Québec - Même si la santé est sa «première» priorité, le gouvernement Charest n'a pas alloué la totalité de la hausse des transferts fédéraux pour la santé à ce secteur entre 2003 et 2006, détournant 152 millions à d'autres fins. Résultat: le Québec, qui occupe le dernier rang des provinces pour ses dépenses en santé par habitant depuis 2002-03, ne consacre plus que 87,9 % des sommes que l'Ontario consent à la santé par habitant. Ce pourcentage atteignait 95,4 % avant la prise de pouvoir des libéraux.
C'est ce qui ressort des données de l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS) et du ministère des Finances du Canada, ainsi que de l'étude des crédits du gouvernement du Québec effectuée par l'opposition officielle.
Selon l'ICIS, les dépenses publiques du Québec en santé par habitant s'élèvent à 88 % des sommes consenties par les autres provinces en moyenne. Ce pourcentage se situait à 92,4 % en 2002-03, soit avant l'arrivée des libéraux.
C'est donc dire que les autres provinces, toutes proportions gardées, ont augmenté leur budget pour la santé plus fortement que le Québec. Pour la plupart, elles ont dépensé davantage que les sommes additionnelles qu'Ottawa leur a versées en vertu des ententes sur le financement fédéral de la santé, contrairement à ce qui s'est passé au Québec. Selon l'ICIS, les budgets que le gouvernement Charest a consacrés à la santé ont augmenté en moyenne de 5,3 % par an depuis 2003 alors que ce pourcentage est de 8,1 % en Ontario et de 6,8 % pour l'ensemble des provinces.
À leur arrivée au pouvoir, les libéraux de Jean Charest ont accru les dépenses en santé de 1,154 milliard, ou de 6,5 %, une croissance jamais égalée depuis. En vertu de l'entente sur la santé signée par le gouvernement précédent avec Ottawa, Québec pouvait compter sur un accroissement des transferts fédéraux en santé de 402 millions en 2003-04, mais le gouvernement Charest a choisi d'y ajouter 800 millions qui étaient réservés à l'année suivante. Grâce à la manne en provenance du gouvernement fédéral, le gouvernement Charest a pu faire cet investissement sans verser un sou de plus de ses revenus autonomes. Il a même affecté cette année-là 54 millions du transfert fédéral en santé aux autres missions de l'État.
Le même manège s'est produit les deux années suivantes. En 2004-05, Québec a augmenté ses dépenses en santé de 1,037 milliard alors qu'il a reçu une somme supplémentaire de 1,061 milliard en transfert pour la santé (déduction faite des 800 millions utilisés l'année précédente). C'est 24 millions de l'argent versé par le fédéral qui est allé ailleurs.
En 2005-06, le budget de la santé a connu une hausse modeste de 749 millions, ou 3,7 %, une croissance inférieure à l'augmentation structurelle des dépenses du réseau de la santé, qui est de l'ordre de 5 à 6 %. Cette année-là, c'est 80 millions qui ont été dépensés pour d'autres fins que la santé.
De 2003 à 2006, le gouvernement Charest a donc affecté à d'autres postes budgétaires un total de 152 millions du fruit des ententes sur le financement fédéral de la santé. Pendant cette période, il a reçu une somme supplémentaire de 3,092 milliards de la part d'Ottawa en vertu des deux ententes de 2002 et 2004.
Le gouvernement Charest n'a pas engagé de ses propres fonds à la santé comme les libéraux s'y étaient engagés lors de la campagne électorale de 2003, ce que déplore la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, Louise Harel. «Les libéraux n'ont pas respecté leurs engagements en santé», a-t-elle souligné. La députée estime que les problèmes actuels du système de santé, qu'il s'agisse de la persistance des listes d'attente, de l'engorgement des urgences ou du manque d'accès aux soins de première ligne, sont la conséquence directe d'un sous-investissement. «La problématique de l'urgence, c'est l'échec de la première ligne», a-t-elle affirmé.
Mme Harel a rappelé que le programme électoral du Parti libéral du Québec en 2003 prévoyait une croissance annuelle de 5,1 % des crédits à la santé pour couvrir l'augmentation structurelle des coûts. Mais à cette hausse qui ne fait que maintenir les services au même niveau s'ajoutaient des investissements pour réduire les listes d'attente, désengorger les urgences, offrir des soins de première ligne 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Pour ce faire, les libéraux prévoyaient de puiser à même les revenus autonomes du gouvernement et accordaient à la santé la totalité des nouveaux transferts fédéraux.
Si la plate-forme électorale s'était appliquée, le gouvernement Charest aurait alloué au ministère de Philippe Couillard 1,198 milliard de ses propres fonds et 1,009 milliard en nouveaux transferts fédéraux en 2004-05, pour un total de 2,207 milliards. L'année suivante, les dépenses en santé se seraient élevées à 2,777 milliards, dont 1,284 milliard en provenance du trésor québécois.
Pour l'année en cours, l'investissement supplémentaire serait passé à près de trois milliards. En réalité, le gouvernement Charest dépensera cette année 1,3 milliard de plus en santé, dont 450 millions en équité salariale. Si on fait abstraction de l'équité salariale, le budget de la santé augmentera de 4,1 % en 2006-07, soit 1 % de moins que la croissance nécessaire pour maintenir les services actuels et répondre à la demande courante.
Québec a détourné des fonds fédéraux
152 millions destinés à la santé ont été utilisés à d'autres fins
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