En pleine torpeur estivale, alors que la grande majorité des Québécois étaient davantage occupés à courir la fraîcheur qu’à prendre connaissance des dernières informations, le Journal de Montréal annonçait samedi que les honoraires d’avocat payés par Hydro-Québec pour le compte de son conseil d’administration étaient passés de 11 000 $ à 635 000 $ en un an. Et même si les Québécois avaient été à l’affut, les chances sont grandes que la nouvelle leur serait passée 6 pieds au-dessus de la tête !
En effet, il faut bien connaître le monde des affaires, l’usage qu’il fait des avocats, les tarifs que pratiquent ces derniers et les astuces des conseils d’administration pour restreindre toute communication d’informations stratégiques ou délicates, pour comprendre qu’en 2017, la haute direction d’Hydro-Québec a entrepris des grandes manœuvres sans doute encore en cours.
Lorsqu’une grande entreprise comme Hydro-Québec qui dispose d’un très important contentieux (un cabinet d’avocats interne) choisit de confier des mandats à l’extérieur, c’est généralement ce contentieux qui confie les mandats aux avocats des cabinets externes. Lorsque cela se produit, c’est généralement parce que le contentieux est surchargé, qu’il ne possède pas en son sein l’expertise nécessaire dans un domaine donné du droit, ou dans le but d’éviter tout risque ou apparence de conflit d’intérêts.
Or chez Hydro-Québec, la haute direction est bicéphale. Il y a un conseil d’administration présidé par une personne autre que le président-directeur général auquel siège ce dernier, et il y a une direction générale à la tête de laquelle se trouve le PDG.
C’est donc la haute direction d’Hydro-Québec qui a décidé de confier des mandats à des cabinets d’avocats externes, très vraisemblablement sur la recommandation du PDG comme c’est généralement le cas. Et la raison pour laquelle ces mandats ont été accordés à ces cabinets externes était qu’ils soulevaient des questions stratégiques si délicates que le conseil d’administration estimait préférable de ne pas les confier au contentieux de l’entreprise pour éviter tout risque de communication à l’interne d’une information jugée trop sensible pour être prématurément partagée avec les employés, question de ne pas lancer la machine à rumeurs sur des projets qui pouvaient encore n’être qu’hypothétiques.
Quand on examine le genre de projets qui peuvent justifier de prendre de telles précautions, on retrouve la vente d’actifs stratégiques comme celle du moteur TM4 à l’équipementier américain Dana il y a quelques semaines, une fusion comme celle qui avait été envisagée avec Énergie Nouveau-Brunswick en 2009 et 2010 par le gouvernement Charest, ou... une privatisation partielle ou totale dont rêve l’Empire Desmarais depuis le retour des Libéraux au pouvoir après les années Lévesque en 1985.
Sans avoir d’indications précises sur la nature du, ou des, projet(s) que caresse la haute direction d’Hydro-Québec, on doit se rabattre sur les compétences établies et reconnues des cabinets choisis pour tenter de se faire une idée.
On ne réunit pas une telle force de frappe pour regarder pousser les topinambours !
Ainsi, le cabinet Norton Rose Fulbright est un des plus anciens et des plus prestigieux cabinets de Montréal, à l’origine surtout anglophone, désormais affilié à un grand réseau international dont il a pris le nom. Il est très présent, entre autres, dans les secteurs des institutions financières, de l’énergie, des infrastructures, de la technologie et de l’innovation.
Pour sa part, le cabinet Osler, Hoskin & Harcourt est à l’origine un cabinet de Toronto qui s’est établi à Montréal dans les années 2000, si ma mémoire est fidèle. Le cabinet fut fondé en 1862 par Britton Bath Osler qui allait, une vingtaine d’années plus tard, en 1885, à titre de procureur spécial de la Couronne, réclamer la tête de Louis Riel lors de son procès pour trahison.
Aujourd’hui, le cabinet Osler se qualifie de « chef de file dans le domaine des affaires ». Selon son site, il se spécialise dans les fusions et les acquisitions, le financement d’entreprises et la fiscalité au niveau national et transfrontalier, de même que dans le secteur de l’énergie, et notamment dans les énergies renouvelables et l’éolien.
