Le chef conservateur, Stephen Harper, aura finalement tenu son pari. Lui qui avait contourné sa propre loi instaurant les élections à date fixe, pour profiter de la faiblesse de ses adversaires et ainsi obtenir de l'électorat un mandat majoritaire, a renforcé sa position à la Chambre des communes. Ses troupes ont décroché une seconde minorité, beaucoup plus confortable que celle de 2006. Le Bloc québécois a toutefois anéanti tout espoir de vague bleue au Québec en prenant 49 circonscriptions. Le Parti libéral de Stéphane Dion sort perdant de cette joute, perdant une vingtaine de sièges au pays, dont plusieurs en Ontario.
Le chef libéral a annoncé qu'il restait en poste. «Le Canada me demande d'être le chef de l'opposition. J'accepte cette responsabilité avec honneur.»
Prenant la parole à 1h du matin, Stephen Harper a déclaré qu'il avait trois objectifs. D'abord, gouverner «pour tous les Canadiens», ensuite «tendre la main» aux partis d'opposition pour gérer la crise économique, et enfin, mettre en oeuvre son programme électoral. «On va faire ce que nous avons promis de faire», a dit M. Harper.
Le chef bloquiste, Gilles Duceppe, a pris la parole le premier et s'est dit ouvert à discuter avec tous les partis pour faire fonctionner le Parlement minoritaire. Puis, il s'est adressé au premier ministre. «J'invite donc M. Harper à respecter la volonté des Québécois, en gouvernant avec ouverture et en faisant des compromis.» M. Harper avait laissé entendre en début de campagne qu'il interpréterait une seconde minorité comme un mandat plus fort lui permettant d'aller de l'avant avec ses réformes. Jack Layton aussi s'est dit «prêt à collaborer avec les autres partis». Au moment de mettre sous presse, M. Harper n'avait pas encore pris la parole.
Le Parti conservateur l'avait ainsi emporté ou était en avance dans 143 circonscriptions, avec 37 % du vote. Il s'agit d'une augmentation de 16 sièges, et à peine 12 de moins que ce qui est nécessaire pour obtenir une majorité. Le Parti libéral, lui, en avait 77 (en baisse de 18), et un appui de 27 %. Les appuis du NPD se sont maintenus à 18 %, se traduisant par 37 députés. Le Bloc québécois, que l'on disait mort début septembre au lancement de cette 40e élection, était en voie de réaliser une bonne performance, mais moins glorieuse que prévu, avec 50 sièges. Deux indépendants, Bill Casey en Nouvelle-Écosse et André Arthur à Québec, remportaient leur laissez-passer pour retourner à la Chambre des communes.
Les quatre chefs de parti ont été élus dans leur circonscription respective. Seule Elizabeth May, la leader du Parti vert, a dû s'incliner en Nouvelle-Écosse devant le ministre de la Défense et vedette locale, Peter MacKay.
Ainsi, au Québec, le Parti conservateur a maintenu son score à 25 % et a conservé 10 sièges, contredisant toutes les prédictions. Toutefois, tous les espoirs de gain, à Drummondville, Trois-Rivières ou encore Sherbrooke, se sont évanouis. Le Parti libéral a mieux réussi que prévu avec 22 % des suffrages et une possibilité de 16 sièges en vue, notamment un gain dans Haute-Gaspésie-La Mitis, avec Nancy Charest. Le PLC semblait aussi en voie de reconquérir Outremont et Ahuntsic.
Contre toute attente, la région du Saguenay n'a pas changé de visage. Le ministre du Développement régional, Jean-Pierre Blackburn, conservait facilement son siège, tout comme son voisin Denis Lebel. Le bloquiste Robert Bouchard est resté en poste à Chicoutimi-Le Fjord. «Quelle belle victoire! Je l'ai vraiment travaillée, travaillée, travaillée», a déclaré M. Blackburn. «Je suis content pour le premier ministre.»
Dans la région de Québec, le «mystère» de la capitale s'est poursuivi. La ministre Josée Verner a été réélue facilement, même si elle a été malmenée pour avoir mal défendu le milieu culturel lorsque son gouvernement a fait passer plusieurs programmes à la trappe. Ses collègues aussi ont résisté. Seul Luc Harvey, dans Louis-Hébert, a été renvoyé par les électeurs qui lui ont préféré le bloquiste Pascal-Pierre Paillé. La bloquiste Christiane Gagnon est restée en poste. «Nous avions choisi de travailler avec les électeurs», a déclaré Mme Verner, en faisant référence à l'absence des députés conservateurs sur les diverses tribunes pendant la campagne.
Pour sa part, l'ex-ministre Maxime Bernier n'a pas subi de contrecoups de ses mésaventures avec Julie Couillard. Il a été réélu haut la main. D'ailleurs, la plupart des ministres conservateurs ont remporté leur siège, y compris le ministre de la Santé, Tony Clement, qui avait été élu en 2006 avec une majorité de... 28 voix. Il a consolidé son avance. Idem pour le ministre des Finances Jim Flaherty, qui a été réélu à Withby-Oshawa.
