Port-Daniel-Gascons - Un projet de cimenterie d’un milliard échappe au BAPE

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Un examen nécessaire

Québec ne soumettra pas à l’attention du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) le projet de cimenterie d’un milliard de dollars à Port-Daniel-Gascons, en Gaspésie, et ce, malgré la mise en garde d’écologistes selon lesquels l’exploitation de millions de tonnes de calcaire dans le sol gonflerait à elle seule de 10 % l’émission de gaz à effet de serre (GES) industriels au Québec.
Interrogée au terme de son caucus national tenu à Carleton-sur-Mer la semaine dernière, la première ministre, Pauline Marois, a confirmé que l’un des plus gros projets industriels à venir au Québec serait exempté d’un BAPE. « Ce n’est pas prévu puisque ça ne répond pas aux critères habituels d’un BAPE. Nous avons examiné ce projet sous tous les angles environnementaux et, pour l’instant, il n’y a pas de barrière à ce projet. Il y a des balises cependant qu’on pourra mettre en place pour nous assurer que l’environnement est protégé, mais il n’y a pas d’entraves majeures sous l’angle environnemental », a-t-elle déclaré.

La décision heurte des écologistes qui suivent le dossier de très près. « On est surpris et en colère ! », a affirmé au Devoir le vice-président du groupe écologiste gaspésien Environnement Vert Plus, Michel Goudreau. Sa surprise est d’autant plus vive que, la veille de cette confirmation, mercredi, il rencontrait le chef de cabinet du ministre de l’Environnement, Yves-François Blanchet, précisément dans le but de convaincre de l’importance de soumettre ce projet à l’analyse du BAPE.

« Et ce, avec à l’appui une lettre qui précise des chiffres, qu’on a obtenus notamment du promoteur [Ciment McInnis], qui démontrent que la cimenterie va émettre plus de deux millions de tonnes de GES par année ! »

2,2 à 3 millions de tonnes

Dans cette lettre datée du 28 août, les écologistes affirment que, lors d’une rencontre avec la direction de Ciment McInnis le 13 août dernier, l’entreprise « a confirmé que la cimenterie prévoit transformer environ 3 millions de tonnes de calcaire par année ». Cela représenterait, selon les calculs des écologistes qui s’appuient sur différentes études et des documents obtenus par la Loi d’accès sur l’information, un relâchement de GES de l’ordre de 2,2 à 3 millions de tonnes par année.

Toujours selon cette lettre, « le projet va produire 5,1 fois plus de GES que tous les véhicules en Gaspésie et aux Îles. Le projet de cimenterie va augmenter les GES produits par la combustion industrielle (pétrole de coke pour la cimenterie) de plus 16 % par rapport au total produit au Québec en 2010. [Et] par rapport à tous les GES relâchés par l’industrie au Québec, la cimenterie en ajoutera à elle seule, 10 %. »

Le président d’Environnement Vert Plus, Bilbo Cyr, qui se dit « outré » par la décision de Québec, rappelle « que lutter contre la bêtise humaine est une lutte qui est perdue d’avance, mais ce n’est pas une raison pour ne pas continuer à se battre dans ce dossier ». Du même avis, le président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, André Bélisle, juge que le feu vert donné par Québec au projet sans le soumettre à un BAPE démontre que le discours du gouvernement est désormais « contradictoire sur le plan de l’environnement. Ça ne marche pas ! »

Le Devoir a en vain tenté d’obtenir le commentaire du cabinet du ministre de l’Environnement ainsi que du promoteur, Ciment McInnis, afin de savoir s’ils contestaient ou non les chiffres avancés par les écologistes.

En avril 2012, Le Devoir révélait que la cimenterie, qui devrait voir le jour d’ici deux ans, n’avait pas à être soumise à un BAPE parce que l’avis du projet avait été déposé par son promoteur avant le 22 juin 1995, date à laquelle les normes environnementales ont été resserrées par le gouvernement de Jacques Parizeau. Ce qu’avait alors confirmé le ministère de l’Environnement. Or, devant le tollé soulevé par ces révélations, Québec avait décidé d’étudier ce projet de manière plus pointue. Ainsi, en entrevue au Devoir le 10 décembre dernier, le ministre délégué aux Régions, Gaétan Lelièvre, affirmait que son gouvernement ne fermait pas la porte à un BAPE.

Quelque 400 emplois seront créés lors des travaux de construction des installations et près de 100 emplois permanents en usine pendant l’exploitation du site qui contient plus de 450 millions de tonnes de calcaire. Cela représente 100 ans d’exploitation. La firme Ciment McInnis est contrôlée par Beaudier inc., située à Montréal.


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