Pour l’aider dans le développement de sa clientèle au Québec, il a recruté à titre de conseillère spéciale Monique Jérôme (la sacoche) Forget, l’ancienne ministre des Finances dans le gouvernement Charest. Notons que Mme Jérôme-Forget n’est pas elle-même avocate.
En plus de porter une lourde responsabilité dans la réingénierie de l’État et la mise en place des partenariats publics-privés, elle porte l’odieux de la réforme du mandat de la Caisse de dépôt à l’origine de ses pertes énormes en 2008, et s’est retrouvée en 2016, au cœur d’une dans une controverse en tenant des propos scandaleux sur la SIQ dont elle avait été la ministre responsable sous Jean Charest. Un article de Droit Inc. résume bien l’affaire :
Osler garde Jérôme-Forget !
Par : Julien Vailles | Le : 2016-11-09 14h00
Malgré ses récentes déclarations sur la SIQ, l'ancienne ministre Monique Jérôme-Forget reste chez Osler comme conseillère spéciale…
Monique Jérôme-Forget a été ministre des Finances sous le gouvernement Charest.
Agrandir Monique Jérôme-Forget a été ministre des Finances sous le gouvernement Charest.
« C'est une gang de pas bons! C'est pas prestigieux! » avait laissé tomber Mme Monique Jérôme-Forget au sujet de la Société immobilière du Québec (SIQ), ancêtre de la Société québécoise des infrastructures (SQI).
L'ancienne présidente du Conseil du Trésor, puis ministre des finances sous le gouvernement Charest, avait tenu ces propos lors du dernier reportage de l'émission Enquête, ajoutant du même souffle que les activités de la SIQ ne l'intéressaient absolument pas.
Le reportage en question allègue qu’un ancien dirigeant de la SIQ et des collecteurs de fonds du parti libéral du Québec auraient fraudé la SIQ pour un montant de deux millions de dollars, ce qui en ferait la fraude la plus importante dans une société d’État.
Les propos de l’ex-politicienne libérale ont outré les employés de la SQI et ont provoqué un tollé dans les médias.
François Bourque, chroniqueur au Soleil, s'indigne devant ce qu'il considère être un « mépris de l'argent public ». Richard Martineau trouve ces propos « hallucinants »; Josée Legault considère « révoltante » cette réaction « à la Marie-Antoinette ».
Tout cela ne semble pas avoir offusqué le cabinet Osler, Hoskin & Harcourt, où Mme Jérôme-Forget est conseillère spéciale depuis son retrait de la politique, en 2009.
Me Shahir Guindi, l’associé directeur du bureau de Montréal, l’a d’ailleurs confirmé à Droit-inc. Il assure que toute cette controverse n'affecte en rien la relation entre Mme Jérôme-Forget et le cabinet. « Elle demeure un membre important du cabinet et rien n'est changé », affirme-t-il.
Osler ne voulait manifestement pas se priver d’une ressource aussi bien « connectée ».
Le troisième cabinet à s’être vu confié un, ou des, mandat(s) par Hydro-Québec est BCF. Il s’agit d’un cabinet francophone dont l’histoire remonte aux années 1990 et qui a connu une croissance fulgurante, passant de 9 avocats à 220 depuis lors. Il se spécialise en droit des affaires.
L’ancien ministre Libéral Yves Séguin vient tout juste de se joindre à ce cabinet à titre de conseiller stratégique en développement des affaires. Rappelons qu’Yves Séguin est le conjoint de Me Marie-José Nadeau, longtemps vice-présidente principale d’Hydro-Québec, et toujours lourdement impliquée dans les dossiers énergétiques, notamment à titre de membre du CA d’ENGIE, l’ancienne GDF-Suez dans laquelle l’Empire Desmarais a été lourdement engagé.
Le dernier cabinet est Davies Ward Phillips & Vineberg, né de la fusion des cabinets Davies Ward de Toronto et Phillips & Vineberg de Montréal, spécialisé en droit des affaires et notamment en fiscalité. Qu’il suffise de mentionner que c’est le cabinet qui a accueilli Lucien Bouchard lorsqu’il a quitté la politique en 2000.
