Des exemples de prosélytisme à la CSDM

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L'école québécoise islamise ses étudiants : le futur démographique du Québec sera de plus en plus musulman


Les tenants de la Loi sur la laïcité de l’État pourront maintenant répliquer à leurs adversaires les accusant de combattre un ennemi imaginaire : deux mères montréalaises affirment que des éducatrices voilées ont fait pression sur leurs filles pour qu’elles adoptent elles aussi des pratiques musulmanes. Une preuve, selon elle, que le hidjab n’est pas toujours neutre et conduit parfois au prosélytisme.


Dans le cadre de la contestation judiciaire de la loi 21, le groupe féministe Pour le droit des femmes du Québec (PDF Québec) a été autorisé à intervenir et à présenter des témoins. PDF a donc présenté le cas d’Ines Hadj Kacem et de Ferroudja Si Hadj Mohand, deux femmes ayant émigré au Canada qui disent vouloir élever leurs filles dans la plus totale égalité des sexes. Or, elles estiment que l’école publique montréalaise a échoué à cet égard.



J’ai quitté la Tunisie pour que ma fille puisse grandir dans un milieu respectueux de ses choix et décisions




 

Dans une déclaration faite sous serment, Mme Hadj Kacem relate que sa fille fréquentant le service de garde de son école primaire d’Hochelaga-Maisonneuve a subi la pression d’éducatrices voilées pour qu’elle remercie Allah à la fin des repas et qu’elle cesse d’avoir recours au traiteur de l’école parce que la nourriture servie n’est pas halal ou contient du porc. Mme Hadj Kacem dit avoir retiré sa fille du service de garde après avoir déposé plusieurs plaintes à la direction.



Libre de ses choix


« J’ai quitté la Tunisie pour que ma fille puisse grandir dans un milieu respectueux de ses choix et décisions », est-il écrit dans la déclaration sous serment. « Or, c’est en fréquentant l’école publique de mon quartier que ma fille subit des pressions pour se comporter comme une “bonne musulmane”. […] J’ai la forte impression que le port d’un signe religieux par des personnes en position d’autorité influence les comportements de ma fille et la fait questionner ses choix et ceux de sa mère. »


Mme Hadj Kacem relate que sa fille subit aussi la pression d’autres écoliers parce qu’elle ne porte pas le voile. Tout cela, note la mère montréalaise, « porte préjudice à ce que nous venions chercher au Québec, soit l’égalité de faits entre les femmes et les hommes ».




Pour sa part, Ferroudja Si Hadj Mohand raconte qu’une éducatrice portant le hidjab aurait interpellé une amie de sa fille de 9 ans parce qu’elle enlevait et remettait son voile islamique dans la cour de l’école de Montréal-Nord qu’elles fréquentent. L’éducatrice lui aurait dit qu’une fois mis, le voile ne devait plus être enlevé. Puis, se tournant vers la fille de Mme Hadj Mohand, elle lui aurait demandé quand elle commencerait à le porter. La jeune fille s’est sentie « gênée » et obligée de répondre « Peut-être au secondaire ».



Un interdit légitime


« Nous avons dû avoir une longue conversation [avec notre fille] pour lui expliquer qu’elle n’était pas obligée de mentir sur sa croyance pour plaire à son éducatrice, témoigne Mme Mohand dans sa déclaration sous serment. Il est très difficile pour mes filles de résister aux pressions de leurs pairs à porter le voile, car elles ne veulent pas déplaire, et il s’agit parfois d’un signe d’appartenance au groupe. »


Les deux femmes ont refusé de parler au Devoir afin que le débat se tienne au tribunal, comme il se doit. L’avocate de PDF Québec, l’ex-présidente du Conseil du statut de la femme Christiane Pelchat, explique que ces deux témoignages sont importants. « Ça démontre que l’interdiction de signes religieux chez certains fonctionnaires est tout à fait légitime et prend en compte le droit des femmes à l’égalité, mais aussi le droit des enfants et des petites filles à l’égalité, au respect de leur liberté religieuse et le droit de ne pas être l’objet de prosélytisme. »


   

Le Mouvement laïque québécois, qui appuie lui aussi la loi 21 et la défend dans le cadre de la même contestation judiciaire, présentera pour sa part le témoignage de Jafaar Bouchilaoun. Ce père d’origine algérienne déplore que l’enseignante de son fils porte un signe religieux, lui qui a connu « l’intégrisme religieux » dans son pays d’origine, raconte son avocat Guillaume Rousseau.


La cause devrait être plaidée sur le fond cet automne. Après le désistement de Johanne Mainville, c’est le juge Marc-André Blanchard qui présidera la cause. C’est ce même juge qui, en juin 2018, avait tranché que la loi 62 sur la prestation de services publics à visage découvert du gouvernement libéral de Philippe Couillard pourrait porter un « préjudice irréparable » aux femmes musulmanes.


L’an dernier, le sociologue Gérard Bouchard, qui avait coprésidé la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables, avait vilipendé la loi 21 du gouvernement de François Legault. Il avait mis ce dernier au défi de prouver que le port d’un symbole religieux par une enseignante avait un effet négatif sur les élèves.


« Ce qu’on entend souvent durant ce débat, c’est que le seul fait de porter un signe religieux — le hidjab, par exemple — entraîne une forme d’endoctrinement chez les élèves. On entend aussi que ça traumatise certains élèves, ou alors que c’est contraire à l’exercice pédagogique, ou bien que ça compromet le climat de travail dans la classe, etc. », avait lancé M. Bouchard. « Si jamais un seul de ces éléments était prouvé, personnellement, je vous le dis tout de suite, je serais tenté d’appuyer votre projet de loi. »




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