Réveil régionaliste wallon

Chronique de José Fontaine


En Belgique, nous appelons “régionalistes” ce qu’au Québec on nommerait sans doute “nationalistes”. Le régionalisme wallon est le courant qui, traversant toutes les idéologies (mais influençant le parti socialiste en premier lieu), a profondément changé la structure du pays sur la base, non de deux communautés de langue (le français et le néerlandais), mais selon trois régions à vocation économique et culturelle (Wallonie, Bruxelles, Flandre).
Communautés contre Régions
Les Flamands voyaient les choses sur la base de deux communautés linguistiques, leur suprématie numérique dans l’Etat ne les conduisant pas à revendiquer l’autonomie sur le plan économique. Surtout depuis la grève de 1960, un puissant mouvement wallon a opposé à l’idée d’un fédéralisme à deux (sur la base de deux communautés française /francophone et flamande/néerlandophone) en Belgique, fondé seulement sur le plan culturel, un fédéralisme à trois, fondé sur l’économie.
Les Flamands détenant la majorité ont réussi dans un premier temps à ce qu’il n’y ait qu’un fédéralisme à deux sur la base du principe des communautés (francophone et flamande).
Dans le fédéralisme à deux, la Wallonie et les Bruxellois francophones forment une seule communauté. Cette institution a son siège à Bruxelles et le poids de la grande ville et capitale belge est tel que la Wallonie y est ignorée. En outre, les partis politiques se sont organisés sur une base communautaire et non régionale.
Progrès et reculs des régionalistes wallons
Les régionalistes wallons ont cependant obtenu que seuls les parlements régionaux soient composés d’élus directs. Les parlements communautaires sont composés d’élus du parlement wallon et d’une partie des élus francophones du Parlement régional bruxellois. En outre, les Régions ont partiellement repris des compétences des Communautés. En Flandre, la Communauté et la Région ont fusionné, les élus Bruxellois flamands ne représentant que moins de 10% de la Région bruxelloise. Enfin, les régionalistes wallons ont obtenu que la capitale de la Wallonie soit... en Wallonie (à Namur: on voulait la mettre à... Bruxelles).
Depuis 1983 et le Manifeste pour la culture wallonne, les militants wallons régionalistes souhaitent la suppression de la Communauté française Wallonie/Bruxelles car celle-ci, amalgamant deux sociétés distinctes, brouille l’image de la Wallonie à l’étranger. Il suffit de se rendre à la Délégation Wallonie-Bruxelles à Québec... On y est accueilli par les symboles de la Belgique francophone comme Jacques Brel et Hergé. C’est tout un programme. Il nie la Wallonie.
Révolte de six députés, fait nouveau du régionalisme bruxellois
Cette semaine, six des 34 députés socialistes du Parlement wallon ont réaffirmé leur foi dans le régionalisme wallon et cela en rupture avec la direction de leur parti.
Ils veulent aussi que la Wallonie exerce tout ou partie des compétences de la Communauté. Celle-ci n’a en réalité plus (principalement), que l’enseignement et la culture dans ses compétences et elle y bloque toute politique wallonne de mise en valeur à travers l’enseignement et la gestion de la culture. Dans la mesure où cela dépend du politique, les décisions sur l’audio-visuel publique - l’information télévisée et radiodiffusée, la RTBF - , voire même la politique rédactionnelle de la télévision et de la radio sont quasiment à même de minimiser systématiquement la Wallonie et, alors que les wallons forment le principal public de cette télévision, de lui donner en fait une place subordonnée. Sauf les journaux édités en Wallonie, la presse écrite suit la même politique. Parce que le poids de Bruxelles est tel que la Wallonie n’y est considérée que comme une province qui, en outre, est en régression.
Même la grave crise actuelle qu’a subie la Belgique n’a rien changé à cette politique et on cherche des formules qui diminueraient encore l’importance politique des institutions politiques wallonnes autonomes.
Mais un fait nouveau s’est produit l’an dernier: les élites intellectuelles, culturelles et sociales bruxelloises, y compris leurs éléments flamands - qui y reconnaissent la prépondérance de fait du français - se sont massivement prononcées dans le sens que propose le régionalisme wallon, soit un fédéralisme à trois.
Côté parlementaire (car il n’y a pas que ces six députés), le régionalisme se réveille. Le Manifeste régionaliste bruxellois a été accueilli avec enthousiasme dans les milieux intellectuels et régionalistes wallons. Une réunion publique avec des personnalités intellectuelles et politiques de premier plan est prévue à Namur le 29 février prochain sous la houlette du Mouvement du Manifeste wallon. Les régionalistes bruxellois y seront. Le mouvement wallon se réveille. Des éléments jeunes prennent la relève. Si les Wallons n’obtiennent pas le fédéralisme à trois, la Wallonie ne sera jamais qu’une dépendance de la Belgique francophone. Les choses se jouent maintenant.
José Fontaine

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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