L'Affaire du rapatriement

Pourquoi pas le modèle du Watergate?

La Cour suprême, comme la Tour de Pise...

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Le gouvernement québécois devrait en outre dresser un inventaire de toutes les «décisions» discutables de la Cour suprême concernant le partage des compétences. Et il y en a plusieurs.

Qui, dans les milieux le moindrement informés, n'a pas au moins une fois dans sa vie entendu quelqu'un répéter la bonne vieille blague de Maurice Duplessis voulant que, comme la Tour penchée de Pise, la Cour suprême du Canada incline toujours du même côté, vers Ottawa,? On trouve cependant de moins en moins de monde pour la trouver drôle si, en fait, elle l'a déjà été, drôle. Faut-il, en effet, s'amuser du fait qu'un doute sérieux puisse exister quant à l'impartialité de la cour suprême?
Bien sûr, il était plus facile d'en rire que de s'attaquer véritablement au problème. On ne remet pas en question l'intégrité de personnages aussi ...honorables que les juges de la Cour suprême sans y penser deux fois. Et, à Ottawa, on tablait sur cette déférence aveugle, ou timorée, pour saccager le partage des compétences au gré des «décisions» de cette cour complaisante. Cela dure depuis des décennies.
Puis soudain, une fissure apparaît dans la fausse honorabilité du pouvoir judiciaire fédéral. La Cour ne serait peut-être pas, après tout, aussi noble qu'on veut bien le prétendre. En fait, elle pourrait bien avoir tordu la constitution au bénéfice du pouvoir central. L'accusation est grave et la possibilité qu'elle soit avérée est quasi certaine.
UN ÉVÉNEMENT ISOLÉ
À Ottawa, comme au sein d'un certain establishment québécois, on comprend fort bien l'ampleur de ce scandale dont les vapeurs toxiques ne font que commencer à se manifester. On s'est donc aussitôt empressé, là-bas, d'enclencher la mécanique du camouflage. À quoi bon, donc, déterrer une vieille chicane surannée? Laissons aux historiens le plaisir de se déchirer sur ce passé révolu. Mais, qui veut perdre son temps avec des arguties constitutionnelles qui n'ont aucun rapport avec les préoccupations quotidiennes de la population? Oui, la Cour a peut-être commis une indiscrétion en dévoilant l'échéancier de ses délibérations aux autorités britanniques, mais faut-il s'entretuer pour autant?
Autrement dit, on s'efforce de présenter l'Affaire du rapatriement comme un fait isolé qui n'a plus aucun lien avec la réalité contemporaine. On a l'impression d'entendre le porte-parole de la Maison-Blanche, Ron Zeigler décrire l'effraction du Watergate comme un "third rate burglary attempt". C'est classique. On essaie toujours de cacher les grands scandales derrière l'éteignoir de la banalité. Mais, l'administration Nixon a échoué. Le fédéral aura-t-il plus de chance avec la Cour suprême? Disons qu'il s'en est assez bien tiré avec le cas somalien. Les membres du régiment aéroporté ont même été décorés...
LE MODÈLE DU WATERGATE
Dans la nuit du 17 juin 1972, donc, Virgilio Gonzalez, Bernard Barker, James McCord, Eugenio Martinez et Frank Sturgis sont arrêtés dans les bureaux du Comité national électoral du Parti démocrate alors qu'ils tentaient d'y installer des micros dans le but d'épier les stratèges démocrates qui préparaient la présidentielle de novembre cette année-là. Lors de la comparution des prévenus, plus tard, en matinée, deux journalistes du Washington Post, Bob Woodward et Carl Bernstein, découvrent qu'un des auteurs de l'effraction, Barker, portait sur lui une carte montrant le numéro de téléphone d'un certain E. Howard Hunt, ex-employé à la Maison-Blanche. McCord, lui, marmonnera le mot CIA lors de son identification formelle. Woodward et Bernstein auront dès lors le pressentiment de tenir un gros morceau. Et, ils ne le laisseront plus aller. Le reste, comme ils disent, appartient...à l'histoire.
Non, le cambriolage du Watergate n'était pas un événement isolé; il faisait partie d'un système. Et, c'est exactement ce qu'il faudra prouver dans le cas du rapatriement. À défaut, les Ron Zeigler de notre époque auront la dernier mot.
Il importe donc que la première ministre du Québec fasse dès que possible une déclaration à l'effet que son gouvernement est d'avis que le doute sur l'impartialité de la Cour suprême dépasse largement le cadre du seul rapatriement. En effet, il faut à tout prix éviter que l'on puisse, à Ottawa et dans certains milieux québécois, imposer la perception que cette affaire n'est qu'un incident isolé. Au soutien de sa déclaration, la première ministre pourrait montrer le rapport qui a été préparé à ce sujet pour le ministère des Affaires intergouvernementales au début des années 90. Avec le cas des valeurs mobilières, elle pourrait même suggérer l'existence d'un complot, n'en déplaise à Stéphane Dion (Devoir, 16-04-13, p., A-2)
Le gouvernement québécois devrait en outre dresser un inventaire de toutes les «décisions» discutables de la Cour suprême concernant le partage des compétences --il y en a plusieurs-- et formuler des demandes d'accès à l'information à propos de chacune. En cela, il faudra non seulement cibler les ministères responsables, mais également les organismes connexes. Cela inclut évidemment le ministère de la Justice, un pivot dans le quotidien constitutionnel canadien.
Il y aurait en outre lieu de présenter des demandes d'accès concernant les avantages financiers et autres consentis aux juges de la Cour suprême avant leur nomination, pendant leur mandat et après leur départ de la Cour. Il faudrait remonter au mois à 1970.
Les juges Antonio Lamer et Frank Iacobucci, par exemple, ont obtenus de lucratifs mandats du gouvernement fédéral suite à leur retour à la pratique. Ont-ils dû mériter ces mandats? Au même effet, le gouvernement fédéral a, pendant un temps, payé, sur une base discrétionnaire, les intérêts afférents à l'hypothèque du juge John Sopinka, alors même que celui-ci siégeait à la Cour. Pareille dépendance est-elle compatible avec l'indépendance du pouvoir judiciaire?
Depuis les facultés de droit, on devrait faire parvenir aux médias des analyses des décisions suspectes de la Cour suprême. Il importe en effet de garder les projecteurs sur l'affaire tout au long du processus de cueillette de l'information.
Évidemment, il y aura des menaces de poursuite et même des poursuites. Heureusement , on pourra compter sur les dispositions anti-bâillon du Code de procédure. Quoiqu'il en soit, avec un minimum de prudence, il devrait être possible de se prémunir contre les poursuites. Le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire fait partie de l'intérêt public. Et, les discussions à son sujet doivent être libres de toute entrave indue.
UNE ENQUÊTE
Le 18 mai 1973, un comité du Sénat américain ouvrait une enquête sur l'Affaire du Watergate, sous la présidence du sénateur Sam Ervin. Cette enquête débouchera sur l'enclenchement de procédures en destitution contre le président Nixon qui démissionnera en août 1974.
Alors, une fois l'information recueillie à propos du rapatriement, du partage des compétences et de la Cour suprême généralement, une commission parlementaire québécoise devrait ouvrir une enquête sur ces questions. Normalement, il devrait alors apparaître évident que la Cour suprême est sous influence, qu'un vaste complot a eu lieu à cet effet, que la procédure de rapatriement a été contaminée et que le pacte fédératif a été rompu. Quant aux conséquences politiques à tirer sur cet état de fait, il y aura lieu de voir en temps opportun.
Si le Québec ne se prévaut pas de l'occasion qui se présente à lui à l'heure actuelle, qu'il ne vienne plus se plaindre de la Cour suprême dans l'avenir. Ce serait invoquer sa propre turpitude.


