Par les temps qui courent, il est généralement de bon ton, dans certains milieux, d'affirmer que la question identitaire et les débats sur la neutralité religieuse des employés de l'État sont des sujets lassants, qu'il y a d'autres questions plus pressantes pour le Québec et qu'il ne faudrait plus en parler. Étrangement, ceux qui disent cela sont les premiers à bénéficier d'un statu quo chaotique et flou, en ce qui concerne la place du religieux dans l'espace public et le gouvernement.
Les premiers sont les communautaristes. Ces gens se réclamant d'une communauté ethno-religieuse ou une autre se satisfont largement du flou qui prévaut actuellement sur ces questions, tant dans notre fonction publique que dans l'espace public. Rien de plus normal, puisque ces gens construisent une bonne partie de leur identité autour de leur religion et tiennent mordicus à exprimer cette adhésion de la façon la plus ouverte et affichée possible. Leur religion est d'une importance capitale pour eux et ils doivent la porter en tout temps comme une médaille honorifique.
Il leur faut parfois une Nadia El-Mabrouk pour leur rappeler que la société québécoise est en marche vers la sécularisation depuis plus de 50 ans et qu'une législation claire en matière de laïcité serait probablement l'un des derniers pas en ce sens.
Le second groupe à tirer avantage du statu quo est le Parti Libéral du Québec. Son fonds de commerce électoral étant largement dépendant de ces mêmes communautés ethno-religieuses qui accordent énormément d'importance à la présence du religieux dans l'espace public, on peut comprendre le parti De Philippe Couillard de ne pas vouloir trop faire de remous sur cet enjeu. Pourtant, c'est ce qu'exige l'action de gouverner. On gouverne pour décider dans l'intéret supérieur de la collectivité, pas pour éviter de nuire aux chances de réélection de son parti. En ce moment, cet intérêt national commande une législation claire en matière de laïcité pouvant susciter une large adhésion, tant dans l'opposition qu'au sein de la population.
Cependant, les libéraux semblent ne rien vouloir entendre. Sans verser dans la calomnie, on peut sans doute parier qu'il y a un peu du gouvernement Couillard, dans cette soudaine volte-face de Charles Taylor sur l'une des recommandations phares du rapport qu'il avait co-rédigé avec Gérard Bouchard, en 2008, et qui concernait précisément l'interdiction du port de signes religieux par les employés de l'État ayant un pouvoir de coercition (policiers, gardiens de prison, procureurs, etc.)
Notons que, tant chez les communautaristes que chez les libéraux, il y a inadéquation entre les souhaits intéressés des groupes opposés à une laïcité véritable et ce qui dicte naturellement la marche du peuple québécois vers une identité solide et sereine, soutenue par une série de principes clairement défendus par un gouvernement fidèle à l'intérêt national et collectif. Ces groupes entretiennent un rapport pour le moins tordu à l'identité québécoise. C'est par ailleurs l'une des principales raisons pour lesquelles leur discours est jalonné d'arguments douteux, qui sonnent faux à l'oreille de la majorité.
Par exemple, Philippe Couillard dit s'opposer à toute interdiction du port de signes religieux dans la fonction publique au nom du combat contre la "discrimination vestimentaire". Or, le premier ministre du Québec n'est pas sans savoir qu'il s'exerce déjà passablement de ce genre de discrimination au sein de l'appareil d'État. En effet, les employés de la fonction publique sont déjà soumis à des codes vestimentaires. Un fonctionnaire ne peut se présenter sur son lieu de travail en guenilles, sans s'être lavé pendant 3 jours.
Aussi, on interdit déjà aux employés de la fonction publique d'arborer tout vêtement ou accessoire affichant leurs convictions politiques. On leur impose évidemment une telle interdiction au nom du principe de neutralité politique des employés de la fonction publique. Personne n'a jamais cherché à contester cet interdit en arguant que le port d'un signe d'allégeance politique ne rend pas pour autant un fonctionnaire moins neutre politiquement dans l'exercice de ses fonctions. Voilà une règle et un principe qui font réellement consensus.
