Budget 2011-2012

Prévoir le pire

Il y a moyen de minimiser les répercussions des chocs qui s’annoncent

Chronique de Richard Le Hir

Vers la fin du mois d’octobre dernier, dans un billet intitulé « Le Québec dans l’oeil du cyclone » , je soulignais combien la situation économique internationale était précaire, et comment le Québec parvenait malgré tout à tirer son épingle du jeu, grâce à un modèle qui allait à l’encontre des solutions préconisées par les adeptes du conservatisme fiscal et autres Lucides du même acabit.
Les semaines qui suivirent allaient nous permettre de découvrir toute l’étendue du désastre dans certains pays européens comme l’Irlande et l’Angleterre, mais surtout les États-Unis.
Et alors que les nouvelles tombaient, toutes plus catastrophiques les unes que les autres, l’économie québécoise se permettait d’afficher une performance proprement époustouflante dans les circonstances, comme je le soulignais dans deux articles au début de la nouvelle année : « La performance spectaculaire du Québec » , et « Aux États-Unis, ça y est, c’est l’enfer ! ».
Depuis quelques jours, d’autres éléments d’information sur l’évolution de la situation internationale ont été portés à notre connaissance. En premier lieu, dans son communiqué mensuel, le [Laboratoire européen d’anticipation politique (LEAP) nous annonce rien de moins que l’apocalypse->34259] :
«
 ... en Janvier 2006, à l’occasion du GEAB N°1, l’équipe de LEAP/E2020 indiquait à l’époque qu’une période de quatre à sept ans s’ouvrait qui serait caractérisée par la « Chute du Mur Dollar », phénomène analogue à celui de la chute du Mur de Berlin qui entraîna dans les années suivantes l’effondrement du bloc communiste, puis celui de l’URSS. Aujourd’hui, dans ce GEAB N°51 qui présente nos trente-deux anticipations pour l’année 2011, nous estimons que l’année à venir sera une année charnière dans ce processus s’étalant donc entre 2010 et 2013. Elle sera en tout état de cause une année impitoyable car elle va en effet marquer l’entrée dans la phase terminale du monde d’avant la crise. »
« Depuis Septembre 2008, moment où l’évidence de la nature globale et systémique de la crise s’est imposée à tous, les États-Unis, et derrière eux les pays occidentaux, se sont contentés de mesures palliatives qui n’ont fait que masquer les effets de sape de la crise sur les fondements du système international contemporain. »
« En résumé, 2011 va être marquée par une série de chocs violents qui vont faire exploser les fausses protections mises en place depuis 2008 et qui vont emporter un à un les « piliers » sur lesquels reposent depuis des décennies le « Mur Dollar ». Seuls les pays, collectivités, organisations et individus qui ont réellement entrepris depuis trois ans de tirer les leçons de la crise en cours pour s’éloigner au plus vite des modèles, valeurs et comportements d’avant la crise, traverseront cette année indemnes ; les autres vont être emportés dans le cortège de difficultés monétaires, financières, économiques, sociales et politiques que réserve 2011. » http://www.leap2020.eu/GEAB-N-51-est-disponible-Crise-systemique-globale-2011-L-annee-impitoyable-a-la-croisee-des-trois-chemins-du-chaos_a5769.html

Sur une base strictement statistique, les chances que pour les 32 anticipations du LEAP se réalisent toutes cette année sont minces. Nous parviendrons sans doute à éviter le pire. Mais en revanche, toujours sur une base statistique, une suffisamment forte proportion d’entre elles se réaliseront pour que l’économie mondiale soit durement malmenée, et que le Québec soit également secoué même s’il s’en est jusqu’ici plutôt bien tiré.
Aujourd’hui seulement, nous recevons deux coups de semonce. Aux États-Unis, on évoque désormais ouvertement la possibilité de donner le droit aux états, dont relèvent les municipalités, de faire faillite comme les entreprises et de se restructurer sous la surveillance d’un tribunal qui les déchargera des obligations dont elles ne sont pas capables de s’acquitter.
Dans une telle situation les créanciers se font tondre, et les principaux créanciers des états et des municipalités sont les gens qui ont acheté les titres obligataires qu’ils émettent, et les employés des services publics envers qui les états et les municipalités ont des obligations en vertu des conventions collectives et des régimes de retraite. Je vous laisse imaginer la cascade de faillites institutionnelles et personnelles qui résulteraient d’une telle mesure.
Et en Europe, en Irlande plus précisément, le gouvernement du premier ministre Peter Cowen est tombé par suite de l’impopularité des mesures radicales d’austérité qu’il avait imposées.
Derrière ces derniers événements s’en profilent des dizaines à travers le monde qui vont avoir des effets très déstabilisants sur l’économie mondiale, et par voie de conséquence sur le Québec, malgré tous ses efforts pour se différencier.
Il est donc urgent que le gouvernement du Québec prenne les mesures nécessaires pour se préparer aux secousses qui s’en viennent, et l’occasion pour lui de le faire se présentera justement dans deux mois à l’occasion du budget.
Dans une conjoncture comme celle qui s’annonce, il faut faire tout le contraire de ce que recommandent les tenants du conservatisme fiscal, Lucides, Facal et Legault de ce monde. Et il faut trouver à le faire sans endetter le Québec, et sans faire grimper le déficit à des nouveaux insoutenables, de façon à se préserver en tout temps un accès au crédit aux meilleures conditions possibles. Impossible, me direz-vous. Et vous aurez tort, car c’est possible.
Je vous renvoie à un article que j’écrivais en avril dernier suite au dépôt du budget Bachand. La première chose à faire devrait être faite dans le courant du mois de février. Le ministre des Finances devrait annoncer la suspension temporaire pour deux ans, avec prise d'effet immédiate, de tous les abris fiscaux à un niveau à déterminer (ex : 25 %, 50 %, 75 %) en fonction de leur coût pour l’État et des besoins pour la mise sur pied d’un important programme d’accélération des travaux d’infrastructure (à surveiller de près l’octroi des contrats), de façon à limiter les retombées de la crise qui s’annonce.
Puis, à l’occasion du budget, annoncer tout un train de mesures de nature à gonfler les rentrées fiscales en ayant un minimum d’impact sur les contribuables (ex : taxe sur les loteries et le jeu, impôt sur les revenus des loteries et du jeu, etc.). par ailleurs, il faut comprendre que certaines de nos entreprises créatrices d’emploi vont être touchées par la crise et qu’elles seront tentées de réduire leur niveau d’emploi. Pour éviter une augmentation du chômage, le gouvernement devrait leur offrir des avantages au niveau de l’investissement pour leur permettre d’être plus compétitives au sortir de la crise EN ÉCHANGE D’ENGAGEMENTS PRÉCIS à maintenir l’emploi au niveau d’une moyenne des derniers mois.
Il y a moyen de minimiser les répercussions des chocs qui s’annoncent.


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