Ottawa — Québec voit venir les conséquences de l’abolition du registre des armes d’épaule au Canada et tente de les prévenir. Le ministre de la Sécurité publique de la province a envoyé une lettre à son homologue fédéral, s’inquiétant de la classification actuelle des armes à feu qui permet le libre accès aux armes longues qui ne sont plus restreintes.
Adoptée en 1998, la classification des armes à feu n’a depuis jamais été revue. Pour déterminer quelles armes sont restreintes ou prohibées, le Canada s’en remet à la longueur du canon — l’accès à celles dont il est plus court est limité.
Or, en vingt ans, « l’industrie des armes à feu a évolué, les armes se transforment, il y a une modification au niveau de la puissance des armes, du calibre, des projectiles », a déploré le ministre québécois de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, au Devoir lundi. Et avec la mort du registre des armes longues au Canada, plusieurs de celles-ci ne sont plus réglementées. Si Québec promet de continuer d’obliger ses résidents à enregistrer leurs armes, la vente libre dans le reste du pays inquiète la province.
« On se retrouve dans une situation au Canada où le public peut se procurer des armes extrêmement puissantes, qui sont des armes qui ne servent pas pour la chasse, pas non plus pour protéger le bétail ou se prémunir contre les prédateurs dans le Grand Nord. […] On parle d’autre chose, là. On parle d’armes militaires, qui servent normalement à tuer d’autres êtres humains », a expliqué M. Bergeron, en s’attaquant à l’argument d’Ottawa pour justifier son abolition du registre. Les conservateurs disaient vouloir protéger les « chasseurs de canards » inutilement ciblés par le registre.
Nouvelle classification
À l’occasion d’une rencontre des ministres fédéral et provinciaux le mois dernier, le ministre québécois a demandé à ses homologues de créer un groupe de travail pour étudier les règles de classification afin d’y inclure également la puissance de l’arme, son calibre ou le type de projectile — comme cela se fait ailleurs, a-t-il plaidé. Une idée rejetée par le ministre fédéral Steven Blaney et la majorité des provinces — à l’exception de l’Ontario.
M. Blaney a cependant invité son collègue à lui envoyer sa requête par écrit, ce qui a été fait. M. Bergeron n’a pas eu de nouvelles. « Je ne veux pas présumer de la mauvaise foi du gouvernement fédéral. Le passé étant cependant garant de l’avenir, sur la question des armes à feu, je n’ai pas senti une très grande ouverture. Mais sait-on jamais », a commenté le ministre québécois.
Au bureau de M. Blaney, on a refusé de commenter toute correspondance ministérielle. Le porte-parole du ministre, Jean-Christophe De Le Rue, a simplement répondu qu’Ottawa est « toujours ouvert à des solutions de bon sens pour protéger les Canadiennes et les Canadiens, sans créer de paperasse inutile pour les chasseurs et les agriculteurs respectueux de la loi ».
Fin novembre, La Presse a obtenu une version du registre des armes d’épaule de 2012 qui révélait qu’il compte toutes sortes d’armes, des semi-automatiques aux lance-grenades. Les documents démontraient en outre que les fonctionnaires de M. Blaney l’ont avisé que les différentes catégories n’ont pas été mises à jour depuis 1995. « Par exemple, plusieurs fusils de calibre 50 utilisés par des tireurs d’élite et d’autres armes de type militaire ou paramilitaire sont actuellement non restreints », écrivaient-ils.
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