Stratégie pragmatique - gouvernance nationale

Si on s'y mettait

Il faut extirper le projet de l'indépendance nationale des griffes de la mécanique référendaire

PQ - gouvernance nationale<br>Conseil national 14-15 et 16 mars

Ce texte sera publié dans le prochain numéro de la revue L'Action nationale, qui paraîtra en mars.
Au lieu d'en rêver, mettons-nous au boulot. C'est l'essence de la proposition de gouvernance souverainiste. Et quand ils se présenteront, le peuple du Québec lèvera les obstacles. Par référendum s'il le faut. Mais d'abord, extirpons le projet de l'indépendance nationale des griffes de la mécanique référendaire et de son calendrier et réintégrons-le totalement dans le périmètre du politique. Les élections d'abord. La gouvernance ensuite. Autrement dit, donnons-nous un plan de match crédible et rigoureux nous conduisant à la souveraineté, soumettons ce plan au débat électoral, cueillons le mandat démocratique explicite à cet effet et allons de l'avant.
Une gouvernance qui chamboule
Il est vrai que dans la proposition de gouvernance souverainiste, il y a chamboulement du cadre stratégique et renversement de l'approche pédagogique. Chamboulement du cadre stratégique dans le fait que le Québec doit quitter son attentisme référendaire pour contrer le Canada qui, l'ayant bouté dehors de sa constitution, loin de se mettre au neutre, s'est déployé tous azimuts et a imposé son pouvoir dans tous les domaines de responsabilités du Québec.
Renversement de l'approche pédagogique dans le fait qu'au lieu de solliciter un OUI à un éventuel Québec indépendant, on s'attaque immédiatement à la construction concrète des fondamentaux de la souveraineté, lesquels, pour forcer leur mise en place, recevront lorsque nécessaire l'aval explicite du peuple, par voie référendaire ou autrement.
Dans la contribution publiée dans L'Action nationale de décembre 2007 et intitulée [«Si j'étais chef (sans prétention aucune au poste)»->10972], un plan global est esquissé, portant sur plus de 30 éléments. Certains sont structurants. D'autres davantage liés à l'avenir des grandes missions de l'État. D'autres encore illustrant mieux le type de société induite par le projet de l'indépendance du Québec.
Certes, ce projet global est perfectible. Cependant, certains de ses éléments sont prioritaires, notamment la Constitution et la citoyenneté. Aménageables immédiatement et extraordinairement efficaces pour que le peuple fasse des débats concrets sur sa réalité, ses aspirations et les décisions conséquentes à prendre pour garantir sa pérennité, s'épanouir et rayonner, la Constitution et la citoyenneté seront les véritables tracteurs de la souveraineté du Québec. En prenant appui sur le cadre juridique actuel, ouvrons donc ces deux chantiers structurants.
La Constitution
Dans le cadre juridique actuel, il n'y a aucune contrainte à ce que le Québec se dote d'une Constitution. Dans le cadre d'un Québec souverain, elle est d'une absolue nécessité. Alors, attelons-nous à la mise en place d'une Constitution intérimaire et lançons tout de suite les travaux de la Constitution du Québec indépendant. Une Constitution intérimaire pour nous garantir la stabilité et la continuité des institutions et les travaux complémentaires pour nous emparer collectivement du sens et de la portée de la Constitution du Québec indépendant.
Pourquoi une constitution? D'abord pour nous définir nous-mêmes. Puis, pour nous présenter aux autres. Et être reconnus par tous. Nous sommes une nation composée de tous les individus de notre territoire et non pas d'une variété d'appartenances communautaires comme le Canada souhaite conformer sa population. Nous avons un État qui est autre que l'entité administrative désignée par l'anglicisme «province». Cet État lui-même est distinct de sa gouvernance, elle-même désignée en langage canadien par un autre anglicisme, «le gouvernement du Québec». Nous doter d'une Constitution, c'est revêtir nos propres habits. C'est décrire notre propre réalité dans notre propre langue, suivant notre propre génie.
Nous doter d'une Constitution, c'est traduire en termes politiques, c'est-à-dire en relations de pouvoir, notre réalité sociologique, culturelle et identitaire. C'est nous sortir de ce à quoi le Canada nous a réduits, un univers d'hôpital, de nids-de-poule et de festivals, et mettre de l'avant ce à quoi nous aspirons, une société innovante et prospère, une nation accueillante et solidaire, un pays audacieux et moderne.
Nous doter d'une Constitution, c'est affirmer notre identité française et plurielle dans ses apports plus anciens comme plus récents. C'est également affirmer les grandes valeurs qui cimentent cette pluralité: la liberté, la solidarité, l'égalité des hommes et des femmes, la démocratie et la laïcité de l'espace étatique. En ce sens, nous doter d'une Constitution, c'est assurer le fondement de notre cohésion sociale et faire oeuvre pédagogique auprès de celles et de ceux qui souhaitent nous rejoindre.
Ce qu'on doit y mettre
Le Québec est un État. Il sera un pays. Globalement, sa Constitution reflétera les idéaux et les pratiques de sa vie démocratique. L'héritage monarchiste sera liquidé au profit des aspirations républicaines qui, depuis Papineau, à la fin du XVIIIe siècle, jusqu'à la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec (loi 99 en 2000), se sont toujours exprimées. Sa Constitution en témoignera. Comment?
Elle affirmera qu'en régime québécois, le fondement de tous les pouvoirs est le peuple québécois qui choisit ses élus. Elle affirmera aussi que la ventilation des pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et territorial sera modifiée par la création d'une présidence de l'État québécois qui incarnera l'institution, la représentera, procédera aux arbitrages nécessaires à son bon fonctionnement et garantira sa continuité. Elle affirmera également l'exclusivité de la Charte québécoise des droits de la personne, dont l'existence précède la Charte canadienne et dont l'envergure des protections est supérieure. De même, sera créé un tribunal suprême québécois pour entendre toute cause sollicitant une décision relative à l'exclusivité de l'application de la Charte québécoise.