Rappelons également que Lucien Bouchard fut l’un des proches de Paul Desmarais père et qu’il a joué un rôle important dans l’occultement des faits entourant les pertes de la Caisse de dépôts en 2008, et qu’il représentait Pétrolia, détenue en sous-main par les intérêts Desmarais, dans ses négociations avec le gouvernement Marois avant le déclenchement des élections en 2014.
D’aucuns prétendent que Bouchard se serait considérablement enrichi depuis qu’il a quitté la politique. Un site anglophone apparemment très bien renseigné va même jusqu’à établir sa fortune personnelle à 54 352 848 $ !
Voilà donc le bel aréopage qu’a réuni le conseil d’administration d’Hydro-Québec pour l’assister dans la préparation de ses projets. C’est du lourd qui se prépare, du très lourd ! On ne réunit pas une telle force de frappe pour regarder pousser les topinambours !
Y’a d’la privatisation dans l’air !
Y’a d’la privatisation dans l’air ! Couillard n’avait-il pas lui-même évoqué une telle privatisation après son élection en 2014 ? Rappelons qu’il évoquait encore ces jours derniers celle de la SAQ.
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7 commentaires
Marc Huber Répondre
9 septembre 2018En pondant un texte sur les relations publiques, j'ai du me pencher sur le cas Micheal Penner en suivant le vent de suggestions et mon instinct... Cette ami de P Couillard est à la présidence de HQ depuis le 8 octobre 2014. Le 22 mai 2017, il accompagnait Couillard en Israel, pour signer un contrat de cybersécurité avec Israel Electric Corporation. Un contrat qui reste secret, malgré les demandes répétés d'intéressés. Je crois que ce contat devrait être dévoilé avant les élections. Il est peut être une explication au dépenses en frais d'avocats.
Lucien Beauregard Répondre
4 août 2018Le 4 Août 2018
Imaginons que, suite au jugement dela Cour Suprême du Canada, Hydro-Québec soit obligé de remettre à Terre-Neuve plus de 40 milliards.
À moins de puiser dans le plantureux fond de pension de ses retraités, Hydro-Québec ne sera pas capable de rembourser rapidement une telle somme.
Profitant d’une telle conjoncture, ne serait-ce pas là une belle occasion d’affaire pour un puissant investisseur de rembourser lui-même cette somme et d’obtenir en retour la totalité des actifs d’Hydro-Québec ?
Au chapitre de la privatisation d’Hydro-Québec, Richard Le Hir, dans son article du 30 juillet sur le Site de Vigile Québec, fait une allusion aux intérêts que la famille Desmarais pourrait avoir dans ce dossier.
https://vigile.quebec /articles/que-se-cache-t-il-derriere-l-augmentation-siderale-des-honoraires-d-avocats-
Pour revenir àla Cour Suprême , le jugement devrait être rendu au cour des prochaines semaines, car l’audition a eu lieu il y a maintenant plus de huit mois.
C’est le dossier CSC 37238, opposant Hydro-Québec à la province de Terre-Neuve dans le litige du Contrat de Churchill Falls.
Espérons seulement que le temps de réflexion que s’accordeLa Cour Suprême ne soit pas perturbé par des manœuvres mercantiles sédicieuses.
Lucien Beauregard, ing
Sainte Julie
Martin Pelletier Répondre
1 août 2018Le site anglophone soutient que Bouchard est.... acteur! Ca ne fait pas très sérieux
https://networthroom.com/news/lucien-bouchard-net-worth-bio-2/
Source of income: Actors.
Et il ne fournit qu'une seule source: *The information was submitted by our reader Boycey. If you have a new more reliable information about net worth, earnings, please, fill out the form below.
Par contre on sait que Lucien a le crayon pesant. Si on savait combien de temps il a mis là-dessus, on aurait une idée de son taux horaire, et de là son revenu annuel
Rappelons qu'il est retourné au droit en 2001.
https://www.journaldemontreal.com/2015/03/03/lucien-bouchard-merite-son-500-000--dit-couillard
Lucien Bouchard mérite son 500 000 $ et est la meilleure personne pour résoudre le conflit qui oppose Produits forestiers Résolu et les communautés Cries et Innus du Lac-Saint-Jean, estime Philippe Couillard.
