Le chaudron de sorcière d’Anticosti (1)

Philippe Couillard est mal pris. Très mal pris !

L'héritage empoisonné de Paul Desmarais, Lucien Bouchard et Jean Charest

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Si vous croyez avoir tout vu !

Le 4 décembre dernier, au Bourget en banlieue de Paris, alors qu’il participe au COP 21, la Conférence de l’Onu sur l’environnement, Philippe Couillard lâche une bombe en réponse à une question de Catherine Mercier, une journaliste de Radio-Canada qui couvre l’événement et qui s’étonne de la contradiction apparente entre la contribution de 25 millions $ qu’il vient d’annoncer pour aider les pays d’Afrique francophones à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, et les 100 millions que son gouvernement s’est engagé à investir dans l’exploration pétrolière à Anticosti :

« Anticosti, moi j’ai rien à voir avec ce projet-là, répond-il sèchement. Je l’ai trouvé à mon arrivée au gouvernement. J’aurais préféré ne pas le trouver, madame. Parce que j’étais opposé à ce projet-là quand j’étais dans l’opposition. Le gouvernement du Québec, de nos prédécesseurs, a signé un contrat (…). S’il-vous plait, arrêter de dire que je suis le promoteur d’Anticosti, chu tanné là. Ça fait plusieurs fois que je dis que c’est pas mon projet ».

(Lire à ce sujet l’excellent article de Louis Lacroix dans L’Actualité)
Au Québec, la surprise est générale et fait la manchette de tous les bulletins de nouvelle. Au cours des semaines suivantes, les congés des fêtes de Noël et du Nouvel An, sur lesquels les gouvernements comptent généralement pour étouffer les controverses suscitées par leurs actions, ne parviennent pas à éteindre le feu. D’abord, Philippe Couillard ne rate pas une occasion pour revenir sur la question, et il faut aussi dire que ce feu est largement alimenté par La Presse, à l’instigation de ses propriétaires, les Desmarais, qui ont d’importants intérêts en jeu dans Pétrolia, comme j’ai eu l’occasion de le raconter dans une série d’articles parus sur Vigile au cours des dernières années, et notamment Anticosti : les traces de Power Corp. sont partout->vigile.quebec/Anticosti-les-traces-de-Power-Corp], paru en 2011, et [L’étrange nouveau partenaire de Pétrolia, paru au début d’août 2013.
Ce qui surprend dans cette affaire, c’est la véhémence avec laquelle il cherche à prendre ses distances avec l’exploration pétrolière à Anticosti. Comme si, soudain, il était devenu pour lui vital de le faire. Il a d’abord tenté de blâmer le gouvernement péquiste de Pauline Marois, signataire de l’entente avec Pétrolia, mais il a vite été confondu par les médias qui sont parvenus à documenter l’implication du gouvernement Charest par le truchement de celui qui était alors ministre de l’Environnement, Pierre Arcand, aujourd’hui ministre des Ressources naturelles dans le gouvernement Couillard. La Presse est même allée, aujourd’hui, jusqu’à mettre le ministre Arcand en contradiction avec sa déclaration de la semaine dernière à l’effet que l'extraction du pétrole d'Anticosti n'était pas « sur le radar politique » du gouvernement Charest.
Dans un article d’une précision aussi brutale que peu coutumière à l'égard d’un gouvernement fédéraliste, donc censément allié aux intérêts Desmarais, le journaliste Martin Croteau rappelle les faits :
Or, en avril 2012, ce même ministre [Arcand] avait écrit à un comité d'experts pour lui demander d'évaluer l'impact des forages par fracturation hydraulique sur l'île.
Le 25 avril 2012, M. Arcand était ministre de l'Environnement de Jean Charest. À ce titre, il a écrit au président du Comité sur l'évaluation environnementale stratégique sur les gaz de schiste, Robert Joly, pour lui demander d'élargir son mandat.
« Les annonces récentes de certaines entreprises d'exploration pétrolière, comme Pétrolia et Corridor Resources, concernant le développement du potentiel pétrolier en Gaspésie et à l'île d'Anticosti soulèvent de vives inquiétudes dans les communautés d'accueil et dans la population en général », a écrit le ministre.
« Je souhaite m'assurer que cet enjeu soit abordé dans le cadre de l'évaluation environnementale stratégique », a-t-il ajouté.
M. Arcand est aujourd'hui ministre des Ressources naturelles. Vendredi dernier, il a affirmé que le projet d'exploration pétrolière de l'île d'Anticosti n'avait jamais été « sur le radar politique » du gouvernement libéral de Jean Charest.
À son cabinet, on rappelle que les événements se bousculaient sur le dossier Anticosti dans les semaines qui ont précédé sa lettre d'avril 2012. Investissement Québec - alors dirigé par l'actuel ministre Jacques Daoust - venait d'investir 10 millions dans Pétrolia. Junex venait d'annoncer son intention de lancer une série de tests sismiques sur Anticosti.
« Le ministre a fait son travail de ministre de l'Environnement parce qu'il savait qu'il y avait des permis actifs sur l'île d'Anticosti et il voulait que l'étude environnementale stratégique sur les gaz de schiste soit complète », a indiqué la porte-parole du ministre, Véronique Normandin.
Signaux
Le gouvernement libéral envoyait à l'époque plusieurs signaux témoignant de son intérêt pour le pétrole. Dans son discours du budget, le ministre des Finances, Raymond Bachand, a annoncé un nouveau régime de redevances visant le pétrole extrait en milieu terrestre. Son collègue aux Ressources naturelles, Clément Gignac, a fait l'éloge des investissements publics dans des projets d'hydrocarbures lors d'un événement de la Chambre de commerce de Montréal.
« Je ne sais pas si quelqu'un d'entre vous pense que le prix du pétrole va revenir à 20 $US le baril ou l'essence à 30 cents le litre, a dit M. Gignac. Je suis moins inquiet des cycles dans le pétrole que je peux l'être dans le secteur des métaux, donc les prises de participation dans le secteur des hydrocarbures, ça m'empêche beaucoup moins de dormir. »
Dans les semaines qui ont précédé l'élection de Pauline Marois, le gouvernement libéral de Jean Charest a lancé des pourparlers avec Pétrolia, Corridor Resources et Maurel & Prom afin de former un partenariat pour explorer Anticosti. Une offre d'acquisition d'actions a été signée le 29 août 2012, a révélé le Journal de Québec. Ce partenariat a été finalisé par le gouvernement péquiste.
Le premier ministre Philippe Couillard est sur la défensive depuis sa sortie contre le pétrole d'Anticosti. Il accuse le Parti québécois d'être le seul responsable du partenariat entre Québec et les sociétés pétrolières.
À l'Assemblée nationale, hier, il s'est présenté comme le seul à défendre le « milieu naturel unique » que constitue l'île d'Anticosti.