Est-ce possible? Oui. Dans le cadre juridique actuel qu'il n'a jamais accepté, l'État québécois peut créer une présidence de l'État. Pour l'application exclusive de la Charte québécoise, il peut se prévaloir de la clause dérogatoire suspendant les articles 2 et 5 à 17 de la Charte canadienne. Et pour arbitrer les litiges en découlant, il peut créer la Cour suprême du Québec. [...]
Citoyenneté
La citoyenneté aussi se présente comme un chantier majeur. Dans le cadre juridique actuel, il n'y a aucune contrainte juridique à ce que le Québec se dote d'une citoyenneté. Dans le cadre d'un Québec souverain, cette citoyenneté s'impose.
Alors attelons-nous à établir immédiatement une citoyenneté qui, d'abord, sera un geste fort concrétisant l'appartenance à la nation québécoise de tous les individus actuels de son territoire et qui, d'avance, indiquera à ceux et à celles qui veulent s'y joindre les conditions à remplir pour ce faire.
Pourquoi la citoyenneté? Parce qu'elle nomme chacun d'entre nous, nous nomme tous et nous distingue des autres. Accordée, elle exprime l'égalité. Détenue, elle affirme l'appartenance. Existante, elle participe à la richesse sociale, culturelle et politique de la planète.
Dans le contexte canadien, elle signifie l'aboutissement d'une trajectoire amorcée par une rupture consommée à l'occasion des grands travaux des États généraux du Canada français qui, au milieu des années 1960, tirèrent la conclusion que l'avenir de la réalité française en Amérique et au Canada serait québécois, là où les masses critiques sont suffisantes, les institutions fonctionnelles et où l'on peut compter sur un État, même incomplet, pour livrer le combat de la survie, de l'épanouissement et du rayonnement. [...]
Concurrence identitaire
Rien de cela ne s'est fait sans résistance farouche de la part du Canada. L'acharnement de ce dernier à déconstruire les acquis de la Charte de la langue française, l'adoption pour lui-même d'une Constitution enlevant à l'Assemblée nationale du Québec des pouvoirs qui lui étaient jusque-là réservés et l'invasion totale de ses champs de responsabilités en sont l'illustration patente. [...]
Établir la citoyenneté québécoise, c'est affirmer le caractère original de cet ensemble social. Original par sa composition plurielle: un groupe majoritaire dont la langue identitaire est la langue commune, des minorités nationales amérindienne et anglaise dont les droits collectifs et les institutions spécifiques sont reconnus, et de riches apports culturels en provenance du monde entier. Établir la citoyenneté québécoise, c'est composer le «nous» de tous les habitants du territoire québécois et l'inscrire dans la durée.
Pour faire nation
Autant la loi 101 visait à enrayer la machine infernale de l'assimilation par l'intérieur, autant l'établissement de la citoyenneté québécoise vise à casser l'assimilation par l'extérieur. Celle induite par le déclin des Français d'Amérique inscrit dans la structure politique du Canada. Sur le territoire canadien, nous étions majoritaires au début du XIXe. Trente-cinq pour cent au début du XXe. Vingt-deux pour cent au début du XXIe. Et près de la moitié de celles et de ceux qui, à leur arrivée, n'ont ni le français, ni l'anglais comme langue d'origine s'intègre toujours à l'anglais. L'établissement d'une citoyenneté québécoise aux conditions précises quant à l'histoire, à la culture et à la langue est incontournable.
Est-ce possible? Oui. La citoyenneté intérieure existe dans plusieurs pays du monde. La Suisse. La Finlande. La France. Les États-Unis. Le Canada lui-même reconnaît la citoyenneté des Nisga'a de la Colombie-Britannique. Le Québec est un État. Il a ses institutions propres, son code juridique particulier (Code civil), ses politiques publiques distinctes, ses conditions pour la pratique démocratique, etc.
Au surplus, il est une nation. Le Canada dit la reconnaître! Le Québec a tous les attributs d'un peuple qui peut s'identifier lui-même, nommer les siens et se présenter au monde sous son vrai nom. Il le fera certes à son indépendance. Mais il peut le faire immédiatement. Pour accroître sa cohésion sociale. Pour affermir sa trajectoire globale. Pour dissiper les zones d'incertitudes outrageusement exploitées par les adversaires de la souveraineté du Québec. Et pour faciliter le travail de préparation de la reconnaissance internationale.
Changer la dynamique
La citoyenneté et la Constitution: deux chantiers pour changer radicalement la dynamique du débat et de l'action conduisant à la souveraineté du Québec.
C'est concrètement que le peuple québécois en discutera et tout aussi concrètement qu'il la fera. Il en débattra d'abord dans le cadre d'une élection. Puis, mandatant un gouvernement d'établir la citoyenneté québécoise et de rédiger une Constitution intérimaire, il s'engagera à nouveau dans l'élection d'une constituante qui rédigera la Constitution du Québec indépendant.
Ainsi, de bout en bout, le peuple québécois sera dans le coup. Si, au surplus, ces deux chantiers évoluent dans le cadre d'une gouvernance radicalement branchée sur les choix d'avenir pour le Québec, [...] rapidement, la souveraineté du Québec s'imposera aussi comme une nécessité économique, fiscale et sociale.
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Gérald Larose, Coprésident du Conseil de la souveraineté du Québec (le propos n'engage que lui-même)


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