La voie de la plus haute exigence

Pierre Vadeboncoeur - 1920 - 2010

Chronique de Robert Laplante


Il est mort en février. Il a quitté la vie pour ainsi dire en quittant sa table de travail. Quelques jours à peine avant de se retirer Pierre Vadeboncoeur avait livré à L’Action nationale un article éclatant, un article bilan, rédigé dans la pureté d’une écriture concise et remarquablement limpide. La langue chez Vadeboncoeur, incarne non seulement le style de l’homme, elle atteint chez lui une sorte de quintessence de ce que laisse entrevoir la culture québécoise quand elle atteint l’universel. Les mots de Vadebonceour sont ciselés, ses phrases chantournées dans une expérience de son peuple qu’une intime communion avec les espérances qui le portent propulsent dans une prodigieuse et intransigeante lumière.
La pensée de Vadeboncoeur conjugue avec une telle force la rigueur de l’analyse et l’élan vers l’idéal que la politique qui s’y révèle n’a plus rien à voir avec le théâtre blême où s’agite trop de nos politiciens. La politique chez Vadeboncoeur trouve son fondement et son centre de gravité dans la culture, dans la vie de l’esprit telle qu’elle se construit dans l’aspiration au dépassement et dans la recherche éperdue de communier à la beauté du monde. C’est une perspective audacieuse qui l’aura poussé à l’exploration simultanée des Deux Royaumes aussi bien que des registres les plus crus de la bêtise des Imbéciles. Il aura suivi la Ligne du risque parce qu’il n’en voyait pas d’autres pour assurer l’avenir de notre peuple et favoriser chez chacun la poursuite des plus hauts sommets.
Il laisse une œuvre majeure, un questionnement d’une rare intensité mais aussi une réponse, mieux, une interpellation prodigieuse : il nous faut bâtir dans la beauté du monde ! L’esthétisation de la vie est indissociable chez lui du combat pour l’émancipation. Et c’est sans aucun doute ce qui aura laissé les politiciens très loin de la politique telle qu’il la concevait. Et c’est aussi pourquoi son œuvre reste devant nous comme un monument aussi énigmatique qu’inspirant. Comme faire pour s’arracher à la médiocrité à laquelle nous cantonne un assujettissement dont les pires effets consistent à déliter la vie intérieure ? Comment faire pour donner aux œuvres la puissance émancipatoire suffisante pour combler les lacunes du courage et souder les espérances dans un destin solidaire ? Comment faire dresser la question du sens dans le façonnement d’un quotidien sans cesse élargi par la fréquentation des œuvres pour contrer la marchandisation et la ruine de l’esprit ?
Pierre Vadeboncoeur a écrit de grands livres, ses essais, pour plusieurs, conservent un caractère inaugural qui est le propre des classiques. Car c’est bien là l’héritage qu’il nous laisse : la preuve vivante que la culture québécoise est forte puisqu’elle peut susciter de telles œuvres, nourrir une si intense individualité, une indéniable originalité, une trace reconnaissable entre mille autres. Pierre Vadeboncoeur est mort au terme d’une œuvre réussie. Il nous laisse le témoignage de la fécondité de l’intransigeance quand elle refuse de pactiser avec la complaisance et la médiocrité. Il nous laisse des livres qui en inspireront d’autres, espérons-le, qui sauront le suivre sur la voie de la plus haute exigence.
Robert Laplante

Directeur des Cahiers de lecture

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Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.

Patriote de l'année 2008 - [Allocution de Robert Laplante->http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=752&Itemid=182]





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