Martin Pelletier Répondre
31 juillet 201854 millions pour un petit avocat de Chicoutimi qui trouvait le salaire des gars d'Olymel tellement élevé qu'il les a coupés de 25%
Résultat, les Québécois ne veulent plus travailler là et on va chercher des Africains pour faire la job
http://www.tvanouvelles.ca/2018/07/29/olymel-accueille-une-deuxieme-vague-de-travailleurs-etrangers
http://www.tvanouvelles.ca/2018/03/17/les-premiers-travailleurs-etrangers-engages-par-olymel-sont-arrives
Jean Lespérance Répondre
30 juillet 2018Quand on fait affaire avec un contentieux de l'extérieur et qu'on est une grande institution, c'est qu'on prépare quelque chose de louche et qu'on ne veut pas que les employés de la place le sachent. Si en plus on fait affaire avec trois contentieux de l'extérieur, c'est qu'on prépare le coup du siècle. Et on va s'y prendre en 3 étapes. Cela me rappelle le contrat des compteurs d'eau de la ville de Montréal sous l'ancien maire, le calife Gérald Tremblay qui avait soumis le contrat à un contentieux de l'extérieur. On a vu pourquoi.
Le contentieux d'Hydro-Québec est largement qualifié pour rédiger n'mporte quel contrat si gros soi-il. Si je dis 3 étapes, c'est que je devine la magouille et je pourrais pratiquement décrire le processus mais je ne veux pas le faire pour ne pas leur donner des idées. Le seul fait de prétendre nous faire un cadeau en nous pénalisant sur les heures de pointe tout en nous disant qu'on va réduire notre facture si on utilise l'électricité en dehots de ces mêmes heures de pointe me rend sceptique. Depuis quand Hydro-Québec nous fait des cadeaux? Cette grande entreprise après être devenue le fleuron de la province de Québec n'a fait que de nous déposséder en privatisant en cachette.
On fait rédiger des contrats avec un langage tortueux dans lequel le commun des mortels n'y comprend rien et on éloigne les gens honnêtes pour faire passer le contrat. Il y a un principe que tout le monde peut vérifier, là où il y a le plus d'argent, c'est là où il y a le plus de fraudes.
Merci Monsieur Le Hir de nous mettre en garde sur ce qui se prépare, on ne le dira jamais assez les dirigeants d'Hydro-Québec ne sont pas fiables, on doit s,en méfier comme des serpents.
Jean-Claude Pomerleau Répondre
30 juillet 2018« Y a de la privatisation dans l'air » Dites-vous.
Oui et depuis longtemps :
En fait, le régime libéral a entrepris depuis 2003 la privatisation à la pièce des filières énergétiques d'Hydro-Québec.
Le gouvernement libéral a forcé Hydro-Québec à signer avec le privé des contrats à long termes d’achat d’électricité à hauteur de 40 milliards.
Électricité qu'Hydro-Québec n'avait pas besoin, payé à prix gonflés : un trop payé de 10 milliards !
Autant d'argents pigés dans nos poches et transférés aux amis du régime.
Démonstration : http://cccorruption.com/ dossier-hydro-quebec/
Alain Paquin Répondre
31 juillet 2018Tout à fait. Nous n'avons qu'à examiner de plus près les contrats de location de centrales d'énergie dans la région de Bécancour sans oublier l'obligation d'acheter l'électricité produite par les parcs d'éoliennes à un prix de loin supérieur au prix de production d'Hydro-Québec quand nous savons très bien qu'Hydro-Québec produit déjà trop d'électricité. En plus de toutes ces dépenses illogiques sinon frauduleuse en y ajoutant les salaires des hauts-dirigeants toujours à la hausse, les bonus versés aux cadres (aucune compétition), HQ continue, année après année, à demander des augmentations de tarif afin de maintenir ou d'augmenter les portions $$$ allant dans les coffres du gouvernement (une sorte de taxe déguisée comme dans toutes les sociétés d'état). Totalement intolérable le gaspillage de fonds publiques et de plus, beaucoup de cet argent se retrouve dans les poches (directement ou indirectement) des petits amis du régime incluant des politiciens ou ex-politiciens. La journée qu'on aura un parti politique avec des membres responsables, imputables, redevables et avec une obligation d'avoir un budget équilibré tout en réduisant la dette accumulée, ça sera une superbe journée mais présentement, ce parti politique n'existe pas.