Le premier ministre Couillard a suffisamment d’expérience pour savoir que les fuites font partie du quotidien d’un gouvernement et que le phénomène tend généralement à s’amplifier à l’approche d’une nouvelle ronde de négociations avec les employés de l’État.
On aura beau invoquer le devoir de confidentialité des fonctionnaires, plusieurs d’entre eux en arrivent inévitablement à confondre, souvent avec bonne foi, la protection de leurs conditions de travail avec la défense du « modèle québécois », qui serait de nouveau menacé en raison d’un préjugé défavorable envers l’État, que les libéraux tenteraient de maquiller en opération strictement budgétaire, totalement dépourvue de tout caractère idéologique.
Chaque fois qu’il en a l’occasion, M. Couillard souligne la grande qualité des employés du secteur public, qui ont à coeur le bien-être de la population, même si leur rémunération n’est pas toujours à la hauteur. Il ne faut donc pas se surprendre qu’ils acceptent mal des directives dont ils sont bien placés pour mesurer les effets négatifs sur la qualité des services qu’on leur demande de rendre ou d’administrer, que ce soit l’aide au devoir, les garderies ou les congés parentaux.
D’ailleurs, contrairement à ce qu’a prétendu le premier ministre, ces fuites ne concernent pas que les services, mais aussi les changements de structures qui sont envisagés. Comment s’étonner si des gens qui ont consacré une partie de leur vie à tenter d’affirmer la personnalité internationale du Québec s’émeuvent à la perspective de voir le ministère des Relations internationales relégué au rang de simple secrétariat ?
On comprend que M. Couillard soit agacé de devoir commenter quotidiennement une nouvelle rumeur inquiétante, mais il récolte ce qu’il a semé. Son gouvernement a convié les Québécois à un « dialogue social » sur la révision des programmes sans dire ce qu’il avait lui-même en tête, sinon pour répéter ad nauseam que « tout est sur la table ». Il n’est pas étonnant que certains se chargent d’informer la population de ce qui se trame dans les officines ministérielles.
Mercredi, le premier ministre, excédé, a carrément refusé de répondre aux questions des médias sur la rumeur du jour, rapportée par Le Journal de Québec, selon laquelle les agences de santé pourraient être abolies.
Il est plus délicat de refuser de répondre à celles de l’opposition. À l’Assemblée nationale, la ministre de la Culture, Hélène David, a accusé Véronique Hivon d’alarmer inutilement la population en demandant s’il était exact que les conservatoires de musique en région pourraient aussi être fermés. Sauf que Mme David n’a rassuré personne en déclarant que le gouvernement examinait la façon dont « l’offre musicale en région » pourrait être maintenue.
Pour l’heure, la crédibilité de l’exercice d’assainissement en cours repose largement sur l’issue des négociations en cours avec les médecins, en particulier la Fédération des médecins spécialistes (FMSQ), sur l’étalement de la hausse de rémunération qui leur a été consentie.
Il est particulièrement savoureux d’entendre Gaétan Barrette se répandre en récriminations contre la FMSQ, qui lui administre aujourd’hui la médecine musclée dont il a lui-même démontré l’efficacité à point tel que ceux qu’il fustige aujourd’hui avec tant de vigueur lui ont versé une indemnité de départ de 1,2 million.
S’il est vrai que les médecins font figure d’enfants gâtés, le ministre de la Santé ne manque pas de culot pour s’offusquer des « menaces » qu’aurait proférées sa successeure, Diane Francoeur, en prédisant « quatre ans de perturbation » si le gouvernement avait recours à une loi spéciale.
M. Barrette lui-même n’avait pas hésité à recourir au chantage en brandissant la menace d’un exode des médecins si on ne leur accordait pas la parité avec leurs confrères des autres provinces. Il pourrait également rappeler au premier ministre qu’à l’instar des fonctionnaires, les médecins peuvent parfois ressentir un urgent besoin d’informer la population des insuffisances dans le réseau de la santé qu’on tente de lui cacher.
Quand il déplore la « personnalisation » du débat par la FMSQ, il oublie manifestement que lui-même n’hésitait pas à qualifier son prédécesseur à la Santé, Yves Bolduc, de parfait incompétent.
Quand le gouvernement Marois avait décidé de rouvrir l’entente qu’il avait réussi à arracher à M. Bolduc, M. Barrette avait fait tout un plat de l’obligation pour l’État de respecter sa signature. Cette semaine, sa pensée sur la question avait sensiblement évolué. Certes, l’État devrait respecter sa signature… « sauf dans des circonstances exceptionnelles ». À le voir échanger un sourire avec son voisin de banquette après avoir énoncé ce nouveau principe, il avait manifestement du mal à se prendre lui-même au sérieux.
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