On découvre donc dans cet article que Couillard et le ministre Arcand cherchaient à faire entièrement porter le chapeau du contrat avec Pétrolia au gouvernement Marois. Or La Presse met en cause et le gouvernement Charest, et le gouvernement Marois. Voilà donc le gouvernement Couillard pris à assumer l’héritage des deux gouvernements qui l’ont précédé. Dans le cas du gouvernement Marois, rien de bien surprenant, c’est le petit jeu de toujours blâmer le parti qui gouvernait précédemment pour les tuiles qui surviennent. Mais pourquoi le gouvernement Couillard cherche-t-il tant à prendre ses distances avec le gouvernement Charest ?
Et pendant que nous y sommes, profitons-en pour poser d’autres questions. Se pourrait-il que ce ne soit pas dans l’intérêt du gouvernement Couillard de se retrouver associé au gouvernement Charest ? Se pourrait-il que le premier ministre Couillard ait appris au cours des derniers mois le risque qu’il courait à y être trop étroitement associé ? Se pourrait-il qu’il soit en train de faire tout ce qu’il peut pour être éclaboussé le moins possible par un scandale majeur, quitte à passer pour le Vert qu’il n’est pas ?
L’art de trouver les bonnes réponses réside dans celui de poser les bonnes questions.
Vous vous souviendrez peut-être de cet article de Denis Lessard paru l’automne dernier qui faisait état de l’impatience de l’UPAC devant la lenteur de la Direction des poursuites criminelles et pénales à porter les accusations requises dans ses dossiers d’enquête. Parmi ceux-ci, certains concernaient le Parti Libéral du Québec. Il y était même question d’une arrestation importante qui aurait avorté le Jeudi saint dernier. Lisez bien ces quelques lignes :
ARRESTATION AVORTÉE
À l’UPAC, le mécontentement chez les troupes a grimpé d’un cran le printemps dernier. La Couronne devait déposer des accusations le Jeudi saint, une décision qui permettait d’arrêter un acteur important. Le scénario de l’opération était établi, d’un bout à l’autre de la chaîne, du côté policier. On avait même prévu les congés en fonction de cette date d’opération inhabituelle – ces interventions se font généralement en milieu de semaine, au moment où les effectifs sont à leur maximum.
Contrairement à ce qu’il avait indiqué au corps policier, le DPCP s’est esquivé à la dernière minute, les accusations attendues n’ont pas été déposées. Encore là, Me Boucher, du DPCP, se refuse à tout commentaire.
Déjà, en faisant son bilan de 2014, en décembre dernier, le patron de l’UPAC, Robert Lafrenière, avait indiqué que son unité avait une quarantaine d’enquêtes « actives ». Dans bien des cas, les limiers sont en relation constante avec la Couronne, qui demande des compléments d’enquête. Mais dans les six dossiers en cause, il n’y a plus de requêtes du genre depuis longtemps ; l’enquête est terminée à la satisfaction de la Couronne, qui suspend indéfiniment sa décision.
Dans d’autres cas, les recours judiciaires incessants des gens soupçonnés freinent l’avancement des enquêtes.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que Denis Lessard détient certaines informations, mais pas toutes les informations. De plus, il ne révèle peut-être même pas tout ce qu’il est parvenu à découvrir, que ce soit parce que cette divulgation pourrait compromette l’une ou l’autre de ses sources, placer son employeur dans l’embarras, dévoiler une motivation illégitime, ou encore parce qu’il ne serait pas suffisamment certain de la solidité de son information pour aller plus loin, ou que les avocats de La Presse lui auraient interdit d’aller plus loin pour des motifs d’ordre juridique, ou encore pour toute autre raison que lui seul, lui et son employeur, ou son employeur seul, pourraient juger valable. Il ne faut donc pas s’arrêter au détail de ce qu’il écrit, mais s’en tenir à la trame générale, et retenir que le Parti Libéral est sous enquête, ce que nous savions déjà sans connaître pour autant tous les faits susceptibles d’avoir donné à l’UPAC matière à ouvrir une ou plusieurs enquêtes.
J’ai, pour ma part, demandé l’an dernier à l’UPAC d’ouvrir une enquête sur les faits que je rapporte dans les ouvrages et les articles que j’ai publiés ces dernières années. J’ai dans un premier temps reçu un accusé de réception automatique me permettant de savoir que ma demande avait bien été reçue, et j’ai reçu quelques semaines plus tard une communication du Commissaire Lafrenière me remerciant d’avoir communiqué ces informations à l’UPAC et que celle-ci allait y donner les suites opportunes, ce qui veut tout aussi bien dire qu’il y en aura, ou qu’il n’y en aura pas. Le travail policier est silencieux, il est parfois lent, mais il se fait.
Pour revenir au comportement de Couillard dans le dossier Anticosti, il se comporte exactement comme s’il savait qu’il a tout intérêt à prendre le maximum de distance du gouvernement Charest. Il aurait donc été informé de l’existence d’une ou de plusieurs enquêtes à son sujet, soit parce qu’il aurait été interrogé par la police sur un aspect ou un autre de celles-ci, soit parce qu’on lui en aurait fait part. La seconde hypothèse est bien sûr la plus problématique parce qu’elle est contraire aux règles. Mais tout le monde sait que ce n’est pas parce certaines choses sont contraires aux règles qu’elles ne se produisent pas.
L’information ne pouvait lui parvenir que de deux sources : l’UPAC et le ministère de la Justice.
Du côté de l’UPAC, la seule chose qui nous permettrait de la soupçonner est l’insistance du Commissaire Lafrenière lors de son dernier passage devant la Commission des institutions de l’Assemblée Nationale afin de présenter le bilan de son mandat pour que le patron de l’UPAC soit nommé par le gouvernement et non l’Assemblée Natonal. Le régime actuel lui plaît et il ne souhaite pas le voir changer.
Du côté du ministère de la Justice, la possibilité existe également en raison de l’absence d’étanchéité entre le ministère et lui-même et la Direction des poursuite criminelles et pénales qui en relève hiérarchiquement. Cette absence d’étanchéité a été mise en relief et déplorée à quelques reprises au cours des derniers mois que ce soit en rapport avec la nomination du DPCP, de la réduction de ses budgets qui aurait une incidence sur sa capacité de prise en charge des dossiers, d’une certaine léthargie que Denis Lessard explique ainsi dans l’article cité plus haut qui évoque le cas de l’arrestation avortée :
PROBLÈMES AU DPCP ?
Dans les officines de l’UPAC, on se garde bien de voir de « grands complots » dans cette léthargie du DPCP. Des problèmes de compétence, d’organisation, de manque d’effectifs pour les procureurs de la Couronne sont souvent évoqués. On spécule même sur l’autocensure des procureurs – bien des avocats de la Couronne seraient « frileux », et penseraient davantage à une éventuelle nomination comme magistrat.
Le DPCP a tenu hier à rappeler La Presse pour assurer que les relations entre ses procureurs aux poursuites criminelles et les policiers de l’UPAC étaient « cordiales et professionnelles », a souligné Me Boucher. Les dossiers de l’UPAC étaient sous la responsabilité du Bureau de lutte à la corruption et à malversation (BLCM), dirigé par Me Isabelle Briand. Le réaménagement annoncé par le DPCP prévoit une réorganisation de cette instance avec deux autres, dans un bureau unifié, qui aura un nouveau procureur en chef bientôt.
La semaine dernière, la responsable du DPCP, Me Annick Murphy, a annoncé qu’il n’y aurait pas d’appel à la décision du juge James L. Brunton de mettre fin au procès des cinq derniers accusés arrêtés dans les rafles de SharQc en 2009. La décision d’arrêter les procédures résultait du manque de rigueur du travail de la Couronne ; une enquête externe a été déclenchée par le DPCP pour mettre en lumière la chaîne de décisions qui avait mené à l’impasse.

