Une femme vote à Vilafranca del Penedes, dimanche. Crédits photo : AP
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Diane Cambon, à Madrid - Près de 170 communes ont participé dimanche à un référendum sans valeur légale. L'initiative, minimisée par le pouvoir central, vise à susciter un «débat sur les relations entre la Catalogne et l'Espagne».
«Êtes-vous favorable à ce que la Catalogne soit un État souverain, social et démocratique, intégré dans l'Union européenne ?» C'est la question à laquelle 700 000 Catalans étaient invités à répondre dimanche. Un référendum inédit, qui s'est tenu dans 166 communes de cette prospère région d'Espagne.
Bien que dépourvu de valeur légale, le vote revêt un caractère hautement politique. Organisé par des associations de citoyens favorables à l'autodétermination, il a pour but de susciter un «débat sur les relations entre la Catalogne et l'Espagne». Pour le pouvoir central, il s'agit surtout d'une sérieuse mise en garde, même si le chef du gouvernement, José Luis Zapatero, minimise son impact en assurant que cette «consultation ne mène nulle part».
Ce n'est pas l'avis des formations politiques catalanes, qui suivent à la loupe cette initiative populaire. Si le taux de participation dépasse les 30 %, il y a de fortes chances que le discours souverainiste s'impose dans la campagne pour les élections régionales prévues à l'automne 2010. En attendant les résultats, les politiciens ne cachent pas leur surprise. Joan Ridao, député à Madrid du parti indépendantiste catalan Esquerra Republicana, reconnaît que sa formation a été débordée par l'ampleur du phénomène. «On ne pensait pas que le sentiment identitaire catalan était aussi prononcé», assure-t-il.
La menace du Tribunal constitutionnel espagnol de raboter le statut d'autonomie catalan a sans doute donné de l'impulsion à ce mouvement indépendantiste. Depuis trois ans, la société catalane attend le verdict de la justice sur un texte qui régule les relations entre Barcelone et Madrid. Celui-ci a été approuvé par le Parlement catalan et validé par référendum populaire en 2006. Or, quarante articles clés pourraient être éliminés à la suite d'un recours déposé par le Parti populaire. Pour la droite, le statut est pour une grande part anticonstitutionnel. Les droits historiques, les symboles patriotiques (drapeau, hymne, jours fériés) et le terme de «nation» risquent de disparaître du texte. Autre point délicat : les magistrats pourraient revenir sur le caractère obligatoire de la langue catalane. Vue de Barcelone, cette version édulcorée est tout simplement «irrecevable».
Langue obligatoire
Interdit durant les quarante ans de dictature franquiste, l'usage du catalan est désormais au cœur de la bataille pour l'indépendance. «C'est notre identité même qui est mise en danger si nous perdons notre langue», commente Albert Orts, inspecteur sectoriel de l'agence catalane. À la tête d'une patrouille chargée de vérifier que les boutiques de Barcelone présentent des écriteaux en catalan, il défend le caractère obligatoire de sa langue. «Ce n'est qu'en imposant le catalan que l'on va forger notre identité.» Chaque matin, muni de son petit appareil photo, il part à la chasse des magasins qui n'ont pas respecté le catalan. Ce n'est que sur dénonciation d'un habitant que la boutique en question peut être sujette à une inspection. Une fois pris en faute d'usage exclusif du castillan, le propriétaire du local a deux mois pour modifier ses affiches, sinon il risque une amende allant jusqu'à trois mille euros. «Que ce soit linguistique ou économique, on sent une pression constante de Madrid pour freiner notre culture», assure-t-il pour justifier l'utilisation des patrouilles. Albert Orts se réjouit que Barcelone ose aussi se joindre à ce mouvement indépendantiste. La capitale de la Catalogne envisage de convoquer un référendum au printemps prochain. Girone et Lerida, les deux autres grandes villes de la région, pourraient également suivre cette voie.
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