Payer son repas à l'hôpital

Commission Castonguay

Le rapport du groupe de travail ne précise pas quels services devraient désormais être payés par les patients. Mais les repas servis à l'hôpital et les services d'assistance domestique sont au nombre des exemples donnés hier par le président du groupe, Claude Castonguay. (Photo PC)

Tommy Chouinard - On s'attendait à ce que le rapport Castonguay sur le financement des soins de santé fasse des vagues. C'est un tsunami auquel on a eu droit hier. Ses conclusions ont provoqué des réactions aussi vives que discordantes dans de multiples sphères de la société. Et permis d'explorer des aspects méconnus ou inexplorés qu'un tel virage pourrait entraîner.

Les patients devraient payer leurs repas lorsqu'ils sont hospitalisés. Et les personnes âgées en perte d'autonomie devraient débourser tous les frais liés à certains services à domicile, comme la préparation des repas et l'entretien ménager. Selon le groupe de travail Castonguay, l'État n'a pas à ramasser la facture de tous ces services.
«Il y a un sentiment qui semble très répandu à l'effet que, étant donné que ce sont des services qui s'apparentent aux services médicaux et sociaux, tout devrait être gratuit. Il n'y a rien qui établit nulle part dans la législation québécoise que tout ce qui gravite autour (des soins médicaux) devrait être traité de la même manière», a expliqué le président du groupe, Claude Castonguay, hier.
Selon lui, des services actuellement couverts par l'État ne devraient plus l'être afin que «les sommes consacrées à la santé soient utilisées pour ce qui est le plus important et essentiel».
Le groupe de travail propose une révision du panier de services couverts par le régime public. Le rapport ne précise pas quels services devraient désormais être payés par les patients. Mais Claude Castonguay a donné quelques exemples en conférence de presse.
«Les repas à l'hôpital sont couverts pour une personne qui est hospitalisée. Et même si cette personne a des revenus amplement suffisants pour payer ses repas. Il y a des sommes considérables qui, chaque année, vont à ce genre de dépenses, alors qu'on sait qu'il manque d'argent pour des équipements qui peuvent être importants», a-t-il expliqué.
Mais Claude Castonguay reconnaît que «certains diront que ça n'a pas de bon sens» d'exiger que les personnes hospitalisées payent leurs repas.
Le président du groupe a évoqué d'autres situations où l'État ne devrait plus ramasser la facture. «On couvre présentement des problèmes mineurs, comme un rhume, un mal de ventre La personne se présente au cabinet du médecin et à l'urgence pour des choses banales, et tout ça est couvert sans exception», a-t-il déploré.
Le groupe de travail recommande également à Québec de définir «plus clairement» la couverture des services de maintien à domicile. Selon M. Castonguay, des «services d'assistance domestique» ou «à la vie quotidienne» sont couverts par l'État dans certaines régions, par l'entremise du CLSC qui vient en aide à une personne âgée en perte d'autonomie. Dans d'autres régions, ces mêmes services ne sont pas payés par l'État.
Pour le groupe de travail, les services de maintien à domicile devraient être divisés en trois catégories et financés de façon différente. Les «services médicaux, infirmiers et professionnels spécialisés» devraient être couverts par l'État. Les «services d'assistance à la vie quotidienne» - les soins d'hygiène personnelle, l'aide à l'alimentation et l'aide aux déplacements - devraient «au-delà d'un certain seuil, être tarifés en fonction de la capacité de payer tout en étant admissibles aux crédits d'impôt». «Les plus démunis» seraient exemptés.
Enfin, toujours selon le rapport Castonguay, les «services d'assistance domestique» - la préparation des repas, l'entretien ménager et la lessive - devraient être «à la charge de la personne et de sa famille, avec une forme d'exonération pour les plus démunis». «On croit que normalement, ça ne devrait pas être couvert» par l'État, car ce ne sont pas des soins médicaux, a affirmé M. Castonguay.
À l'heure actuelle, les personnes âgées reçoivent des subventions de l'État lorsqu'elles confient à une entreprise d'économie sociale des services comme l'entretien ménager.
Crédits d'impôt à revoir
Les crédits d'impôt remboursables pour les services de maintien à domicile devraient être revus, propose le groupe de travail. En ce moment, toutes les personnes âgées à domicile sont admissibles à ces crédits d'impôt, peu importe leur revenu. Les nantis ne devraient pas y avoir droit, estime le groupe de travail. L'État pourrait économiser de 25 à 75 millions de dollars par année. Les crédits d'impôt en faveur des aînés pour les services à domicile sont passés de 108 millions en 2005 à 252 millions cette année, un bond de 135%.
