Registre des armes à feu - Double offensive de Québec à la Cour suprême

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Traquer Ottawa jusque dans ses derniers retranchements


Le gouvernement du Québec a subi mardi un deuxième revers juridique dans sa bataille pour mettre la main sur les données de l’ancien registre fédéral. La Cour d’appel du Québec a refusé d’ordonner la sauvegarde des données québécoises du registre des armes à feu, et l’accès au registre par Québec, en attendant une décision de la Cour suprême du Canada sur cette question.

Malgré cette décision qui lui est favorable, le gouvernement Harper conservera quand même les données en attendant que le plus haut tribunal du pays tranche la question. « Aucune donnée ne sera détruite tant que la Cour suprême du Canada n’aura pas rendu sa décision concernant ce dossier », a indiqué en fin de journée au Devoir Jean-Christophe de Le Rue, porte-parole du ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney.

Cette histoire complexe remonte à 2006, lorsque le gouvernement Harper a décrété une amnistie décrétant que les propriétaires n’avaient plus à enregistrer leurs armes de chasse. Plutôt que d’enregistrer les fusils de chasse, les conservateurs ont décidé de se concentrer sur l’enregistrement des chasseurs eux-mêmes, qui doivent toujours obtenir un permis - et une évaluation de leur santé mentale - avant d’acheter une arme.

Le gouvernement du Québec a déposé un projet de loi, en février dernier, visant à créer son propre registre des armes. Pour économiser temps et argent, Québec a demandé à Ottawa de lui fournir toutes les données concernant 1,56 million d’armes inscrites au Québec au nom de 458 000 titulaires de permis. Le gouvernement Harper a refusé - il s’oppose à un registre des armes - en faisant aussi valoir que les données fédérales sont devenues périmées depuis l’abandon du registre, il y a sept ans.

Ottawa a détruit en novembre 2012 toutes les données du registre des armes de chasse, sauf celles du Québec. Le gouvernement Marois vient de subir coup sur coup deux défaites dans sa quête pour obtenir les données fédérales. Le mois dernier, la Cour d’appel du Québec a infirmé un jugement de la Cour supérieure qui déclarait inconstitutionnelle la destruction des données. Et mardi, la même Cour d’appel a rejeté la requête visant à sauver les données - ainsi que leur mise à jour par Ottawa, et leur accès par la police - en attendant la décision de la Cour suprême sur le fond de l’affaire.

Préjudice insuffisant

« La destruction des données ne rendra donc pas sans objet le pourvoi en Cour suprême, s’il est autorisé et qu’un droit au transfert est finalement reconnu, puisque le gouvernement du Québec pourra alors réclamer une compensation financière du gouvernement fédéral s’il décide de mettre en place son registre », écrit le juge Pierre J. Dalphond, dans une décision de 10 pages.

L’administration du registre coûterait environ 100 000 $ par mois à Ottawa, indique la décision. On ne peut demander au gouvernement fédéral de dépenser cette somme pour un registre qui a été aboli par le Parlement, précise le juge.

En outre, le préjudice financier allégué par le gouvernement du Québec (pour créer son registre) est insuffisant pour ordonner le maintien des données par Ottawa, tranche le juge Dalphond. Il donne aussi du poids à l’argument d’Ottawa selon lequel les données du registre sont périmées.

« Quand la Cour suprême rendra sa décision - peut-être en 2014 -, ça va faire presque 10 ans qu’aucune mise à jour n’aura été faite, pratiquement. […] Et de transmettre des données qui ne sont pas bonnes, au niveau moral, on ne pouvait pas se permettre de le faire », avait plaidé le député conservateur Jacques Gourde, à la fin du mois de juin.

Une longue bataille

À Québec, le ministre de la Justice Bertrand St-Arnaud s’est dit « surpris » et « très déçu » par le jugement de la Cour d’appel. « Nous déposerons dans les prochaines heures devant la Cour suprême une demande de sursis qui sera jumelée à un avis de demande d’autorisation d’appel afin de s’assurer que les données québécoises ne soient pas détruites par le gouvernement fédéral et demeurent accessibles et mises à jour pendant l’appel. Nous avons informé les avocats du procureur général du Canada de notre intention de procéder à une demande de sursis afin d’empêcher la destruction des données », a-t-il déclaré dans un communiqué.

Il faudra probablement des mois, au minimum, avant que ne débutent les audiences en Cour suprême. Ces longues procédures peuvent toutefois être accélérées, si l’une des parties demande à ce que la Cour suprême statue de façon expéditive - ce que fera vraisemblablement Québec.


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