On comprendra donc que tout le monde marche actuellement sur des œufs. Philippe Couillard, parce qu’il sait ce qui s’en vient, la haute direction de l’UPAC et de la SQ parce leurs troupes s’impatientent de voir leurs dossiers d’enquête aboutir, et la DPCP parce qu’elle se sait dans la mire en cas de cafouillage. Un climat parfait pour que se mettent à circuler les enveloppes brunes qui font le régal des journalistes d’enquête.
Revenons maintenant à Anticosti. Aucun média n’a encore rappelé que Philippe Couillard s’était engagé pendant la dernière campagne électorale, malgré les réserves personnelles qu’il avait alors exprimées quant à l’opportunité d’évaluer le potentiel pétrolier d’Anticosti, de respecter le contrat Pétrolia signé par le gouvernement Marois. Il faut lire cet article d’Alexandre Shields du Devoir, paru le 10 avril 2014, soit trois jours après les élections générales du 7 avril 2014 qui ont porté le PLQ au pouvoir, pour découvrir le pot-aux-roses :
Québec se doit d’exploiter le pétrole
Lucien Bouchard défend les investissements publics consentis pour connaître le potentiel commercial des réserves de l’île d’Anticosti
Contrairement à Philippe Couillard, Lucien Bouchard salue la décision d’investir des millions de dollars de fonds publics dans la recherche de pétrole sur l’île d’Anticosti, y voyant une occasion rêvée de faire un pas de plus vers l’exploitation. L’ancien premier ministre estime aussi qu’il sera inévitable d’exploiter un jour le gaz de schiste du Québec, au nom des finances publiques.