Le groupe de travail recommande au gouvernement d'«accorder la priorité au maintien à domicile et qu'à cette fin, il soutienne dans ce secteur un niveau élevé d'investissement».
CE QU'ILS ONT DIT
Oui à la taxe de vente, non aux franchises
- Les comités d'usagers
Le regroupement provincial des comités d'usagers approuve une des recommandations du rapport Castonguay: augmenter la taxe de vente pour mieux financer le réseau de la santé. «Ce serait un moyen plus général, plus simple et plus équitable que des franchises», affirme son porte-parole, Jean-Marie Dumesnil. «Le rapport suggère une franchise de 100$ pour que les patients s'inscrivent aux groupes de médecine familiale, mais il faudrait d'abord les créer, ces GMF!» (A.N.)
Le privé est plus un problème qu'une solution
- La Coalition Solidarité-Santé
Le rapport Castonguay va à l'encontre de toutes les études, lesquelles montrent que le privé constitue davantage un problème qu'une solution dans la santé, affirme la Coalition Solidarité-Santé, qui regroupe syndicats et groupes communautaires. «Ce sont dans les secteurs où le privé joue un rôle important que les dépenses augmentent et sont hors contrôle, par exemple celles des médicaments.» Le comité Castonguay, «ravale la santé à une marchandise comme les autres; la santé n'est plus considérée comme un droit humain fondamental dont l'État doit être le garant». (A.N.)
Il faut préserver notre autonomie
- Les médecins spécialistes
Le rapport Castonguay propose des «solutions raisonnables» à deux exceptions près, selon la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ). Suspendre l'entrée en vigueur des dossiers de santé électroniques n'est pas intéressant. «On est prêt pour ça. Ça ne sert à rien d'attendre», affirme le président de la FMSQ, le Dr Gaétan Barrette. La FMSQ n'est pas non plus favorable à un plus grand contrôle administratif des établissements de santé. «Il ne faudrait pas que les établissements se mêlent trop de notre pratique en nous forçant, par exemple, à faire une chirurgie de telle ou telle façon. Les médecins doivent pouvoir utiliser les méthodes qui leur conviennent», dit le Dr Barrette. (A.L.)
Oui à tout sauf à la hausse de la TVQ
- ADQ
L'Action démocratique du Québec louange le rapport Castonguay. Elle appuie ses recommandations, sauf la hausse de la TVQ. «Essentiellement, le rapport du comité Castonguay cautionne plusieurs solutions qui ont été prônées par l'ADQ pendant plusieurs années et pour lesquelles le parti a été mis au banc des accusés, ostracisé. Et aujourd'hui, sans vouloir faire preuve de triomphalisme, je pense que l'ADQ peut dire que dans ces solutions, on était sur la cible, on était sur la bonne voie», a affirmé le député Éric Caire. Le porte-parole adéquiste en matière de santé est favorable à l'imposition d'une franchise aux usagers du système de santé, un «ticket modérateur» à ses yeux. Or, il rejette la hausse de la TVQ parce que «les Québécois sont lourdement taxés». (T.C.)
Non à plus de place au privé
- Parti québécois
Avant d'ouvrir plus grande la porte au privé, il faut rendre le système de santé public «plus efficace et performant», estime le député péquiste Bernard Drainville. Le Parti québécois rejette l'idée de donner plus de place aux assurances privées. «Nous, on a un sacré problème avec ça, a lancé M. Drainville. Le privé ne peut pas être la solution à tous nos problèmes, parce qu'on est déjà un des États où il y a le plus de privé, et on a encore des problèmes.» Il reproche au gouvernement Charest d'avoir rejeté l'idée de récupérer la baisse de la TPS annoncée par Ottawa pour augmenter la TVQ comme le proposait son parti l'automne dernier. Est-ce qu'un gouvernement péquiste augmenterait la TVQ afin de financer la santé? «Vous savez, je suis nouveau en politique Sur cette question-là, je vais d'abord attendre ce que M. Couillard, Mme Jérôme-Forget et surtout M. Charest vont nous dire», a-t-il répondu. (T.C.)
Menace à l'accessibilité
- Les médecins omnipraticiens
La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) craint que si les Québécois doivent payer une franchise proportionnelle à leur fréquentation du système de santé, certains remettent à plus tard leur consultation médicale. «Présentement, il n'y a pas d'abus du système. La franchise risque de mettre un frein inutile à la consultation», affirme le responsable des communications de la FMOQ, le Dr Jacques Ricard. D'autre part, la FMOQ se réjouit que le rapport Castonguay vise à ce que tous les Québécois aient un médecin de famille. (A.L.)
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