Radiographie de la population du Québec

Le destin québécois


Marco Bélair-Cirino , Mélissa Guillemette - Le Québec change tranquillement de visage, comme le révèle le dernier bilan démographique annuel de l'Institut de la statistique du Québec. Et d'ici début 2012, la population y franchira le cap des huit millions de personnes.
Bébés en hausse, fécondité stable
S'il y a plus de nouveau-nés au Québec, les couples québécois ne font tout de même pas plus de bébés. Mille enfants de plus sont nés en 2009 par rapport à 2008, mais l'indice de fécondité est demeuré stable, à 1,73 enfant par femme, selon l'Institut de la statistique du Québec.
L'augmentation des naissances est attribuable à une hausse du nombre de femmes en âge d'avoir des enfants plutôt qu'à un engouement des couples pour des familles plus nombreuses. «Les naissances augmentent un tout petit peu, mais de moins en moins rapidement. On semble avoir atteint une espèce de plateau», affirme l'auteure du Bilan démographique du Québec 2010, Chantal Girard.
L'âge moyen des femmes à la naissance de leur premier enfant se fixe à 28 ans. «Les femmes qui tombent enceintes à cet âge-là sont généralement en couple et ont déjà fait un petit déblayage social et professionnel, indique Marie Desmarais, qui est médecin généraliste à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont et qui suit plusieurs femmes enceintes. C'est une grossesse qui est planifiée.»
Le «cocktail» de programmes offert par le gouvernement du Québec a porté ses fruits, en maintenant la fécondité «à un niveau un peu plus élevé que ça l'était auparavant», soutient le démographe et directeur de l'Observatoire démographique et statistique de l'espace francophone, Richard Marcoux. «Les gens qui tardaient ont dû profiter des programmes de congés parentaux et de l'amélioration de l'offre en matière de garderie», affirme-t-il.
Cela dit, il y a encore du travail à faire, ajoute M. Marcoux. «Quand on demande aux Québécois combien d'enfants ils veulent, ils répondent toujours: autour de 2,1 et 2,2, [mais] ils en ont 1,5 et 1,6.»
Il suffit de jeter un coup d'oeil au tableau accroché à l'intérieur de la salle d'accouchement de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont — où apparaissent les noms des femmes qui sont en travail — pour se rendre compte de la forte proportion de femmes d'origine étrangère. Les gens qualifiés de «pure laine» ont relativement peu de poids dans le nombre des naissances, fait remarquer Marie Desmarais. «On accouche beaucoup de femmes d'Afrique du Nord. Il y a aussi toute la population juive hassidique. [Ces femmes] ont souvent 12, 14 enfants.»
Ces groupes pèsent un poids démographique relatif intéressant, souligne la médecin. «Peut-être que cette poussée-là incite les gens d'ici à avoir d'autres enfants», suggère-t-elle.
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Nombre record d'immigrants depuis 1991
Le Québec a reçu tout près de 49 500 immigrants en 2009, soit environ 30 000 individus de plus qu'au milieu des années 80. Le Québec a accueilli davantage d'immigrants seulement en 1991. Il avait alors ouvert ses portes à plus de 52 100 personnes.
En contrepartie, 7000 personnes ont quitté le Québec et se sont installées dans un autre pays. Donc, les échanges migratoires internationaux se sont soldés par un gain de 42 400 personnes l'an dernier, soit une forte hausse de 4100 personnes comparativement à l'année précédente.
Près de 70 % des immigrants accueillis en 2009 sont des travailleurs spécialisés, des entrepreneurs ou des investisseurs. Le démographe Richard Marcoux remarque un changement des tendances dans le choix des immigrants ces dernières années. Les immigrants économiques ont la priorité, alors qu'auparavant le regroupement des familles occupait une place plus importante. «Ceci étant dit, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problèmes pour ces immigrants lorsqu'ils arrivent au Québec», ajoute-t-il. Le directeur du Carrefour d'entraide et service d'aide à la recherche d'emploi, Akos Baktay, qui aide de nouveaux arrivants de Verdun à s'intégrer au marché du travail, abonde en ce sens. «C'est long pour eux, trouver un emploi. Parfois — tout dépend des domaines — ça peut prendre des années, comme c'est souvent le cas pour un ingénieur.»
La rétention des immigrants au Québec est facilitée par la question linguistique pour une partie des nouveaux arrivants. «Les immigrants internationaux francophones sont peut-être moins portés, une fois qu'ils arrivent ici au Québec, à aller tenter leur chance ailleurs au Canada», conclut M. Marcoux.