Ardent défenseur de l’extraction des énergies fossiles, Lucien Bouchard estime que l’investissement de 115 millions de dollars annoncé par le gouvernement Marois avant le déclenchement des élections était une sage décision. « Plusieurs États l’ont fait, avec de grands succès. C’est une bonne façon de procéder quand c’est bien fait et quand les rendements sont suffisamment probables pour autoriser l’investissement », a-t-il fait valoir mercredi, en marge d’une allocution du président-directeur général par intérim de Pétrolia, Myron Tétreault.

« [Dans le cas d’Anticosti], c’est une très bonne transaction pour le gouvernement du Québec, a ajouté M. Bouchard. Comme le dit M. Tétreault, on sait qu’il y a du pétrole. Il s’agit de savoir dans quelle mesure il sera commercialement exploitable. » C’est d’ailleurs le cabinet d’avocats Davies Ward Phillips Vineberg, où travaille l’ancien premier ministre, qui a agi à titre de conseiller juridique de Pétrolia et Corridor Resources dans le cadre des négociations avec le gouvernement. En vertu de cette entente, Ressources Québec — une filiale d’Investissement Québec — doit injecter 70 millions de dollars sur deux ans, notamment pour mener des forages avec fracturation en 2015.

« Les sites de ces développements sont peu significatifs en terme de présence visible, a commenté M. Bouchard au sujet de l’impact des travaux à venir. Il y a aussi la question de l’eau. Les techniques modernes nous garantissent qu’il n’y aura pas de problèmes. »

Investissement essentiel

Selon Lucien Bouchard, le coup de pouce de l’État était absolument nécessaire pour lancer des travaux d’exploration d’une telle envergure. « Il y a des gestes à poser pour ouvrir le chemin au développement de nos ressources naturelles et convaincre les investisseurs que le Québec est un territoire hospitalier », a-t-il souligné.

