'être indéfiniment. Elle devra donc trouver un moyen d'écarter cette épée de Damoclès.
2. La social-démocratie. Beaucoup de dogmes doivent être revus en ce qui touche les droits de scolarité, les tarifs d'électricité, la dette publique, la place du privé dans la santé, les PPP, l'universalité des programmes sociaux, le fardeau fiscal et le poids des syndicats. Bref, le Québec doit être plus compétitif face à l'étranger.
3. La gouvernance du PQ doit être revue. Autrement, à l'instar de son prédécesseur, Mme Marois sera elle aussi neutralisée.
Compte tenu du danger d'effritement et même d'effondrement dans lequel se trouve le parti, la conjoncture actuelle paraît toutefois favorable à son renouvellement. Mais cela ne sera possible que si les militants radicaux, les syndicats les milieux communautaires acceptent de faire des compromis. Sinon, ils auront contribué à jeter leur bébé avec l'eau du bain.
jean-paul.gagne@transcontinental.ca
Éditeur émérite
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