OTTAWA | Le français continue sa chute libre partout à travers le Canada, et même au Québec, alors que les langues immigrantes prennent du galon, selon les dernières données du recensement 2016 de Statistique Canada.
«L’usage du français recule dans la sphère privée, et ce tant dans l’ensemble du Canada qu’au Québec», indique d’emblée Statistique Canada dans un rapport dévoilant les résultats linguistiques du dernier recensement en 2016.
La chute n’est pas énorme, mais elle continue une tendance qui s’était déjà remarquée lors du recensement en 2011.
La population de langue maternelle française est passée de 22,0 % en 2011 à 21,3 % en 2016 dans l'ensemble du Canada, et de 79,7 % en 2011 à 78,4 % en 2016 au Québec.
Même l’anglais est en chute, alors que les langues tierces prennent du galon à travers le pays.
«Dans un contexte de forte immigration comme au Canada, c’est normal de voir le poids relatif des langues officielles de l’anglais et du français diminuer tandis que ceux qui parlent une langue tierce occupent plus de place. Les langues sont en léger recul à travers le pays, dont le français au Québec», analyse Jean-François Lepage, sociologue et analyste chez Statistique Canada.
Les seules exceptions à la règle sont les territoires canadiens, où la population francophone est en croissance partout depuis 2011.
Plus d’anglais au Québec
Or, le Québec détonne du reste du pays, car c’est l’une des seules provinces où la population ayant l’anglais comme langue maternelle a augmenté entre 2011 (13,5 %) et 2016 (14,4 %).
Au Canada, cette population est en chute depuis plusieurs années.
«De voir une croissance de la langue maternelle au Québec, c’est un phénomène étonnant. On se serait plus attendu à voir ce qui se passe ailleurs au Canada, soit une baisse, parce qu’il y a une forte croissance des langues tierces. Or, ce n’est pas ce qu’on voit», analyse M. Lepage.
Sans surprises, cette augmentation s’observe principalement dans la grande région de Montréal.
Mais M. Lepage souligne que le phénomène se produit aussi à plus petite échelle dans de nombreuses autres villes, telles Québec, Sherbrooke et même Saguenay.
Sans avoir de raisons précises pour cette hausse, ses hypothèses sont une augmentation possible des arrivants au Québec à partir des autres provinces canadiennes en plus d’une augmentation d’immigrants qui parlent déjà l’anglais.
Au Québec, l’arabe demeure la langue immigrante la plus parlée à la maison (213 055 personnes) en 2016.
Cette population a d’ailleurs connu une hausse fulgurante de 23,7 % par rapport à 2011
Bilinguisme en hausse
Or, tout n’est pas sombre pour le français au pays.
En 2016, près d’un Canadien sur cinq (18 %) disait parler le français et l’anglais.
«Il s’agit d’un nouveau sommet pour le bilinguisme français-anglais dans l’histoire canadienne», constate le rapport du recensement.
D’ailleurs, l’augmentation n’est pas entièrement due au nombre important de Québécois francophones qui apprennent l’anglais.
«On a observé une hausse du taux de bilinguisme dans la plupart des provinces et territoire [...] Cette tendance contraste avec celle de la période précédente. En effet, entre 2006 et 2011, le taux du bilinguisme avait décliné dans toutes les provinces à l’exception du Québec», indique Statistique Canada.
Population langue maternelle française au Canada
2011 : 22 %
2016 : 21,4 %
Population langue maternelle française au Québec
2011 : 79,7 %
2016 : 78,4 %
Les cinq langues maternelles immigrantes les plus parlées à Montréal, selon Statistique Canada
Montréal | ||
Langue | nombre | pourcentage |
Arabe | 181 440 | 18,0 |
Espagnol | 129 860 | 12,9 |
Italien | 109 310 | 10,9 |
Langues créoles | 65 665 | 6,5 |
Mandarin | 41 835 | 4,2 |
Autres langues immigrantes | 478 935 | 47,6 |
Total
| 1 007 040
| 100,0
|
Population ayant le français comme première langue officielle parlée | ||
2011 | 2016 | |
Terre-Neuve-et-Labrador | 0,4 | 0,5 |
Île-du-Prince-Édouard | 3,5 | 3,3 |
Nouvelle-Écosse | 3,3 | 3,2 |
Nouveau-Brunswick | 31,9 | 31,6 |
Québec | 85,5 | 84,7 |
Ontario | 4,3 | 4,1 |
Manitoba | 3,5 | 3,2 |
Saskatchewan | 1,4 | 1,3 |
Alberta | 2 | 2 |
Colombie-Britannique | 1,4 | 1,4 |
Yukon | 4,4 | 4,6 |
Territoires du Nord-Ouest | 2,6 | 3 |
Nunavut | 1,5 | 1,8 |
Canada hors Québec | 4 | 3,8 |
Ce qu'ils ont dit
« Nous devons faire en sorte que le français soit préservé. Jean-Marc Fournier va-t-il enlever ses lunettes roses? »
– Jean-François Lisée, chef du Parti québécois
« Je suis alarmé, mais peu surpris d’apprendre que le français est en déclin, et ce, même au Québec. Le gouvernement de Philippe Couillard a coupé de façon dramatique dans les services en francisation.»
– Stéphane Bergeron, porte-parole de l’opposition officielle en matière de francophonie d’Amérique
« On est conscients qu’il y a possiblement des enjeux à l’égard de la langue. Il faut être vigilant. En même temps, je ne porte pas des lunettes roses, mais je ne porte pas des lunettes fumées, comme le font les partis d’opposition pour assombrir la réalité. »
– Luc Fortin, ministre responsable de la Protection et de la Promotion de la langue française (sur les ondes d’ICI RDI)
« Le gouvernement se ferme les yeux, carrément. C’est un sujet qu’il ne souhaite pas aborder. Il va aborder par contre la discrimination puis le racisme, mais il ne veut aborder de front la question de la survie du français au Québec. »
– Claire Samson, porte-parole de la Coalition avenir Québec pour la protection et la promotion de la langue française
– Avec la collaboration de Marc-André Gagnon, Bureau parlementaire
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