Il a ainsi cité en exemple la Norvège, où l’État a mis beaucoup d’argent dans le développement pétrolier. « Le gouvernement a investi dans l’exploration, avec un partage des revenus par la suite. C’est une formule qui a beaucoup de bon sens. La Norvège s’est constitué un fonds de 600 milliards d’euros avec ses ressources naturelles », a ajouté celui qui a été pendant deux ans le président de l’Association pétrolière et gazière du Québec.

Mais est-ce que le Québec n’arrive pas un peu tard pour se lancer dans de tels investissements, compte tenu du risque qui y est associé ? « Il faut commencer quelque part, a répliqué M. Bouchard. On commence peut-être un peu tard, mais ça commence à être le temps, parce qu’on sait que nous avons des ressources naturelles extrêmement considérables. Il n’y a pas beaucoup de gens qui comprennent pourquoi nous sommes assis là-dessus et que nous ne voulons pas les développer. »

L’ancien premier ministre a toutefois refusé de commenter les critiques formulées par celui qui vient d’être élu, tout comme il a gardé le silence sur les résultats électoraux de lundi. Lors de l’annonce de l’investissement de 115 millions dans Anticosti par le gouvernement Marois, Philippe Couillard avait accusé la chef péquiste de poser un geste « électoraliste » qui revenait à « jouer à Loto-pétrole avec l’argent des Québécois ».

Le chef libéral a néanmoins promis au cours de la campagne électorale de respecter l’entente signée par Québec avec les pétrolières. « Il y a un contrat de signé et le contrat sera respecté », a aussi affirmé mercredi Lucien Bouchard. Même son de cloche du côté de Myron Tétreault, qui s’est dit convaincu de pouvoir aller de l’avant d’ici quelques semaines.

Oui au gaz de schiste

L’ancien chef péquiste a par ailleurs insisté sur l’absolue nécessité pour le Québec d’exploiter davantage ses ressources naturelles. « Dans le monde entier, les économies qui fonctionnent bien ont toutes développé leurs ressources. Le Québec s’est développé beaucoup grâce à ses ressources naturelles. Il n’y a pas moyen de faire autrement. »

Cela signifie que malgré la controverse qu’il a suscitée dans la vallée du Saint-Laurent, le gaz de schiste québécois devra faire un jour partie du paysage de la province. « Il le faudra. Le Québec ne peut pas végéter dans ses finances publiques, avec les difficultés de maintenir des programmes sociaux généreux dont nous sommes fiers, sans nous assurer que l’État aura les moyens de maintenir ses missions », a plaidé M. Bouchard.

Il estime d’ailleurs que le potentiel gazier est « immense » sur le territoire déjà entièrement tapissé de permis d’exploration contrôlés par des entreprises privées. « Sur la rive sud du Saint-Laurent, entre Québec et Montréal, c’est extraordinaire. Il y a là des richesses fantastiques. Un jour, j’imagine, il sera possible » de les exploiter.

Lucien le schisteux lui-même en personne ! Monsieur pétrole et gaz. Et qui s’est-il déplacé pour écouter ? Myron Tétrault, le président du conseil d’administration de Pétrolia. D’où sort cet obscur inconnu ? De Calgary, la capitale canadienne du pétrole. Qui est-il ? Là, il faut d’abord se rendre sur le site de Pétrolia où l’on découvre ceci:
TÉTREAULT, Myron est Président exécutif du conseil d'administration. M. Tétreault est aussi Président depuis 1999 de Calafate Holdings Ltd., une entreprise privée de gestion de placements et de capital de risque. Il est aussi cofondateur et administrateur d’Echo Merchant Fund Ltd (fonds privé de financement secondaire), de Fitzroy Developments Ltd. (société immobilière privée), de Northern Vision Development Corp. (société immobilière privée) et de Webber Academy Foundation (société sans but lucratif qui gère une école privée de Calgary, Alberta). M. Tétreault est l'administrateur en chef de PHX Energy Services Corp. Fund, une société de forage horizontal et dirigé inscrite à la Bourse TSX. Entre 1999 et avril 2003, il a été président et directeur général d’Octane Energy Services Ltd., une société de services d’exploitation pétrolière inscrite à la Bourse. Il a été l'avocat général et le secrétaire général de Phoenix Technology Income Fund et ses prédécésseurs, de 1997 à 2007. M. Tétreault est un des fondateurs de Total Energy Services Ltd. et a été l’avocat général et le secrétaire général de la Société entre novembre 1996 et juillet 2000. Entre août 1993 et décembre 1997, il a été conseiller juridique d’entreprises spécialisées dans les valeurs mobilières pour la société d'avocats Bennett Jones Verchere (actuellement Bennett Jones, LLP). M. Tétreault a obtenu un juris doctor (avec distinction) de l’Université de la Saskatchewan en 1992 et un baccalauréat en administration des affaires (cum laude) de l’Université d’Ottawa en 1988. Il est membre de la Law Society of Alberta et été membre pendant 10 ans de l’Organisation d’entrepreneurs.

