Et on dira: les Québécois, ça n’existe plus...

VLB - coup de pied dans la fourmilière


Tissés serrés les uns les autres, joyeux et débonnaires, c’est de nous qu’il s’agit quand on n’ose malgré cela, malgré nos talents de conteurs et de bons vivants, sortir de l’ombre nos carrures d’ancêtres et nos chants de libération.
C’est de nous qu’il s’agit quand nous manquons de cran et d’audace. Quand la peur prend toute la place, qu’elle nous lie les pieds et les mains contrecarrant ainsi l’accomplissement de notre destin.
C’est de nous qu’il s’agit quand le soir se couche sans notre contentement paisible, quand le soleil se lève sans notre fierté.
Affirmer notre identité n’est pas clairement affiché au menu du jour. Ni de celui de la semaine, ni des mois à venir. Les années passent et nous revoilà encore tous attablés, à avaler nos déceptions et nos erreurs, à taire nos envies, à soupeser notre avenir.
De nous qu’il s’agit quand nous vivons dans l’oubli. Quand l’autre prend parole à notre place et que l’espace public nous désertons.
Impuissants à nous dire, c’est de nous qu’il s’agit quand parlent les élus, quand votent les lois les députés, quand dans son rêve d’hégémonie, le Canada nous ignore et nous méprise tout à la fois.
C’est bien toujours de nous qu’il s’agit, quand nos ardeurs, nos fureurs nous enfermons au plus profond de la terre. Notre trajet n’est-il pas celui des indécis, des tièdes, des peureux? On fait comme si le temps ne manquerait jamais pour nous, que pour devenir un peuple libre et souverain, nous aurions encore un siècle ou deux. Tout nous presse mais on fait comme si…
Oui, et c’est de nous qu’il s’agira encore demain quand on dira: les Québécois, ça n’existe plus. Leur langue ne se parle plus. Leur culture est disparue. Ce qu’ils avaient chèrement gagné, à coups de luttes et de d’actions politiquement posées, un jour tout cela, ils l’ont perdu. Manque de vigilance, de confiance, de volonté? Avait-il une nature trop craintive, conciliante, trop ambigüe? L’histoire les aura-t-elle tant malmenés, oubliés? Leur sort aujourd’hui est révolu. Il est minuit et 15, le bal est terminé, il faut rentrer. Ne vous souciez plus d’eux. Laissez faire la vie, la mort, ces deux-là s’arrangeront avec les débris.
C’est de nous qu’il s’agit quand un grand écrivain, en l’occurrence V.L.B., à bout d’espoir et de révolte, brûle une œuvre qui parlait pour nous.
Reste entier aujourd’hui l’enjeu de notre destinée.
À quand cette réconciliation avec nous-mêmes?
France Bonneau

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France Bonneau est professeure de français auprès des adultes-immigrant-e-s . (MICC)





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3 commentaires

  • Gaston Boivin Répondre

    28 février 2008

    Dire les choses comme elles sont, ne pas les occulter, c'est un devoir de clairvoyance, car s'endormir dans ses illusions, c'est souvent à son réveil faire face à un cauchemar. L'heure est grave, le dire ne la rend pas plus grave, mais peut, au contraire, provoquer des sursauts qui peuvent être bénifiques à notre salut. Le ciel est noir, les astres semblent être contre nous, mais nous sommes toujours là à combattre, malgré tout. Il n'y a pas de meilleur recette pour vaincre que de combattre, même lorsque tout semble contre nous. L'arbre tombe à force de bûcher dessus! Quand il résiste, il faut redoubler d'ardeur tout simplement! Une chose est certaine, tout combat cesse quand, il n'y a plus de combattants! Il nous faut tout simplement trouver de nouvelles façons de dire les choses, d'agir et de combattre!

  • Archives de Vigile Répondre

    28 février 2008

    Comme vous dites, monsieur Julien, il va bien falloir que ça aboutisse un jour, et nous ne disposons certainement pas de l'éternité pour y arriver. Je ne prêche pas l'optimisme béat, je ne crois pas que les choses se feront toutes seules. Cependant, lorsqu'une communauté humaine traverse une phase dépressive, elle finit toujours par en sortir, et ce qui semblait impossible la veille se met tout à coup à bouillonner. Le processus est généralement plus lent chez les peuples colonisés, surtout s'ils l'ont été davantage par la ruse que par la force brutale. L'essentiel, c'est qu'il demeure pendant les phases creuses des vigiles qui entretiennent la flamme. Certes, personne ne voit à l'horizon un Parizeau, mais il est rarissime qu'on les reconnaisse dans le brouillard. J'oserais ajouter que la meilleure preuve que nous traversons une dépression, c'est l'état actuel des forces indépendantistes: nombreuses mais dispersées, désarticulées, souvent incohérentes, se livrant à des guérillas intestines; voilà au moins le signe d'un désarroi davantage que d'une préoccupation à soigner la dépression collective, tout simplement parce que nous sommes partie de cette collectivité et que nous n'échappons pas non plus à son mal.

  • Raymond Poulin Répondre

    27 février 2008

    La dernière fois, nous avons agonisé pendant plus de 15 ans. Souvenons-nous de tout ce que nous avons entendu et dit de 1980 à 1995: nous nous en sommes construit, des cercueils, nous avons même chanté le Libera en anglais. Il ne restait plus qu'à sortir la bière de l'église. Et puis, cela est presque arrivé. Cette fois, nous nous traînons sur les genoux depuis pas encore 13 ans; chaque matin, on dirait que la pression systolaire descend pendant que la dyastolaire monte, on épie la venue sourde de l'infarctus. Se pourrait-il que nous soyons une fois de plus en train d'organiser les pompes funèbres prématurément?