POTLATCH: ton or contre mon miroir

Tribune libre

Dans la culture occidentale actuelle, on utilise aussi la formule « briller ou disparaître »,qui reflète une dynamique de type potlatch, dans les contextes et cérémonies suivantes :
* Contribution aux repas communautaires, où chacun apporte spontanément un plat ou une boisson pour tous (salade, dessert…), aussi appelé « repas canadien » (au Canada), en référence aux amérindiens d’Amérique du Nord qui pratiquaient cette forme de potlatch.
* Obtention d’une légitimité et d’une position hiérarchique plus importante, en fonction de la qualité et de la quantité des contributions faites dans une dynamique de groupe (par exemple, dans les milieux associatifs, les personnes qui s’engagent le plus comme volontaires auront un accès prioritaire aux ressources collectives, comme le bus ou le matériel informatique de l’association à laquelle ils contribuent).
* Obtention des droits de modération dans une communauté virtuelle, comme c’est le cas de Wikipédia, en fonction des contributions antécédentes.
C’est pourquoi les premiers colons européens ont pu considérablement spolier les indigènes qui pratiquaient le potlatch, car ils échangeaient de l’or contre de la bimbeloterie ; les Indiens croyant à la valeur « potlatch » de ces échanges pensaient que ces trocs étaient équilibrés.

