Qu'est-ce qu'un Québécois de souche française?

Tribune libre - 2007



Qu'est-ce qu'un Frankois ou Québécois de souche? Ou, devrions-nous dire,
un Québécois-francophone-de-souche-française puisque les Canadiens-Anglais
du Québec, après 240 ans au pays "soit depuis 1760" peuvent
aussi être considérés comme des Québécois de souche, plus précisément des
Québécois-anglophones-de-souche-anglaise ou britannique. Le poète Gilles
vigneault préfère quant à lui parler de racines plutôt que de souche parce
que la souche est ce qui reste d’un arbre mort. Or, en employant le terme
racines, cela sous-entend évidemment que l’arbre est encore vivant. Ici, la
symbolique est très forte. Il serait donc préférable de dire
Québécois-francophones-de-racines-françaises, même si, actuellement, les
Québécois-Français sont un peuple en voie d’extinction.
À la fin du XIe siècle le mot souche désigne la partie restante d'un
tronc, avec les racines. Mais, dès le XIIIe siècle, le mot prend une valeur
figurée; il est employé pour « origine, source » (vers 1240) puis désigne
spécialement (1376) la personne qui est à l'origine d'une suite de
descendants. De là viennent les expressions faire souche « avoir des
descendants » (1611), de bonne souche (1858), de vieille souche (attesté au
XXe siècle), et de souche, opposé à naturalisé, immigré.
Le mot souche fait donc référence dans le temps à la filiation ancestrale
qui s'est développée sur un territoire mais dont les descendants peuvent
aussi s'être déplacés ailleurs pour élire domicile dans un autre pays pour
se perpétuer de père en fils. Pour les Frankois, leurs ascendants sont les
Français de France puis, à partir de 1608, les colons Français fondateurs
de la Nouvelle-France.
Aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles et ce, jusque vers 1950, les mots race
et ethnie étaient synonymes : c’était une pratique courante dans tous les
pays.
Ainsi, à son arrivée à Québec en 1766, Francis Maseres, procureur général
du nouveau régime militaire anglais, se demandait comment favoriser la
fusion des deux races, ou l'absorption de la race française par la race
anglaise.
En 1787, Lord Dorchester ­ Guy Carleton - décrivait dans un rapport ce qui
lui paraissait être un conflit de races entre Anglais et Français.
71 ans plus tard, en 1837, le mot race était toujours employé dans le sens
de nation et d’ethnie par Lord Durham dans son fameux rapport sur la
rébellion canadienne-française, le Report on the Affairs of British North
America : « Je m'attendais, écrit-il, à trouver un conflit entre un
gouvernement et son peuple : je trouvai deux nations en guerre au sein d'un
même État; je trouvai une lutte non de principe mais de races ».
65 ans plus tard, en 1902, dans une conférence sur le patriotisme
prononcée au Monument national de Montréal, Henri Bourassa utilisa lui
aussi le mot race dans le sens d'ethnie sans pour cela être lapidé sur la
place publique: « Si, disait-il, les groupes les plus influents et les plus
éclairés des deux races s'efforçaient de se fréquenter davantage et de se
mieux connaître, notre avenir national (dans le sens civique canadien d'un
océan à l'autre) serait moins précaire ».
En 1931, Georges Bouchard, agronome et député libéral de Kamouraska à la
Chambre des communes à Ottawa, écrivait : « Je salue avec vénération les
institutrices de mon enfance, celles d'il y a un quart de siècle, parce que
sous des dehors modestes elles incarnaient tous les dévouements et toutes
les énergies de la race ».
Il en a été de même en 1938 avec un anglophone, le professeur Kennedy de
l'Université de Toronto, qui écrivait : « With the Québec Act the French
canadian race was given a statutory charter of privileges, and a distinct
nationalism was recognized by law within the empire ».