Le ministre sénateur Michael Fortier a raté sa chance de se faire élire dans Vaudreuil-Soulanges tout comme le candidat-vedette et maire de Saint-Eustache, Claude Carignan. Sur l'île de Montréal, le paysage changeait légèrement, avec un Parti libéral plus fort que prévu.
Le PLC a mené une chaude lutte toute la soirée pour reconquérir son bastion d'Outremont, Sébastien Dhavernas tentant de renvoyer chez lui le seul député néodémocrate du Québec, Thomas Mulcair. Le candidat-vedette et fils de l'ex-premier ministre, Justin Trudeau, a battu la bloquiste Vivian Barbot dans Papineau, privant le Bloc québécois d'une victoire qu'il souhaitait ardemment. Le NPD n'a pas non plus réussi à augmenter sa députation québécoise. Bien qu'elle ait mené une fière bataille, l'ex-députée de Paul Martin, Françoise Boivin, n'a pas réussi à déloger le bloquiste Richard Nadeau.
L'Ontario plus bleu qu'avant
L'Ontario a quant à lui changé passablement de couleur. Au moment de mettre sous presse, le Parti conservateur y détenait 51 sièges, soit 10 de plus que ce qu'il avait au moment de la dissolution. Le Parti libéral dégringolait à 38 sièges (contre 51) et le NPD augmentait sa cagnotte à 17 sièges (pour cinq gains). Les deux circonscriptions ouvrières d'Oshawa ont toutefois boudé Jack Layton et ses flirts aux travailleurs.
La couronne élargie de Toronto a finalement cédé aux assauts conservateurs. Des endroits comme Oakville, Oak Ridge Markham ou encore New Market-Aurora, ex-fief de Belinda Stronach, sont passés au bleu. Par contre, le parti de Stephen Harper n'a pas été en mesure de conserver Mississauga-Streetsville, où le transfuge Wajid Khan s'est incliné devant la libérale Bonnie Crombie. La ministre du Développement international, Bev Oda, a réussi à se faire réélire même si, en l'absence d'un candidat du NPD, le Parti conservateur craignait de voir les libéraux récolter le siège. Même scénario pour Gary Lunn, en Colombie-Britannique.
Le parti de Jack Layton a réussi à enregistrer des gains dans le nord de la province aux dépens des libéraux et à conserver la région d'Hamilton, que lorgnait le Parti libéral. Sheila Copps y avait d'ailleurs été dépêchée pour faire du porte-à-porte. Après une chaude lutte, l'épouse de M. Layton, Olivia Chow, a conservé sa circonscription torontoise. L'autre néodémocrate du centre-ville torontois, Peggy Nash, a eu moins de chance et a cédé la place au candidat-vedette libéral et ex-candidat à la direction, Gerard Kennedy.
En Colombie-Britannique, le PC a augmenté ses appuis de 11 %, obtenant 22 sièges, un gain de quatre députés. Stéphane Dion a vu ses troupe perdre trois sièges, pour un maigre total de quatre. Le PLC y a perdu 10 %. La déception était du côté du NPD, qui a lui aussi perdu des plumes (- 4 %) au profit du Parti vert, conservant seulement ses 10 sièges alors qu'il espérait en gagner beaucoup plus.
L'Atlantique changée
Le paysage de la région atlantique a été pour sa part quelque peu modifié. Le Parti libéral a perdu trois sièges, pour un total de 17 sur une possibilité de 32. Le Parti conservateur s'en sort avec 10 sièges, alors qu'il en avait 8 avant le déclenchement. Le NPD quant à lui n'a fait qu'un seul gain, mais symbolique parce qu'à Terre-Neuve, terminant avec quatre sièges contre trois en 2006.
Mais la carte a été réaménagée. Ainsi, à Terre-Neuve, où le premier ministre conservateur, Danny Williams, avait mené sa campagne ABC (Anybody but Harper, N'importe qui sauf Harper) avec mascotte de macareux moine à l'appui, le Parti conservateur fédéral a été balayé. Il a perdu les trois sièges qu'il y détenait. Sentant peut-être le vent tourner, deux des trois élus conservateurs, dont le ministre des Pêches, Loyola Hearn, avaient d'ailleurs choisi de ne pas solliciter un nouveau mandat. Toutefois, les libéraux n'ont pas su tirer totalement avantage de la situation: ils ont gagné deux sièges, mais le NPD a pris le troisième, une percée importante pour le parti de Jack Layton.
En Nouvelle-Écosse, un seul changement important: le libéral Robert Thibault, qui s'est illustré dans l'affaire Mulroney-Schreiber, a perdu au profit des conservateurs. À l'Île-du-Prince-Édouard, le Parti libéral avait perdu son monopole, alors que la conservatrice Gail Shea remportait Egmont.
Plus fort, mais toujours minoritaire
Le chef libéral a annoncé qu'il restait en poste. «Le Canada me demande d'être le chef de l'opposition. J'accepte cette responsabilité avec honneur.»
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