Pourtant, les partisans du port de signes religieux tiennent précisément le type de raisonnement qu'on juge inacceptable, dans le cas des signes politiques. Ils font valoir que le port d'un signe religieux ne signifie pas que l'employé arborant un tel signe est moins neutre dans l'exercice de ses fonctions. Or, si le port de signes politiques contrevient de toute évidence au principe de neutralité politique des employés de l'État, en quoi le port de signes religieux ne porte-t-il pas atteinte au principe de neutralité religieuse de ces mêmes employés ? Il y a là une contradiction tout à fait flagrante.
Encore une fois, le gouvernement libéral refuse obstinément d'entériner les recommandations du rapport Bouchard-Taylor, un compromis pourtant minimal et même timide, soutenu par tous les partis d'opposition. Il ne fait aucun doute que cet entêtement toxique, par lequel perdure un débat qui aurait dû depuis longtemps être réglé, est de nature purement électoraliste et partisane. Le PLQ ne veut pas déplaire à son électorat immigrant largement concentré à Montréal, alors qu'un débat sur la laïcité s'éternisant indûment donne la possibilité aux libéraux de se poser en défenseurs héroïques de la "tolérance", tout en rejetant le blâme sur l'opposition. En campagne électorale, cela permettra également au gouvernement Couillard d'occulter les multiples scandales l'ayant affligé, ainsi que son bilan désastreux en matière d'économie.
Quoi qu'il en soit, malgré le ras-le-bol d'une bonne partie de la population devant les questions de signes religieux et de laïcité, le débat demeure ouvert et la question n'est toujours pas réglée. Par ailleurs, ce ne sont pas les vaines lamentations et les faux dilemmes d'une Dalila Awada à Tout le monde en parle qui changeront cette réalité. Même si le Québec fait face à d'autres défis de taille, une question aussi importante que celle de la neutralité religieuse de l'État, alors que se poursuit le processus de sécularisation de notre société, mérite absolument que nos dirigeants trouvent ensemble une solution satisfaisante. Cependant, si cela doit se faire avec un autre gouvernement, ainsi soit-il.
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2 commentaires
Alain Rioux Répondre
20 février 2017Au reste, il me semble très hypocrite de réduire l'opposition laïcité/multiculturalisme à une simple question vestimentaire. Car, tant qu'à promouvoir le multiculturalisme, pourquoi interdire la polygamie, alors qu'on a reconnu le mariage homosexuel? Pourquoi interdire la pédophilie, puisque le prophète de l'Islam s'est marié à un enfant de six ans, mariage qui fut consommé lorsqu'elle eut atteint neuf ans? Au nom de quelle logique l'idéologie multiculturaliste, ou communautariste, pourrait-elle s'opposer à de telles dérives? Or, si la logique ne règle plus la loi, que reste-t-il sinon la violence et la loi du plus fort? En conséquence, le multiculturalisme est foncièrement anti-démocratique, puisque ce n'est plus la volonté, éclairée par la logique, qui décide, mais la raison du plus fort, économiquement et électoralement...
Dès lors, le danger dictatorial du multiculturalisme, d'un Trudeau et d'un Couillard, entre autres, n'est-il pas assez établi?
Gaston Carmichael Répondre
18 février 2017Avec le PL-62, le PLQ s'assure de la fidélité des anglos et des allos, mais abandonne les "de souche". Il peut abandonner notre clientèle, parce qu'il nous sait divisé.
D'abord, parmi les "de souche", il y en a déjà un certain nombre qui n'abandonneront jamais, quoiqu'il fasse, le PLQ.
Ensuite, si le PQ arrive avec une proposition sur la laïcité qui mobilise les "de souche", on verra immédiatement la CAQ proposer la même chose. La CAQ a été créé spécifiquement pour diviser la clientèle traditionnelle du PQ.
L'adversaire à abattre pour le PQ est donc la CAQ, et non le PLQ. Parce que si la CAQ tombe, le PLQ suivra.