Tout le monde parle de race à l'époque, nous dit l'historien J.-F. Nadeau
: « Le formulaire du recensement canadien demande expressément aux citoyens
d'identifier leur race ». S'il nous fallait continuer, nous n'en finirions
plus d'apporter d'autres citations afin d'illustrer cette réalité. Les mots
race, ethnie et nation étaient donc considérés comme des synonymes. Mais
cela était-il justifié?
Dans son sens étymologique, et non dans le sens moderne modifié de nation
civique, le mot nation, emprunté au latin natio, signifie naissance ou :
ensemble d’individus nés en même temps dans le même lieu. Avec un autre
sens du latin, nation renvoie à un ensemble d’êtres humains caractérisés
par une communauté d’origine, de langue et de culture (1175), en
concurrence avec race.
Comme nous venons de le voir, cette concurrence avec le mot race a perduré
jusqu’au XXe siècle. Pour ce qui est du mot ethnie, il signifie dans son
sens étymologique : groupe, nation, peuple, qui se rattache à la racine
indoeuropéenne swedh, swe, se (se, soi), indiquant ce qui existe de manière
autonome, ce qui a une existence propre. Ethnie est un dérivé savant (1896)
du grec ethnos au sens de classe d’êtres d’origine et de condition
communes; le mot désigne un ensemble d’individus qui ont en partage un
certain nombre de caractères de civilisation, notamment linguistiques.
Les mots nation et ethnie sont donc effectivement synonymes et signifient
aussi peuple, du latin populus, mot qui, cependant, est à rapprocher au
sens plus vague et général de population. De nos jours, à cause du
faux-concept de nation civique qui domine et qui cherche à s’imposer
unilatéralement dans la pensée politique, nous devons parler de nation
ethnique ou de nation organique pour respecter le sens premier du mot
nation.
Pour ce qui est du mot race qui est devenu tabou de nos jours dans les
sociétés occidentales, les notions d’ethnie et de nation l’incluent
évidemment puisque les individus faisant partie d’une même nation ou d’une
même ethnie naissent dans un même lieu  ce qui fait référence à la
patrie  et partagent une origine commune. Pour être juste, complète
et fidèle à son étymologie, la définition de la nation et de l’ethnie doit
donc absolument inclure la race, comme en témoigne la définition du mot
ethnie dans le Larousse du XXe siècle (1929) : « groupement naturel
d'individus de même race et de même culture : l'ethnie française déborde en
Suisse, en Belgique, au Canada ». L’ethnie canadienne-française, « une
variété dans la famille française » disait Lionel groulx, est donc de race
blanche et de culture française.
Les caractères raciaux d’un individu, donc, ses caractéristiques
physiques, sont une composante incontournable de son identité ethnique. Les
asiatiques sont différents des africains, cela tient de l'évidence même, et
les individus qui composent une nation ethnique possèdent des caractères
physiques communs.
Une classe d'êtres d'origine et de condition communes est un groupement
d'individus de même race et de même culture, et vice versas. Le
dictionnaire Quillet-Grolier (1967) donne aussi cette juste définition de
l'ethnie conforme à l'étymologie : « groupement humain caractérisé par
l'ensemble de ses caractères somatiques, linguistiques, culturels et
mentaux ».
Autrefois l'on confondait volontiers mais faussement le mot race avec
celui d’ethnie et de nation. En biologie, la race est la variété d'une
espèce dont les caractères particuliers sont persistants et transmis
héréditairement ou encore dans sa définition courante, l'ensemble des
ascendants et des descendants d'une famille, d'un peuple. On parlait par
exemple, comme nous l’avons vu, des races anglaise et française. Mais, en
réalité, l’ethnie n’est pas la race et la race n’est pas l’ethnie :
l'ethnie diffère de la race en ce que celle-ci est déterminée seulement par
les caractères somatiques de l'individu, alors que celle-là comprend tous
les caractères humains, qu'ils soient somatiques, linguistiques ou
culturels.
L'hérédité est bel et bien génétique et constitue ce qu'on appelle la race
qui elle, est une des composantes de la nation ethnique ou organique. La
nation frankoise est une communauté de personnes possédant les origines
génétiques de la race blanche – un groupement naturel d'individus de même
race – et les traits culturels similaires de la civilisation française –
un groupement d'individus de même culture –.
Si nation est synonyme d'ethnie, race n'est donc pas synonyme de nation ou
d'ethnie puisqu’elle est seulement une composante de la nation ethnique.
Ainsi, il donc inexact et faux de prétendre comme le font les
nationalistes modernes québécois, les fédéralistes québécois et les
anglo-saxons canadiens et les Canadians en général, que « l'ethnie [...]
n'a rien à voir en soi avec les caractéristiques physiques ou le patrimoine
génétique des individus qui en font partie », que « l'hérédité ethnique est
culturelle et non génétique », qu’il faudrait, selon le sociologue Fernand
Dumont, « oublier le mot ethnique, car la nation est essentiellement une
réalité culturelle ».
En Occident, à cause de Hitler qui a traîné la notion de nation ethnique
dans la boue, on a démonisé cette notion et réussit à l’identifier comme un
mal à éradiquer. Non sans raison, elle est aujourd’hui associée au mal et
aux ténèbres. Mais, détruire une notion sous prétexte qu’elle serait fausse
alors qu’elle est objectivement vraie, ou vouloir l’éradiquer parce qu’elle
ne fait pas notre affaire, n’est pas réaliste et relève de l’utopie. Il est
temps que cesse cette aberration au sujet de la nation ethnique, une
aberration coupable de grandes confusions sociales, et que la vérité soit
enfin pleinement reconnue au niveau de la pensée, de la parole et de
l’action. Si les hommes ont détruit la noblesse de sens du mot ethnie, cela
n’a rien à voir avec la vérité de sa réalité qui doit être assumée
puisqu’il est évident que nous ne vivons pas entre ciel et terre et que
tous les êtres humains ont une origine ethnique. Cela, nos ancêtres et tous
les êtres humains de la terre le reconnaissaient jadis intuitivement et
considéraient ce fait comme une évidence; ce qui n’est plus le cas pour
l’Occident depuis plusieurs siècles déjà.
Autrement dit, depuis que l’intellect est devenu le maître incontesté du
monde matériel, depuis qu’il a pris le pas sur l’intuition, l’évidence des
lois naturelles est devenue quelque chose qu’il lui faut prouver
intellectuellement. Afin que l’être humain atteigne la pleine maturité sur
cette terre, certaines conditions organiques doivent prévaloir, conditions
qui, autrefois, étaient observées et reconnues simplement, naturellement,
intuitivement, mais qui, au XXIe siècle, doivent maintenant être reconnues
et approuvées cérébralement pour être crédibles parce que notre intuition
 notre voix intérieure  a perdu de sa force à un point tel
qu’elle n’a plus de crédibilité au jugé et au profit d’un intellect
tyrannique hyperdéveloppé.
La nation ethnique est donc loin d’être une idée abstraite, comme
l'affirme la politologue Esther Delisle: « Pour moi, dit-elle, il y a des
groupes humains, mouvants, continuellement en transformation, mais dont les
nationalistes voudraient figer les caractéristiques ». Cette vision est
objectivement fausse. Car de nos jours, à moins de vivre en autarcie
géographique presque complète comme par exemple les Japonais des siècles
passés et nos ancêtres Français, il n’est plus possible de vivre une pure
ethnicité qui serait, si cela peut être possible, complètement à l’abri des
influences étrangères. C'est plutôt le contraire qui est juste : à partir
des caractéristiques ethniques qui leurs sont propres, les groupes humains
sont mouvants et continuellement en relation avec le monde extérieur qui
conditionne leur évolution.
Malgré leur originalité ethnique, les Canadiens-Français ne sont jamais
parvenus à se soustraire complètement aux déterminations qui, en Amérique
du Nord, ont affecté au même moment toutes les autres communautés. Tout en
demeurant eux-mêmes parce qu’ils « ont conservé ce trait caractéristique de
leurs pères, cette puissance énergique et insaisissable qui réside en
eux-mêmes », les Canadiens-Français étaient ouverts au monde. D’ailleurs,
à moins d’avoir été un peuple schizophrène, il eût été impossible pour eux
de s’isoler des influences humaines étrangères. La mentalité moderne
occidentale a démonisé et dénaturé la noble notion de l’ethnicité pour la
remplacer par le concept de l’ethnicisme.
Il y a une grande différence entre l’ethnicité et l’ethnicisme, son avatar
maléfique, il y a même opposition. Or, au XXIe siècle, c’est à partir du
concept « ethnicisme » – dont le point culminant a été atteint avec le
nazisme –, que l’on évalue la nation ethnique. Il n’est donc pas surprenant
que les Frankois, qui forment une nation ethnique dans le sens noble du
terme, soient sujets à des accusations de racisme non-fondées.
La naissance, le développement et la floraison de la nation ethnique fait
partie intégrante des lois de la Création, lois que l’être humain doit
s’efforcer de comprendre et de respecter afin de s’adapter à son court
passage sur Terre. La nation ethnique doit servir de fondement social à sa
maturation spirituelle sur terre dans le cadre de laquelle son activité
personnelle peut pleinement se déployer. La Beauté des peuples devient
manifeste lorsqu’ils sont conduits par une pensée unitaire, une pensée non
pas unique mais qui unit, c’est-à-dire lorsque les individus qui composent
l’ethnie vibrent et regardent ensemble dans la même direction. La majorité
des dirigeants de peuples en Occident sont aujourd’hui tous coupables
devant le Créateur, car ils portent atteinte aux lois de l’évolution
humaine en ignorant le sens profond, spirituel, de la nation ethnique.
Depuis 1960, et progressivement jusqu’en ce début du XXIe siècle, les
nationalistes modernes québécois ont de plus en plus renié leur origine
ethnique jusqu’à en faire complètement abstraction .
Comme l’a écrit Jacques Grand’Maison : « On ne peut faire une rupture
historique aussi radicale et jouer à ce point l’utopie de la table rase
sans un profond traumatisme non seulement collectif, mais aussi jusqu’au
fond des consciences […] Le fait qu’on ait rayé l’enseignement de
l’histoire dans nos écoles publiques pendant un bon moment est un autre
effet pervers du refus global avec son illusoire utopie de la création ex
nihilo. Ce qu’aucune autre société n’a fait […] L’idéologie du changement
conçue en termes de pure rupture innovatrice. Allez donc dire que J. S.
Bach est complètement dépassé. Le ground zero quoi! C’est ainsi qu’on finit
par perdre de vue l’histoire de ce petit peuple francophone qui a maintenu
depuis plus de trois siècles sa singularité culturelle identitaire au
milieu d’un vaste continent anglophone. Entre cette conscience historique
et la démission actuelle, que s’est-il passé pour en arriver à une pareille
dérive? Plusieurs se posent la question. Mais combien s’interrogent sur la
portée mortifère du refus global d’hier et de l’utopique création ex nihilo
d’un Québec moderne qui a balayé d’un revers de la main toute référence au
Canada français historique, culturel et religieux. Quand on fait une
impasse aussi totale sur la moindre filiation historique, on se plonge dans
une crise identitaire même si on prétend le contraire. »
Comme Lionel Groulx l’exprima si bien dans L’avenir de notre bourgeoisie :
« Canadiens-Français, si nous ne pouvons l’être que d’une façon qui
équivaut à ne pas l’être, qu’attend-on en haut lieu, qu’attendent nos chefs
pour le dire et pour nous commander de disparaître? » En d’autres mots,
pour que cesse l’épuisant et tortueux combat national, l’émiettement de nos
forces vives engagées dans une lutte stérile, improductive et coûteuse,
Groulx, sans le demander implicitement, s’interrogeait et posait une
question que plusieurs ruminaient : ne vaudrait-il pas mieux fermer le
robinet de nos doléances et nous fondre dans le melting pot américain? »
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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