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La ruée vers l'Ouest ralentit
Le Québec a perdu moins de citoyens au profit des autres provinces l'an dernier que lors des années précédentes. Le solde interprovincial du Québec s'est établi à -3700 personnes, comparativement à -9700 en 2008 et à -12 700 en 2007.
«Il y a souvent des pertes de 9000, 10 000 personnes au Québec au profit du reste du Canada. Donc, des pertes de 3000, 4000 personnes, c'est vraiment une bonne année», souligne la démographe Chantal Girard, de l'Institut de la statistique du Québec.
La ruée vers l'Ouest semble ralentir. Le déficit migratoire du Québec vers l'Alberta s'est considérablement résorbé après 2008. Le Québec a accusé une perte de 600 individus en 2009, alors qu'il enregistrait une perte de quelque 5000 individus annuellement de 2006 à 2008.
«Il y a plus de gens qui sont partis de l'Alberta pour venir au Québec l'an dernier, dit Mme Girard. On n'a pas l'impression que ce sont des Albertains de naissance qui viennent s'installer au Québec. On a l'impression que c'est de l'immigration de retour.»
L'Alberta semble aujourd'hui moins attrayante qu'elle l'était ces trois dernières années. Son taux de chômage est en effet passé de 3,5 à 6 % depuis 2007. «Toutes les recherches sur les mouvements migratoires démontrent que ce n'est même pas l'écart de niveaux de vie qui incite les gens à se déplacer, mais les écarts de taux de chômage», souligne l'économiste Pierre Fortin. À ce sujet, le Québec s'en est mieux tiré pendant la crise économique que les autres provinces canadiennes, outre les provinces de l'Atlantique.
L'Ontario redevient la province qui attire le plus les Québécois, ce qui avait toujours été le cas avant le mouvement vers l'Alberta des dernières années. La proximité de l'Ontario est un des éléments qui attirent certainement les Québécois de l'autre côté de la rivière des Outaouais, selon Pierre Fortin, tout comme le poids démographique et économique de l'Ontario.
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Bientôt huit millions de Québécois
La population du Québec franchira le cap des huit millions d'habitants à la fin de 2011 ou au début de 2012, si les tendances actuelles se maintiennent. La démographe Chantal Girard espère de tout coeur que le franchissement de ce cap symbolique ne passera pas inaperçu. «On a dépassé les sept millions au début des années 1990 et il ne me semble pas que ç'a marqué l'imaginaire», se désole-t-elle.
La population québécoise atteignait, le 1er janvier 2010, 7,9 millions de personnes, soit près de 81 000 personnes de plus par rapport au 1er janvier 2009. Le Québec affiche ainsi un taux de croissance démographique de 1,03 %, contre un taux variant entre 0,46 % et 0,89 % ces dix dernières années. Du jamais vu en 20 ans, a indiqué Chantal Girard. «La croissance est meilleure parce que la fécondité a augmenté depuis quelques années, le nombre de décès augmente moins que ce qu'on pensait, l'immigration internationale est importante et, en plus, les pertes migratoires avec le reste du Canada se sont réduites», résume-t-elle.
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Le vieillissement à vitesse grand V
Le rythme du vieillissement de la population s'accélérera, puisque les premiers baby-boomers entreront dans l'âge d'or cette année. Déjà, 15 % de la population a plus de 65 ans. «Et il y a actuellement à peu près le même nombre de personnes de 0 à 14 ans qu'il y a de personnes âgées de 65 ans ou plus», souligne la démographe de l'ISQ Chantal Girard. Jusqu'à maintenant, au Québec, il y avait toujours eu plus de jeunes que de personnes âgées. «Étant donné que la population jeune n'augmente pas beaucoup, même qu'elle a une petite tendance à diminuer, et que la population âgée, elle, explose, on entre dans une petite phase d'accélération du vieillissement», explique Chantal Girard.
Le nombre de décès par année connaît une très faible hausse pour l'instant, avec 400 décès de plus l'an dernier qu'en 2008. Les tumeurs causent la majorité des décès; elles expliquent la mort d'environ le tiers d'entre eux.
Le démographe Richard Marcoux refuse d'être «alarmiste» et assure qu'il ne faut pas s'inquiéter du vieillissement des baby-boomers. «On les voyait venir! Le gouvernement a mis sur pied une série de mesures. Je ne suis pas inquiet pour la suite des choses», dit-il.


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