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    23 avril 2013

    Pour être nommé juge à la Cour suprême, il faut être déjà juge depuis un certain temps ou avocat depuis dix ans, si ma mémoire est bonne. Il faudrait vérifier, mais ça ressemble à ça.
    Maintenant, les tribunaux sont là pour voir à ce que la société soit régie en conformité avec des règles préétablies et, théoriquement du moins, voulues par cette même société, et non pas pour tordre ces règles au bénéfice du plus fort ou de forces plus ou moins occultes qui veulent remodeler lois et constitution en fonction de leurs propres visées socio-politiques.
    À l'heure actuelle, la Cour suprême achève de transformer le Canada en un pays unitaire, depuis son statut d'État fédéral tel qu'imaginé en 1867. Dans une certaine mesure, on s'est servi d'elle pour modifier la constitution. Et, là, le Québec a une occasion d'en faire la preuve.
    Louis Côté

  • Archives de Vigile Répondre

    22 avril 2013

    Un questionnement mais pourquoi?
    Ne faut-il pas être juge pour être nommé à la court suprême?
    Pour devenir juge dans cette monarchie constitutionnelle, sans monarque en résidence, qu'est le Canada, avec un système de représentation à un tour, ne faut-il par remplir cette condition administrative pour faire parti de la "liste", d'être "parrainé" par le parti politique au pouvoir pour être nommé?
    Donc être juge à la Court suprême du Canada, cette honorable institution, n'est-il de par la nature de ses membres l'expression même du rapport incestueux inhérent aux tripatouillages anti-démocratique du régime parlementaire ségrégationniste anglo-américain du Dominion of Canada. Vous m'étonnez que la Court suprême du Canada penche toujours du même côté, elle n'a qu'un côté, car elle est le produit d'une seule et unique volonté, celle du Canada constitué pour nous effacer?
    Le projet incomplet du Canada, n'a jamais été autre chose que l'extinction des premiers habitants du Canada. Ce que la constitution n'arrive pas à faire avec sa Court suprême, c'est au jeu parlementaire Ottawa-Québec(province) et à l'économie canadian de complété Le plan, toujours en marche de ce qu'est le Canada. Un plan qui est sa seul raison d'être et sa seul différence avec le plan assimilationniste achevé de son voisin et cousin étasuniens.