Tout. Va. Bien.

Malgré les matraques, malgré les mensonges, malgré tout. Nous sommes ensemble. Tout. Va. Bien.

Crise sociale - printemps 2012 - comprendre la crise


Il y a de ces choses qui ne se produisent qu’ailleurs. Qu’on regarde en éprouvant un peu de pitié, un peu d’empathie. Qu’on étudie de loin en ne se sentant que très peu concerné. Ce genre de choses qui ont l’air trop grandes, trop terribles, trop « barbares ». Et pourtant, ce genre de choses a mis un pied dans la porte du Québec. Et pas pire chaussé, le pied : gros sabot, clouté, avec talon aiguille. Bien pointu, le talon. Et le bout du sabot, aussi, tant qu’à faire. Ça ne court pas les rues, les sabots pointus, mais avec un Anarchopanda en liberté, il en faut sans doute un peu plus pour être surpris, désormais.
Mais il ne faut pas s’en inquiéter. Tout. Va. Bien.
En fait, si je me répète cela suffisamment, je crois que je pourrais peut-être finir par y croire. Il fait soleil, le vent est agréable. Certains tondent la pelouse, d’autres promènent le chien. À la télé, on commente le sport, on rigole. Dans le « vrai monde », rien ne semble avoir changé. Tout-il-est-beau. Et pourtant.
Depuis l’adoption de la loi 78, le Québec est entré dans une sorte de zone étrange, un Twilight politique. Si l’on reste dans son salon, que l’on ne regarde pas trop les médias ou que ceux de masse sont la seule source d’information, rien ne semble avoir tremblé. Des droits que l’on ne revendique pas ne peuvent pas vraiment nous avoir échappé. Croit-on. Des gens dans les rues qui massacrent des casseroles, soir après soir, c’est un peu bizarre. Et on en a marre des manifestations. Vivement le retour au confort, au calme. Vivement la paix sociale. Celle de l’harmonie, de l’ordre, de la harpe et des fleu-fleurs. Tout. Va. Bien. On se le répète. Ad nauseam.
Alors on se laisse rassurer par les explications mielleuses du gouvernement qui ne cherche qu’à justifier l’injustifiable, son injustifiable irresponsabilité. C’est facile. Simple question de jeu de mots. De sélection, surtout. De présentation, aussi. Créer une apparence de sens. Une impression de bienveillance. Si on tend l’oreille, suffisamment, une berceuse est fredonnée tout bas, en arrière-plan.
Il est alors possible d’en arriver à des aberrations. Le dernier exemple en lice : le « carré rouge » est un signe de violence, d’intimidation et de refus du droit de certains à l’éducation. C’était dans l’air. N’empêche.

La force de la répétition
Une idée, ça se rentre si bien dans la tête des gens. La force de la répétition et du martèlement. C’est aussi l’un des avantages de la généralisation, de la réduction et de l’art de faire dire n’importe quoi aux symboles. Tout ça ensemble, réuni dans un même discours à prétention de cohérence : des conditions gagnantes pour accentuer la marginalisation du mouvement dans l’« opinion publique » et la polarisation des camps. Et pourtant. Me semble que ça va de soi que ledit carré de feutrine, porté par tellement de gens, ne peut pas et ne doit pas être réduit à trois étiquettes (fausses).
Le carré rouge est d’abord et avant tout le signe de la lutte étudiante, il est devenu celui de ceux qui se tiennent debout, de ceux qui dénoncent, de ceux qui s’assurent que le Québec résonne, pour ne pas dire raisonne, sous leurs pas. Leurs pas incessants. Le carré rouge est le symbole de l’espoir, du courage - ou fortitude testiculaire -, du plein droit à l’éducation pour tous. C’est celui du Québec en mouvement, sorti, enfin, de son apathie et qui se refuse au cynisme.
La violence et l’intimidation sont des mots qui, par les temps qui piétinent, veulent tout et ne rien dire. Il ne faut pas se laisser avoir. Je le porte fièrement, depuis des mois, mon carré rouge. Je le porterai encore plus fièrement parce qu’on cherche à lui retirer tout ce qu’il contient de bon, de beau, de fort.
Les symboles sont puissants. Lorsqu’on s’y attaque, c’est le signe qu’il faut crier encore plus fort, marcher encore plus vigoureusement, casseroler avec plus d’entrain. C’est le signe que les temps changent en hurlant un peu, de peine et de peur.
Le mouvement est violent, j’en conviens. Il a causé une déchirure. Il y a un avant et un à venir. Et c’est un événement à célébrer. Un poing en l’air et le sourire fendu. Malgré les matraques, malgré les mensonges, malgré tout. Nous sommes ensemble. Tout. Va. Bien.


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