Bigre, c’est une grosse pointure ! Et sur Bloomberg, on découvre ceci :
Myron Arthur Tetreault
Executive Chairman and Chairman of Compensation & Governance Committee, Petrolia, Inc.
Total Calculated Compensation C$504,892
As of Fiscal Year 2014

Mais que vient donc faire une aussi grosse pointure dans une pétrolière junior du Québec ? Voilà la question ! Et comment une pétrolière junior du Québec dont la production demeure encore anecdotique peut-elle se permettre de verser des émoluments de 504 892 $ par an à un bonhomme déjà richissime (il possède sa propre fondation) pour venir présider quelques réunions du CA par année ? À moins que… la pétrolière en question ne soit pas si junior que ça, et qu’elle ne soit qu’un paravent pour des intérêts bien plus gros.
C’est ce qu’on comprend en découvrant sous son nom sur le site de Pétrolia celui de Me Albert Wildgen, du Luxembourg :
WILDGEN, Albert Détenteur d’une licence en droit à l’Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne, il est depuis 1977 avocat au Barreau des Avocats de Luxembourg. En 1980, il a repris l’étude d’avocats de Me Victor Bodson, ancien ministre luxembourgeois et membre de la Commission européenne à Bruxelles. Jusqu’au 31 décembre 2002, il a été associé-gérant de l’étude d’avocats Wildgen & Partners, un des grands cabinets d’avocats d’affaires à Luxembourg. M. Wildgen a été au conseil d’administration de nombreuses sociétés holding et sociétés de financement de multinationales et de groupes bancaires du Moyen-Orient. Actuellement il siège aux conseils d’administration de KBL European Private Bankers et de Banque Internationale à Luxembourg.

En effectuant mes recherches pour mon premier article sur Anticosti, j’avais découvert que Me Albert Wildgen était en fait un prête-nom professionnel. En effet, toute personne désireuse de créer une structure d’entreprise au Luxembourg doit faire appel à un luxembourgeois pour la domicilier et faire obligatoirement partie du conseil d’administration, comme c’est le cas dans d’autres paradis fiscaux. On choisit généralement pour cette tâche un avocat ou un commissaire aux comptes (un comptable agréé). Me Wildgen siège aussi au conseil de , en compagnie entre autres de Olivier Jamblinne de Meux, un ancien vice-président de Pargesa Luxembourg SA (aujourd’hui dissoute), filiale de Pargesa Holding SA, elle-même filiale de Power Corporation.
Voilà donc qui se cache derrière Pétrolia. La question qui tue ! Pourquoi se cacher si ce n’est pour faire quelque chose que l’on ne pourrait pas faire à visage découvert.
Rappelons ici le rôle joué par Lucien Bouchard, ce grand ami de Paul Desmarais lorsqu’il était premier ministre. À peine entré en fonction, il nomme André Caillé, qui arrive de Gaz Métro, à la tête d’Hydro-Québec. Caillé met fin aux activités pétrolières et gazières d’Hydro-Québec, derniers vestiges de l’héritage de Soquip. La table se trouve mise pour la cession des droits au secteur privé. « Comme par hasard », ils vont être cédés à Pétrolia.
Mais ça ne s’arrête pas là. Quelques mois après l’entrée en fonction du gouvernement Couillard, le 7 août 2014, en faisant ma revue de presse quotidienne pour Vigile et toujours à l’affût de bons articles en français pouvant intéresser nos lecteurs, je tombais sur un article signé Alfredo Jalife-Rahme, professeur à l’Université nationale autonome du Mexique, intitulé Le secret des substances chimiques associées à la fracturation hydraulique.
Effaré par ce que lisais, j’entrepris sur le champ de rédiger l’article suivant Voici ce que cachait l’industrie du pétrole et du gaz de schiste aux Québécois en reprenant la liste des « 2 500 produits chimiques contenant 750 composés dont 650 contenaient des substances chimiques considérées comme étant des agents cancérigènes ou de dangereux polluants atmosphériques utilisés par l’industrie pour la fracturation hydraulique ».
Je vous renvoie à la liste officielle établie par un comité de la Chambre des représentants aux États-Unis, et je reprends les paragraphes suivants de cet article
Au Québec, ces révélations revêtent un caractère franchement explosif dans le contexte où le gouvernement Couillard, à peine élu, a donné le feu vert à l’industrie du gaz de schiste pour la reprise de ses activités.
Pour un gouvernement dirigé par un médecin et qui en compte deux autres dans ses rangs, la légèreté avec laquelle cette décision a été prise témoigne d’une insouciance pour la santé publique qui mérite d’être dénoncée à leur ordre professionnel pour manquement grave à l’éthique. Se sont-ils seulement posés la question de savoir si l’industrie du pétrole et de gaz de schistes pouvait menacer la santé publique ? La rapidité avec laquelle la décision a été prise permet les plus grands doutes.
Mais le gouvernement Couillard n’est pas le seul en cause. L’ancien premier ministre Bouchard, qui a dirigé l’Association pétrolière et gazière du Québec et qui encore récemment, 3 jours à peine après les élections – il n’a pas perdu de temps – plaidait pour une reprise des activités de l’industrie au Québec et notamment à Anticosti, doit aussi répondre de ce qu’il savait sur les techniques qu’elle emploie.

