Symboles religieux - Le méli-mélo

Kirpan - Québec



Dans la sphère laïque et sur le terrain religieux, les dérapages sont aisés lorsqu'on a le néant en guise d'éclaireur. Québec refuse toujours de se doter d'un Livre blanc sur la laïcité, comme le prônait pourtant le rapport Bouchard-Taylor, tristement mis au rancart. En l'absence de balises claires, la confusion s'étale, et l'incohérence règne.
En une petite semaine, deux soubresauts de l'actualité nous ont ramenés à l'époque, pas si lointaine, où le Québec subissait une psychothérapie collective à saveur d'accommodements raisonnables. Forts d'une rare unanimité, les parlementaires ont d'abord banni le kirpan de l'enceinte de l'Assemblée nationale. Quelques jours plus tard, le Tribunal des droits de la personne ordonnait au maire de Saguenay, Jean Tremblay, de cesser la prière au conseil municipal et d'en retirer les signes religieux.
L'affaire du kirpan s'est rendue jusqu'à une solennelle motion débattue en Chambre. Voilà beaucoup trop de bruit pour une anecdote montée en épingle. Sur fond d'ironie suprême, quatre représentants de la World Sikh Organization se sont présentés au Parlement récemment dans le but de défendre le maintien du voile intégral, que le projet de loi 94 propose d'interdire.
Prévenus la veille par l'équipe de sécurité du Parlement qu'ils ne pourraient pénétrer dans l'enceinte munis de leur kirpan, les quatre hommes se sont tout de même présentés, refusant la consigne. Ils furent expulsés, sous les projecteurs. À ce geste d'éclat déjà provocateur, les députés en ont superposé un autre: ils ont voté une motion unanime interdisant de manière officielle le kirpan à l'Assemblée nationale. Était-il vraiment nécessaire de jouer une telle fanfare? Non, ce ne l'était pas.
D'autant plus qu'un embarrassant jugement de la Cour suprême, qui a statué en 2006 que ce même kirpan pouvait très bien franchir le seuil d'une école secondaire, obstrue la route des politiciens, il faut le dire. Le bon sens à lui seul, qui a guidé le directeur de la sécurité de l'Assemblée nationale, dicte l'interdiction d'une arme blanche, quelle que soit sa nature, dans une enceinte parlementaire.
Mais on n'en est pas à une incohérence près! Invoquant la liberté de conscience et de religion, le Tribunal des droits de la personne vient de donner raison à ce citoyen athée qui s'opposait à ce que les séances du conseil municipal de Saguenay démarrent par la prière. La juge Michèle Pauzé ordonne aussi que soient retirés des salles où ont lieu les assemblées le crucifix et la statue du Sacré-Coeur.
Qu'en diront les députés de l'Assemblée nationale? Au lendemain du dépôt du rapport Bouchard-Taylor, le premier ministre Jean Charest avait mené une motion — votée à l'unanimité — réitérant le maintien du crucifix dans le Salon bleu, au nom du respect de la tradition passée et du patrimoine. Les commissaires venaient pourtant tout juste d'en recommander le retrait!
Peut-on espérer que le projet de loi 94, dont l'adoption ne saurait tarder, mettra fin à cette confusion? Hélas non, trois fois non. Le courage politique a manqué pour tracer des balises essentielles. En leur absence, on le voit, les tribunaux règnent. L'anecdote prend le pas sur le réel. On nage en plein méli-mélo.
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machouinard@ledevoir.com


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