50 signataires

Transformer le rêve en projet

Pauline Marois - entre urgence et prudence


Depuis sa fondation en 1968, le Parti québécois a été un parti de débats, un parti de réflexion qui a vécu pour et par ses idées. C'est dans cette même tradition, 40 ans plus tard, que nous prenons la parole pour rejeter une idée qui, si elle est adoptée au congrès de 2011, deviendra le cœur du nouveau programme péquiste.
Lors de l'élection générale de 2007, l'ADQ de Mario Dumont avait la prétention de présenter aux Québécois une «nouvelle» option politique qui se voulait un compromis entre la souveraineté et le fédéralisme: l'«autonomisme». Rien de nouveau sous le soleil, avait alors accusé le Parti québécois, mobilisant sa base militante contre ce plan qui voulait définitivement mettre de côté la question nationale en adoptant une stratégie de rapatriement de pouvoirs. Or, depuis maintenant trois ans, c'est ce même programme, sous un autre label, que le PQ entend mettre en avant s'il reprend le pouvoir: la «gouvernance souverainiste». Ce «plan Marois», présenté comme une stratégie rompant avec l'attentisme, s'articule autour des mêmes idées que mettait en avant l'ADQ: adoption d'une constitution québécoise, déclaration de revenus unique, rapatriement de pouvoirs en culture, immigration, communications, etc.. Tout ceci en faisant le pari fort hasardeux que les Québécois «prendront goût à la liberté», formule souvent employée, et que l'autonomie renforcée du Québec préparera ultimement la table à son indépendance. C'est à cette démarche politique que nous nous opposons aujourd'hui.
Une illusion
Ce projet de «gouvernance souverainiste», à notre avis, ne tient pas compte de plusieurs éléments. Premièrement, un fait demeure — et l'étude Repère communication réalisée dans le cadre du colloque bloquiste sur les 20 ans de Meech le prouve —, les Québécois continuent de préférer la réforme du fédéralisme canadien à l'indépendance pure et simple du Québec. En effet, 78 % d'entre eux continuent de croire le Canada réformable. Leur offrir sur un plateau, comme le propose la gouvernance souverainiste, une avancée politique aussi petite soit-elle (à l'instar de la reconnaissance de la nation au Parlement fédéral), ne serait-ce pas là un motif propre à conforter la population dans cette idée illusoire? Et combien d'années d'efforts gouvernementaux devront être sacrifiées par le Parti québécois dans la négociation de ces pouvoirs qui pourraient en réalité ne jamais venir?
Le pari est tout aussi hasardeux si l'on retourne la situation de l'autre côté: le refus de se voir attribuer des pouvoirs en immigration, par exemple, serait-il un motif assez puissant pour soulever la grogne populaire, renforcer le sentiment de rejet des Québécois et les mener, derechef, à réaliser la souveraineté? Rien n'est encore moins sûr. La position d'un éventuel gouvernement péquiste serait, en définitive, difficilement tenable: comment affirmer négocier de bonne foi avec Ottawa alors qu'invariablement, un gouvernement souverainiste affirmera qu'il n'en aura jamais assez et qu'il voudra toujours réaliser l'indépendance? Comment rallier les Québécois nationalistes qui auront, eux, voté pour le Parti québécois dans l'espoir de voir cet «autonomisme» se réaliser, sans toutefois se séparer? C'est là toute une quadrature du cercle qui devra être résolue, en plus des obligations quotidiennes que doit inévitablement rencontrer un gouvernement: éducation, santé, dette, emploi, négociations avec le secteur public, etc. Autant d'éléments incontrôlables qui peuvent plomber l'élan d'un parti et par ricochet, l'option qu'il veut réaliser. Un gouvernement ne peut tirer dans toutes les directions, mobiliser la population derrière le rapatriement de pouvoirs et en même temps, la convaincre de se séparer. Si l'on peut certes marcher et mâcher de la gomme en même temps, la realpolitik canadienne et québécoise impose des limites à cet adage. Jacques Parizeau en savait quelque chose, lui qui n'a pas attendu pour déclencher le processus consultatif...