Compte tenu de toutes les alertes sonnées dans le monde entier sur les dangers de la fracturation hydraulique depuis plusieurs années, on ne peut imaginer qu’une personne de son calibre intellectuel n’ait pas fait les vérifications nécessaires à moins d’être un naïf « tendance niaiseuse » ou assez vénal pour avoir pratiqué l’aveuglement volontaire. Dans un cas comme dans l’autre, il se trouve à déshonorer la fonction qu’il a occupée comme premier ministre.
Et que dire de ceux qui, derrière les rideaux, tirent les ficelles ? L’Empire Desmarais peut-il plaider l’ignorance, associé comme il l’est avec l’industrie depuis maintenant une trentaine d'années ? Poser la question, c’est y répondre.
Dans trois articles parus sur Vigile, le premier en février 2011, le second en février 2012 et le troisième en février 2014, j'expose le modus operandi des spoliateurs du Québec.
Le premier, intitulé Bouchard le schisteux, raconte comment j'ai découvert qui payait véritablement Bouchard lorsqu'il dirigeait l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ), et le second, intitulé Au service de l'Empire, raconte comment j'ai découvert que l'Empire Desmarais était impliqué dans l'industrie du pétrole et du gaz de schiste au Québec. Dans le troisième, intitulé Brutus Diplodocus et Thomas Diafoirus, je raconte comment l'ancien premier ministre fédéral Brian Mulroney a orchestré la première rencontre entre Lucien Bouchard et Paul Desmarais père.
Les deux premiers articles m'ont servi de base pour la rédaction de mon livre intitulé Desmarais : La Dépossession tranquille}, paru aux Éditions Michel Brûlé en avril 2012. Et l'on retrouve encore à l'oeuvre le duo de choc Desmarais-Bouchard dans mon dernier livre paru en avril de cette année et intitulé Henri-Paul Rousseau, le siphonneur de la Caisse de dépôt.
[….]
…pour l'instant, il faut se retourner de toute urgence vers le gouvernement Couillard – on n’a guère le choix, même s’il a été démontré en moins d’un mois qu’on ne pouvait aucunement lui faire confiance – pour lui demander de rescinder sa décision et d'exiger de l’industrie qu'elle fournisse aux Québécois toutes les assurances nécessaires que la fracturation hydraulique ne présente aucune menace pour la santé publique nonobstant la preuve accablante au contraire.

Bien entendu Couillard n’allait rien faire de semblable. Deux ans plus tard, acculé au pied du mur, il se redécouvre une conscience environnementale et médicale pour marquer ses distances avec ses prédécesseurs Pauline Marois, Jean Charest et Lucien Bouchard. Il pense même avoir trouvé le moyen de ne pas honorer le contrat signé par le gouvernement du Québec.
Un beau rapport bien sombre sur les dangers de la fracturation hydraulique en milieu marin lui donnerait un excellent prétexte pour imposer un moratoire comme l’a fait le gouverneur de l’État de New York en s’appuyant sur la recommandation du Chief Medical Officer de l’État. Il en a même commandé un. Il pourrait alors plaider force majeure pour justifier la rupture du contrat. Lui resterait seulement à convaincre les tribunaux de sa bonne foi.


