LANGUE

Pour que la loi 96 fasse la différence

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Pour combien de temps encore existera-t-il une « nation francophone en Amérique »?


Le 12 décembre 2019, à Paris, Gérald Larose recevait la Médaille de vermeil de l’Académie française pour sa contribution au rayonnement de la langue française et de la littérature française. En 2020, l’Office québécois de la langue française lui décernait le Mérite du français Camille-Laurin. Reportée pour cause de pandémie, la remise du prix se fait aujourd’hui, 21 mars 2022, à la Place des arts.



Avant de disparaître, les peuples s’expatrient dans une autre langue et finissent par abandonner la leur. Jadis, ça se faisait sur le temps long. Au siècle dernier, en quelques générations. Dans l’aujourd’hui mondialisé et info-technicisé, le processus s’est accéléré. En dépit de ses politiques linguistiques, le Québec est sur cette lancée.


Sous la pression juridique du cadre canadien et l’environnement socio-économique nord-américain, l’indice des gains de la loi 101 s’est inversé. S’en sont même inquiétés les principaux fossoyeurs de la loi 101, les libéraux fédéraux, avec le projet de loi Joly. C’était avant les élections de l’automne dernier. Réélus, ils ont tôt fait de lui substituer l’insipide projet de la nouvelle ministre Petitpas-Taylor. Peu importe. Le salut du français ne viendra jamais du Canada. C’est au Québec que cet enjeu s’est toujours joué. Et en 2022, plus que jamais. 








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L’actuel gouvernement en est conscient. Son ministre Simon Jolin-Barrette, responsable de la Charte de la langue française, a déposé pour débat et adoption le projet de loi 96. Qui ratisse large et qu’il faut adopter. Mais qui, sans amendements, ne fera pas la différence. 


Il manque à ce projet de loi trois éléments structurants susceptibles d’invertir dans la durée la tendance lourde du déclin réamorcé: 


1. l’application de la loi 101 aux réseaux des CPE et des CEGEPs; 


2. la sélection systématique de l’immigration francophone. 


3. la non-bilinguisation des municipalités. 


Trois mesures culturellement, socialement, politiquement et matériellement fortes. Des mesures qui, comme la loi 101 à l’époque, opèrent un virage et signent sans ambiguïté la nature de notre société : une nation française en Amérique du Nord. 





1. Les CPE sont nés après l’adoption de la loi 101. Ils sont pour les enfants un rouage important de socialisation et de préparation à la scolarisation. Il importe que ces fonctions se déploient dans la langue des institutions qu’ils fréquenteront. Les CEGEPs s’avèrent être une étape majeure dans les grands choix sociaux, culturels et professionnels des jeunes. L’appartenance s’y définit. Aujourd’hui la communauté anglophone jouit de ressources deux fois plus importantes que sa représentativité démographique, lui octroyant de facto le droit d’angliciser. C’est ainsi que la majorité de sa population étudiante n’est plus de langue anglaise. Appliquer la loi 101 aux CPEs et aux CEGEPs est une mesure déterminante de francisation en même temps que d’équité sociale. 


2. Pour que demain le Québec soit aussi français qu’aujourd’hui, les transferts linguistiques des immigrants vers le français doivent être à la hauteur de 90%. Ils le sont à 53%. En 10 ans la proportion des immigrants ne sachant pas parler français à leur arrivée est passée de 36% à plus de 50%. À ce rythme, la « noyade » est garantie, pour reprendre l’expression de René Lévesque. Terminée la tergiversation, Québec doit imposer la maitrise du français pour immigrer sur son territoire. 


3. Plus symbolique peut-être, mais non moins « parlant » est le statut bilingue des municipalités. Lorsque la démographie d’une municipalité n’est plus majoritairement ou significativement composée d’anglophones, le statut bilingue doit être abrogé. Question de concordance avec la proposition d’« exemplarité de l’État québécois » contenue dans le projet de loi 96. 


Les conditions d’une relance de la francisation du Québec sont réunies : l’inquiétude devant la situation est partagée; la volonté d’inverser les courbes est affirmée; et les attentes populaires sont claires. Bref, depuis 55 ans aucun gouvernement n’aura joui d’un rapport de force aussi favorable. À lui de jouer et de « rentabiliser ce capital » au profit de la nation québécoise. 



Gérald Larose


Président de la CSN (1983-1999)


Président de la Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec (2001)




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