Plus ça change...

Péréquation - louvoiement libéral

Cette fois, c'en était trop. Même le très placide Robert Bourassa avait jugé nécessaire de hausser le ton. Le gouvernement Mulroney proposait maintenant d'inclure les données de Royal Lepage sur les fluctuations du marché immobilier dans le calcul de la péréquation!
Depuis qu'elle a été instituée, en 1957, puis inscrite dans la Constitution, en 1982, la façon de calculer la péréquation a toujours été l'objet de débats dont la vigueur est directement proportionnelle à l'importance des sommes qui sont en jeu.
Dans le budget que la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a présenté au printemps 2008, les revenus qui provenaient de la péréquation représentaient huit milliards de dollars sur des revenus totaux de 62 milliards.
Si le principe qui sous-tend la péréquation, c'est-à-dire la nécessité de compenser les écarts de capacité fiscale entre les provinces canadiennes, est relativement simple, la péréquation peut être calculée d'une infinité de façons, avec des résultats extraordinairement différents.
Il est inévitable qu'un programme comme celui-là évolue au gré de la conjoncture économique et politique, mais le premier ministre Charest pouvait raisonnablement espérer que l'entente intervenue en 2007 survive quelques années.
À défaut de corriger réellement le déséquilibre fiscal, elle réglait au moins pour un temps le problème de l'imprévisibilité de la péréquation, qui fragilisait dangereusement la planification budgétaire des provinces bénéficiaires, le Québec au premier chef.
Dix-huit mois auront suffi pour que la réalité du fédéralisme canadien vienne le rattraper. Hier, M. Charest parlait d'un «bris d'engagement» et d'un retour aux années 1990. Dans sa bouche, cela peut être considéré comme de gros mots.
Sa déconvenue est compréhensible. Déjà, la crise économique a rendu la confection du budget 2009-10 très problématique. La perspective d'un manque à gagner qui pourrait atteindre un milliard au titre de la péréquation la fait carrément tourner au cauchemar. Bref, plus ça change, plus c'est pareil.
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Soit, Ottawa a agi de façon cavalière en avisant les provinces de son intention de modifier la formule de 2007 à la toute fin de la conférence des ministres des Finances du 3 novembre dernier, mais il semble tout aussi évident que le gouvernement Charest a choisi de reporter ses manifestations après les élections du 8 décembre.
Il est difficile de croire Mme Jérôme-Forget quand elle dit avoir réalisé seulement à la mi-décembre les conséquences de ce qu'avait annoncé James Flaherty. Les fonctionnaires du ministère des Finances du Québec sont reconnus pour leur compétence. Avec les années, ils ont également développé une grande expertise en matière de transferts fédéraux, en particulier de péréquation, qui est reconnue partout au pays. Il serait étonnant que le PQ ait tout de suite compris que le projet fédéral risquait de priver le Québec de revenus d'un milliard, mais qu'eux n'y aient vu que du feu...
M. Charest a plus vraisemblablement pensé qu'au moment où il s'indignait d'entendre Pauline Marois déclarer qu'elle avait les mains liées par le mouvement souverainiste, il n'était pas très indiqué d'illustrer les inconvénients que peut aussi comporter le fédéralisme.
Visiblement, Stephen Harper n'a pas été très impressionné par la motion unanime que l'Assemblée nationale a adoptée jeudi, qui «exige» le maintien du programme de péréquation dans sa forme actuelle. Il l'aurait été encore moins s'il avait pu voir le libellé nettement plus mou que le gouvernement Charest avait d'abord proposé au PQ. Plutôt qu'une exigence, il présentait une simple «demande».
D'ailleurs, il mettait les mêmes gants blancs pour inviter Ottawa à «travailler de concert» avec le gouvernement du Québec pour aider les travailleurs et les entreprises touchés par la crise économique.
C'est sans doute ce que l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales Benoît Pelletier appelait le «principe de courtoisie» qui doit présider aux relations entre partenaires au sein d'une fédération. Il est dommage que cette courtoisie soit à sens unique.
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Hier, à la conférence des premiers ministres, M. Charest s'est heurté à un mur. Clairement, M. Harper n'a aucune intention de retraiter. Il n'a même pas voulu réfléchir plus longuement à la question, comme l'en a prié M. Charest.
Le Québec ne pourra pas davantage compter sur l'appui des autres provinces. Jeudi, Dalton McGuinty a préféré s'absenter de la réunion du Conseil de la fédération plutôt que d'étaler publiquement ses différends avec son homologue québécois, mais les positions ontariennes sont bien connues.
La péréquation est régie par une loi fédérale. Pour modifier la formule de calcul afin d'annuler la hausse prévue l'an prochain, le gouvernement conservateur doit donc obtenir l'approbation de la Chambre des communes.
Le Bloc québécois va évidemment s'opposer à tout plafonnement de la péréquation, mais la seule position qui compte dans les circonstances actuelles est celle de Michael Ignatieff. De passage à Québec en décembre, le nouveau chef du PLC avait dit avoir de la «sympathie» pour les doléances de M. Charest. «Mais je ne dois pas penser seulement au Québec», s'était-il empressé d'ajouter. En effet, à la veille de possibles élections, il doit beaucoup penser à l'Ontario.
Bien sûr, M. Ignatieff pourra trouver dans le prochain budget fédéral bien d'autres raisons de renverser le gouvernement Harper, s'il le désire, mais rien n'assure qu'il laisserait la formule de péréquation intacte s'il devenait premier ministre.
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mdavid@ledevoir.com


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