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Entrée:
C’est bien là l’art de toute fourberie contemporaine. Qu’échange-t-on quand on travaille? Qu’échange-t-on quand on vote? Que donne votre pays en retour de votre apport à la société? Normalement ce devrait être un plus, un ajout, issu d’une synergie de la richesse et du travail collectif…
Non
Le vol, tout simplement.
Car échanger dans une fourberie d’obtenir du plus est … inhumain. C’est en cela que le “bon sauvage” maintes fois décrié aujourd’hui, avait des valeurs que nous n’avons pas.
Du point de vue spirituel, ils nous dépassaient grandement. Ce qui est aisé, puisque nous n’en avons plus vraiment. Sauf le culte du corps parfait, et d’une certitude de la robotique de ce “montage de chair” si cher à la science. Et si pauvre en efficacité… Nous sommes dans un “mourir” matériel… Et c’est à se demander si tous les grands financier ne sont pas des croque-morts.
Ces gens-là ont l’air vivant… Nous sommes à une ère de culture de cadavres. On s’empiffre des pauvres dits du tiers monde et on fait crever ceux des sociétés dites avancées.On les tient en laisse…
On a jamais autant parlé de valeurs… Le mot a été tant et tant baratté, que le beurre est devenu une margarine rancie et colorée.
Trompe l’oeil.
Lécher son écran d’un plat de nouilles ne nous nourrira jamais.
Mais nous continuons de les cultiver, de les entretenir. Étant donné que tout le monde cherche le bonheur et la paix ou le confort dans le futur, la technologie est un miroir.
Personne ne vit dans un miroir… Même pas Alice…
Gaëtan Pelletier
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Le texte de Pierre JC Allard
Le potlatch renvoie en philosophie à la notion de dépense pure (cf Georges Bataille et Marcel Mauss). C’est un processus placé sous le signe de la rivalité, il faut dépasser les autres dons.
La contribution la plus originale du Canada à la sociologie universelle n’a pas été conçue à McGill ni à Varsity; c’est une trouvaille de nos indiens Nootkas . On dit toujours que les humains sont égoïstes, mais saviez-vous qu’il existe des tribus amérindiennes de la Colombie Britannique dont les membres ont pour premier objectif dans vie de DONNER tout ce qu’ils peuvent? Le potlatch est la cérémonie au cours de laquelle ils donnent ainsi à qui mieux mieux. Ça crée quelques ennuis, mais pas trop pourvu que ça reste dans la tribu. Parce qu’évidemment, si l’ascenseur ne revient pas… les lendemains sont difficiles.
Ça serait-y pas beau si les Bronfman, dont nous parlions il y a quelques semaines, au lieu de virer 2 milliards de dollars aux USA, les avaient donnés aux chômeurs canadiens ? Et encore plus beau s’ils étaient relancés aujourd’hui par les Desmarais ou les Irving qui n’auraient d’autre but que d’en donner plus? Ça n’arrivera pas, rassurez-vous, et je n’accepterais pas le mandat de les en convaincre…! Il ne faut pas dire aux riches de donner; ça les met en rogne.
On se demande bien pourquoi, d’ailleurs, puisque les riches ne dépensent presque pas. Le problème, justement, ce n’est pas que les milliardaires aient des milliards, mais qu’ils ne les dépensent pas. Dépenser pour vrai, s’entend, dans le sens de consommer du pain, du caviar, ou de tirer un sain plaisir de vider une bouteille de Romanée-Conti à 1 000 $. Dépenser, dans le sens de donner une chance à ceux qui ne travaillent pas de travailler et de gagner leur croûte.
Ah, si les riches consommaient … ! Peu importerait que l’argent soit outrageusement gaspillé, pourvu qu’il circule, car c’est pour ça que l’argent a d’abord été créé. Quand l’argent ne circule pas, l’économie ralentit et tout le monde en souffre: les travailleurs ne travaillent pas, les enfants des pauvres ne mangent pas avant de partir pour l’école, même les milliardaires perdent les millions qu’ils ne feront pas…
Ah, si les riches dépensaient un peu… En supposant qu’on mette au Canada 30 milliards de dollars en circulation* – ça ne représenterait encore qu’environ 2% de nos actifs! – et ça créerait une offre de travail supérieure au nombre des chômeurs et assistés sociaux du pays…
Mais les riches ne donneront pas leur argent et ne le dépenseront pas non plus. La plupart des gens n’ont pas idée à quel point il est difficile de dépenser plus de 3 ou 400 000 $ par année, ce qui n’est pourtant que l’intérêt sur son capital d’un tout petit millionnaire de rien du tout. Quand vous “valez” un milliard, comment peut-on vous demander de “consommer” les deux millions par semaine que vous rapporte cet argent? Des tonnes de truffes, des piscines de champagne, des brigades de serviteurs en livrée…?
Contrairement au dicton populaire, l’appétit ne vient pas en mangeant: on se lasse vite de manger. Ce qui croît avec l’usage, c’est l’ambition, le désir insatiable de faire grandir les chiffres dans un portefeuille d’actions. Alors, les vrais riches ne dépensent presque pas: ils prêtent et accumulent des intérêts, ou investissent et font des profits, réduisant d’autant plus l’argent en circulation, mais ils ne “dépensent” pas.
Alors, pas de potlatch pour nos riches ? Erreur; nos riches “donnent” tout le temps, laissant aller leur fric sans en retirer ni bien ni service tangible. Ils se passent l’argent entre riches, d’un compte de banque à l’autre, dans l’espoir d’en avoir plus … qu’ils se repasseront aussi indéfiniment, sans en retirer rien de concret. Les riches se vendent entre eux des Van Gogh, dont ils disent chaque année qu’ils valent plus cher; ou ils s’achètent des bijoux, ce qui ne consiste, en somme, qu’à changer du papier pour des cailloux. Les riches vivent un potlatch ininterrompu, mais ils ne vivent leur potlatch qu’entre eux.
Le fric ne PEUT pas sortir de la tribu des riches. Car ça veut dire quoi, quand les entreprises font des profits records pendant que nous avons une croissance malingre de 2 à 3 % dont on se dit satisfait, une population dont le niveau de vie stagne depuis une génération et qui tire 20% de son revenu global de paiements de transferts? Ça veut dire que notre société a érigé en système un potlatch “virtuel” réservé à la seule tribu des riches. (Il y a aussi un potlatch virtuel pour le monde ordinaire qui se joue avec l’argent des REER, mais nous en reparlerons)
Quand la Bourse s’envole vers des sommets, permettant aux riches de devenir plus riches, notre société leur donne des milliards qui ne représentent aucune valeur tangible dans le monde du réel. Et ces milliards “virtuels”, elle ne peut les donner qu’aux riches, puisqu’eux seuls ne les dépenseront pas – puisqu’ils n’en ont pas besoin – mais les utiliseront comme des outils de pouvoir, comme des laissez-passer qu’il suffit de montrer puis qu’on remet dans sa poche. Les riches, comme des clochards, peuvent s’échanger des chèques de milliards de dollars s’ils conviennent de ne pas les encaisser. Et c’est bien ce qu’ils font.
Tant que les milliards demeurent des symboles dans des livres, les riches demeurent riches … et puissants. Mais si nos riches prétendaient se présenter à la banque de la réalité et”consommer”même une partie infime de leur richesse, on verrait que notre société ne dispose pas des biens et services nécessaires pour honorer le “chèque” que constitue la valeur des actions en Bourse et des dépôts en banque. L’ascenseur ne reviendrait pas et les lendemains seraient bien difficiles.
Pierre JC Allard , Nouvelle Société
http://www.nouvellesociete.org/5071.html


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