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    16 février 2016

    Moi, ce qui m'inquiète, c'est l'étape suivante: L'exploitation.
    Parce que si Pétrolia, Corridor, et Saint-Aubin ont accepté d'investir plusieurs dizaines de millions dans l'exploration, c'est qu'il y a déjà une assurance implicite qu'ils pourront procéder à l'exploitation, si un gisement intéressant serait découvert.
    Le BAPE pourra bien faire ses études, mais Couillard les a déjà discrédité. En effet, si le BAPE dit non, on argumentera qu'il s'agit d'une décision politique imposée par Couillard ("Ils feront bien ce qu'on leur dira"). On passe "GO", et on encaisse $xxx millions.
    Si le BAPE dit oui, alors, ils sont encore gagnants. Quand le gouvernement et le privé jouent à pile ou face, c'est toujours pile je gagne, et face tu perds.

  • Jean-Louis Pérez-Martel Répondre

    15 février 2016

    À 30-40 $ le baril de pétrole, l’Île d’Anticostie est sauvée des spéculateurs et des mercenaires financiers. Par contre, il se pointe à l’horizon une nouvelle ingénierie financière de saccage de fonds publics en raison du bas prix du pétrole. L’arrêt d’exploitation par le gouvernement PLQ-Charest-Couillard dans cette île provoquera par conséquent une probable indemnisation multimillionnaire, laquelle sera demandée en raison du bris de contrat (plan B des groupes d’intérêts politico-mafieux au cas où le prix du baril de pétrole ne se stabiliserait pas entre 60 et 75 $). Pour plus d’information sur cette nouvelle stratégie, voir Forage sur l’île d’Anticosti: Pétrolia réagit mal aux propos de Couillard
    http://www.journaldemontreal.com/2015/12/05/forage-sur-lile-danticosti-petrolia-reagit-mal-aux-propos-de-couillard
    ***
    JLPM

  • Archives de Vigile Répondre

    12 février 2016

    Ce mozusse de Philippus Couillardus…!
    Pourtant, Nostradamus nous l’eusse prédictus: minus de la Santus sous les libérus de Jeanus Charestus, Philippus ne fera alors point blocus aux détritus cancérigènus que les compagnus gazus et pétrolus voulussent injectus dans toute la Vallus du St-Laurentus et toute la magnificus îlus d’Anticostus.
    Cependantus, devenusse 1er minus du Québécus, en visitus à COPus21, le vanitus corbeau Philippus Couillardus rencontrera l’angélus renard Al Gorus qui, par ses complimentus, transmutera Philippus en sanctus. Ne se sentant pas de joie, le Phénix Philippus échappera le fromagus de son bècus. La flatterie d’Al Gorus transformera illicus Philippus qui passera de rougus libérus à vertus écologus.
    Puis, le nouveau Philippus fera vitus déshonneurus à ses proprus engagements et révoquera les signaturus du parti libéralus. Même ses amis affairus de Power Corporatus n’en reviendront pas plusse. Philippus renira aussi d'autrus amis affairus prochus des libérus (Pétrolius, Junus, Corridorus Resourcus, Maurelus & Promus...)
    Habilus à manœuvrer la diversion et à jouer du Stradivarius, Philippus restera motus sur ses véritablus intentionus. Attentionus car, à l’inverse de la fablus de Lafontainus, icittus, c'est peut-être le corbeau qui se jouera du renardus! En apparence vire-capotus, Philippus aura une idéus derrière l’occiput: reculus pour mieux sautus et revenusse pour imposus l'oléodus ÉNERGIus ESTus au peuplus québétêtus, quitte à lui enfoncus dans l’anu... Ayoyus!
    Sacrus Philippus…! Quel méchantus snorus…!
    Piérus Dézus, Shawiniganus
    P.-S. : Le textus ci-dessusse de Nostradamus fusse traduitus librementus, avec difficultus mais humorus du latinus.

  • Yves Corbeil Répondre

    12 février 2016

    Merci M.Le Hir,
    Quand même assumant que la population soit aussi sclérosé au sujet de ce parti pourri jusqu'à l'os, coulé dans la corruption et la collusion, sans cesse dans le déni et protégé par ceux qui contrôle les médias tout en détruisant la crédibilité de ceux qui informent avec des preuves puis réduisent au silence ceux qui sont prêt à monter au front pour que tout cela cesse.
    Suis-je naïf de croire qu'un jour ça cessera. Il le faut sinon le boulet du peuple ne sera plus possible à traîner.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 février 2016

    Merci M. Le Hir d'éclairer ma lanterne. J'y vois déjà beaucoup plus clair. Il y avait plusieurs points dont je connaissais l'existence mais vous m'avez grandement aidé à tout mettre ce puzzle ensemble.
    En tout cas, on s'aperçoit que selon les intérêts en jeu, La Presse est capable d'imprimer des articles.