Deux visions divergentes
Le Parti québécois et le Bloc québécois ne peuvent continuer à tenir deux discours contradictoires. D'une part Gilles Duceppe qui, avec une force et une détermination marquée, affirme sur toutes les tribunes que le Québec n'a plus rien à attendre d'Ottawa et du Canada. De l'autre, Pauline Marois qui affirme qu'elle ira faire une bataille tous azimuts pour rapatrier de nouveaux pouvoirs. L'on ne peut continuer d'envoyer pareils signaux contraires à la population. Le Parti québécois doit «transformer le rêve en projet», comme l'affirmait récemment Jacques Parizeau en entrevue à Radio-Canada. L'ABCD de la souveraineté, tournée de conférences présentées par les députés Aussant, Blanchet, Cloutier et Drainville, est sûrement la démarche la plus intéressante entreprise au PQ depuis des années. Cette approche d'explication, elle doit maintenant devenir la démarche d'un futur gouvernement péquiste. En ce sens, la proposition de Lisette Lapointe, avancée il y a quelques jours à Saint-Hyacinthe, est à notre avis essentielle: il faut mettre à jour l'étude sur les finances d'un Québec souverain jadis réalisée par François Legault et reprendre les états généraux sur l'avenir du Québec. Également, à l'instar de ce qu'a déjà fait le Bloc québécois de Gilles Duceppe, il nous faudra imaginer le Québec souverain dans tous ses champs d'activité: défense, poste, institutions politiques, etc. C'est à cet objectif que doivent être mis les efforts d'un prochain gouvernement souverainiste et non pas dans quelques luttes illusoires avec Ottawa. Bref, il faut enfin mettre de la chair autour de l'os et présenter aux Québécois un projet clair, rassembleur et emballant.
Au prochain congrès national d'avril 2011, cela fera bientôt six ans que les membres du Parti québécois n'auront pas eu à se prononcer sur le document fondamental qu'est le programme de leur parti. Nous désirons que le PQ demeure, comme à ses débuts, un parti de débats d'idées, d'échanges et de réflexion. Dans cette optique, il nous semble fondamental d'exprimer aujourd'hui nos craintes et notre opposition face à ce projet de «gouvernance» qui deviendrait le coeur de notre action politique future. Si la chef du Parti québécois veut continuer d'associer son leadership à la poursuite et à la défense de cet objectif, de ce «plan Marois», c'est son droit le plus légitime. Les militants du parti devront quant à eux tirer leurs conclusions, et il ne faudra pas se surprendre d'en voir plus d'un tourner le regard ailleurs dans l'espoir de trouver une vision plus audacieuse de l'indépendance. Toutes ces questions devront se poser dans les prochains mois.
Les 50 signataires:
Félix-Antoine Dumais-Michaud, Jean-François Landry, Pierre-Luc Brisson, Jerry Beaudoin, Marie-Andrée Plante, Dominic Vallières, Pierre-Luc Benoît, Alexandra Bibeau, Arianne Bouchard, Jean-François Boudreau, Audrey Campeau, Benoit Chartrand, Alexandre Chouinard, Jérôme Couture, Philippe Couture, Tristan Denommée, Félix Deslauriers, Jean-Christian Dionne-Duval, Pierre-Luc Doyer, Kenny Flowers-Guimond, Sabrina Gagnon, Frédéric Garant, Christophe Gauthier, Martin Gendron, Renaud Giraldeau, Jean-Simon Godin, Alexandre Goyer, Mélanie Guérard, Marie-Pierre Jacob, Daniella Johnson, Simon La Terreur, Hugo Lalancette-Tremblay, Janie Durant, Pascal Lavoie, Jason Lebel, Stéphanie Leblanc, Nicolas LeBlanc, Philippe Leblanc-Lamothe, Mathieu Léveillé, Paul Lévesque, Jean-François Martel-Castonguay, Ariane Matte-Marchand, Catherine Jennifer McDonald, Maxime Morasse, Pierre-Luc Ouellet, Marc Paquin, David Plourde, Guillaume Ruest, Pierre-Luc St-Pierre, Nicolas Tanguay-Leduc


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