Victor-Lévy Beaulieu nous avait promis un incendie spectaculaire dont les flammes furieuses et voraces lécheraient le ciel de Trois-Pistoles avant d'embraser toute la région et les environs.
D'ailleurs incendie n'est pas un mot assez fort. Parlons plutôt d'un autodafé en bonne et due forme. Toute l'oeuvre immense et gigantesque de l'auteur de Bouscotte, de Monsieur Melville et de Satan Bellehumeur devait y passer. Livre après livre, sacrifiés sur l'autel de la médiocrité québécoise et débités en rondin de papier, seraient jetés sans concession dans le foyer à combustion foudroyante.
Encore hier matin à la radio chez Christiane Charette, à moins d'une heure d'une conférence de presse qui selon VLB serait couverte par tous les grands médias du Québec et peut-être même du monde, y compris CNN et un coup parti pourquoi pas Al-Jazira, l'écrivain intempestif promettait non seulement le feu mais la lune: une grosse lune québécoise enceinte du coup fumant du siècle.
«Ce que je m'apprête à faire va peut-être changer le cours des choses», affirmait-il avec ce qui dépassait les bornes de la confiance pour aller se loger quelque part entre les rives de l'optimisme débridé ou de l'égocentrisme délirant. En même temps qu'il crânait devant le public haletant de la radio, VLB ne pouvait pas s'empêcher de jouer aux agaces, dévoilant un bout de peau pour aussitôt le cacher, laissant entendre que tout allait se jouer pendant sa conférence de presse tout en refusant de révéler quelle forme exacte prendrait la bombe qu'il était sur le point de larguer.
Une heure plus tard dans l'air raréfié de Trois-Pistoles, la bombe accoucha d'un pétard mouillé sinon d'une nouvelle qui n'était pas exactement la nouvelle du siècle et surtout qui était à mille lieues de la promesse excitante d'autodafé.
Devant la poignée de journalistes réunis chez lui, Victor-Lévy Beaulieu annonça tout bonnement qu'au lieu de brûler son oeuvre, il allait plutôt se présenter aux prochaines élections provinciales, contre son ex-ami Mario Dumont sous la bannière du Parti indépendantiste. Du parti quoi? Du parti fondé par Denis Monière à la fin de l'Antiquité, dissous trois ans plus tard en 1990 et qui vient tout juste de renaître de ses cendres très froides sous les auspices d'Éric Tremblay, un jeune ex-avocat criminaliste de 30 ans et des poussières, qui promet l'indépendance si jamais il gagne ses élections.
C'est à ce parti-là, à la fois jeune et vieux, utopiste et radoteur, que l'autocuiseur a décidé de s'en remettre, poussant même la générosité jusqu'à offrir au parti tous les livres qu'il a publiés afin qu'ils servent de monnaie d'échange pendant la campagne de financement.
«Le rêve américain est devenu réalité parce que des hommes et des femmes y croyaient», déclara VLB, avant d'ajouter avec un brin de lyrisme impérialiste: «Faisons de même et nous allons la conquérir notre lune québécoise.» Un peu plus et le choeur des anges descendait du ciel sinon du deuxième étage, en entonnant alléluia!
Tout ça pour ça? Eh oui...
Si toute cette ridicule mise en scène, qui n'avait pour but ultime que la manipulation des médias, n'était pas le fait d'un grand écrivain qui abuse régulièrement de son droit de péter une coche, j'aurais été outrée. Après tout, on nous avait fait miroiter un autodafé, pas un lancement de campagne électorale. Mais bon, j'ai toujours eu de l'affection pour l'homme et une admiration sans bornes pour l'écrivain incandescent et frénétique qu'il abrite. Alors je ne suis pas outrée, seulement un peu triste.
Ma tristesse augmente à mesure que je lis le texte du discours que VLB a livré hier. J'y vois la marque d'un homme un brin désespéré qui ne sait plus quoi inventer pour attirer l'attention et se rendre intéressant. Pas en tant qu'écrivain. En tant que bibitte médiatique.
Cette bibitte qui n'a pas toujours existé semble être née des égarements du Parti québécois. Elle a été nourrie par la disgrâce d'André Boisclair, a grandi et prospéré avec la popularité de Mario Dumont avant de s'abîmer contre les récifs de l'ennui.
On croyait qu'avec la déconfiture de Mario Dumont, la bibitte avait eu sa leçon et qu'elle prendrait sa retraite. Mais non, voilà qu'elle renaît de plus belle grâce à un nouveau parti, sa foi vacillante ragaillardie comme la libido d'un sexagénaire à la vue des seins nus de Carla Bruni.
Si c'était la première fois que Victor-Lévy Beaulieu nous faisait le coup, on y croirait à sa lune québécoise. Malheureusement, depuis quelque temps, sa manie de sortir des lunes et aussi quelques lapins de son chapeau, lance un doute sur ses intentions.
Tant mieux si un jour VLB est élu député pour le Parti indépendantiste dans Rivière-du-Loup. En attendant, la seule vraie bonne nouvelle de la journée hier, c'est que l'écrivain va recommencer à écrire. Maudite bonne idée.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé