Après avoir accusé un sérieux retard, les travaux d’exploration pétrolière sur l’île d’Anticosti sont désormais amputés de quatre des forages prévus à l’origine, a appris Le Devoir. Selon Pétrolia, ils ne seraient pas nécessaires. Mais un spécialiste de la question évoque plutôt un dépassement des coûts estimés au départ pour ces forages financés à majorité par l’État québécois.
Les informations recueillies sur l’avancement des travaux sur Anticosti indiquent ainsi que quatre des forages prévus ont été tout simplement « annulés ». Ils faisaient partie des 18 prévus lors du lancement de cette nouvelle campagne d’exploration, en 2014. La liste la plus récente compte toutefois 20 sites à forer, alors que la carte officielle en compte 19.
Trois des forages retirés de la liste des travaux devaient être réalisés dans la partie ouest de l’île, soit dans la portion où se situe également Port-Menier, le seul village d’Anticosti. Parmi ces forages, un se situe non loin du site d’un autre forage réalisé en 1962 et qui avait permis de découvrir des « indices » de pétrole. Un quatrième se trouve à la pointe est de l’île.
Pourquoi avoir annulé ces forages ? Au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, on a simplement indiqué que la décision appartient à Hydrocarbures Anticosti S.E.C., une entreprise formée par Ressources Québec, Pétrolia et Corridor Resources. La filiale d’Investissement Québec injecte 56,7 millions de dollars dans ces forages. Une autre tranche de 43,3 millions est financée par Saint-Aubin, filiale de la société française Maurel et Prom.
Le directeur aux affaires publiques et gouvernementales chez Pétrolia, Jean-François Belleau, a pour sa part souligné que les forages annulés n’étaient tout simplement pas nécessaires. « Au vu des résultats satisfaisants à ce jour, les objectifs ont été atteints. Ces résultats permettent ainsi de réduire le nombre de sondages nécessaires », a-t-il répondu par courriel.
M. Belleau a ainsi rappelé que l’objectif de cette première série de forages est de « procéder à une reconnaissance et à une caractérisation géologique de la formation de Macasty ». C’est dans cette formation située à plus de 1000mètres de profondeur que se trouverait le pétrole de schiste d’Anticosti.
« La finalisation de cette première phase de travaux permettra, une fois l’obtention de tous les permis nécessaires, de préparer la seconde phase prévue à l’été 2016 », a précisé M. Belleau. Selon le calendrier actuel des travaux, trois forages horizontaux avec fracturation devraient alors être réalisés. Cette technique de forage n’a jamais été tentée au Québec dans le cadre de travaux d’exploration pétrolière.
Retards majeurs
Ces forages avec fracturation devaient normalement être menés en 2015. Or, les travaux sur l’île ont pris beaucoup de retard l’an dernier, de sorte que seulement 5 des 18 forages prévus en 2014 ont été réalisés. Cela impose de repousser les forages horizontaux d’une année. Fait à noter, ceux-ci ne seront donc pas inclus dans l’évaluation environnementale stratégique (EES) menée par Québec pour étudier les impacts de telles opérations.
L’ingénieur en géologie Marc Durand, qui a étudié le cas d’Anticosti, estime d’ailleurs que les retards accumulés pourraient expliquer l’abandon pur et simple de quatre forages. « Quand il y a des retards, il y a toujours des coûts additionnels », a-t-il souligné. Il n’est pas surpris de ces délais supplémentaires. « C’est le genre de situation qu’on peut retrouver dans toute campagne du genre, en raison des impondérables qui surviennent lors des travaux sur le terrain. Et il faut dire que l’an passé, la campagne avait très mal débuté. »
Au-delà de ces retards sur le terrain, M. Durand réitère que la ruée vers l’hypothétique gisement pétrolier de la plus grande île du Québec ne devrait pas s’avérer fructueuse. « Je ne crois pas qu’un pactole sera découvert avec cette nouvelle campagne. En fait, personne n’a trouvé le pactole en forant sur Anticosti. La décision logique du gouvernement devrait donc être de tout arrêter. »
Selon lui, si le potentiel était réel et commercialement exploitable, une entreprise privée se serait montrée intéressée par l’idée d’investir les 100 millions de dollars dépensés pour les travaux en cours. Après tout, le potentiel identifié dans une étude de la firme Sproule évalue que le sous-sol de l’île pourrait renfermer quelque 40 milliards de barils de pétrole de schiste.
Aucun gisement pétrolier n’a jusqu’ici été découvert sur Anticosti, malgré des décennies de recherches financées notamment par l’État québécois. Même Shell a investi dans des forages dans les années 1990, sans succès.
Quatre forages annulés sur Anticosti
Un ingénieur en géologie évoque un dépassement des coûts estimés au départ pour les forages de Pétrolia
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