Un cadeau de Grec

Un Québec souverain serait moins indépendant qu’aujourd’hui pour déterminer sa politique fiscale

Indépendance - le peuple québécois s'approche toujours davantage du but!


TRINEESH BISWAS - Gilles Duceppe vient de terminer son séjour en Europe, où il est parti prêcher la bonne parole de la souveraineté du Québec. Le chef du Bloc québécois s'est rendu à Paris,
Barcelone, Édimbourg et Londres. Il aurait mieux fait d'aller à Athènes.
La crise de la dette grecque et sa contagion dans toute la zone euro a démoli une des thèses fondamentales du camp souverainiste: l'idée qu'il serait facile pour les Québécois de rompre les liens politiques avec le Canada tout en conservant des liens
économiques étroits, y compris leur dollar familier.
Quand Jacques Parizeau a dit récemment que le Parti québécois devait s'exprimer sur quelle monnaie utiliserait un Québec indépendant, il abordait une question sérieuse pour
le PQ. Un dilemme que le camp souverainiste a jusqu'ici fait semblant d'ignorer.
Au référendum de 1995, le huard figurait au coeur des affiches des partisans du Oui, tant ils étaient convaincus que le Québec, même devenu indépendant, garderait le dollar canadien. C'était plus de 14 ans avant que la zone euro ne soit secouée par les malheurs budgétaires de la Grèce.
L'euro a toujours été un pari. Le pari qu'il était possible de maintenir l'union monétaire sans union fiscale ni politique. Eh bien! Ce pari est perdu. Au printemps dernier, pendant que l'Allemagne hésitait à voler au secours de la Grèce, les coûts d'emprunt d'Athènes sont montés en flèche. Les pays d'Europe se sont finalement mis d'accord sur un plan
de sauvetage, mais l'aide aux Grecs a été soumise à des conditions sévères. Une défaillance de la Grèce n'est toujours pas exclue, et l'incertitude règne sur l'avenir de la monnaie européenne.

Un Québec indépendant relié au reste du Canada par une monnaie commune et une union douanière serait dans une position plus ou moins équivalente à celle de la Grèce dans la
zone euro (mais en plus grand).
Si le gouvernement d'un Québec indépendant commençait un jour à dépenser de l'argent avec l'irresponsabilité dont la Grèce a fait preuve, le pays serait éventuellement puni par
les marchés du crédit. Les électeurs, politiciens et banquiers centraux canadiens se retrouveraient alors face à un choix peu enviable: secourir un Québec qui venait de rejeter le Canada, ou regarder le dollar jouer aux montagnes russes durant les convulsions des marchés financiers.
Pour éviter un tel scénario, le Canada et le Québec pourraient conclure un accord post-référendaire instituant des limites strictes sur les déficits budgétaires et les pourcentages de dette par rapport au PIB. Ces limites seront forcément plus strictes que les critères de Maastricht, pour la plupart ignorés, de la zone euro. On voit mal pourquoi le Canada accepterait une réduction significative dans sa marge de manœuvre. Peut-être qu'un Québec fraîchement indépendant accepterait de telles limites afin de pouvoir garder le dollar canadien. Mais ce Québec-là aurait moins de liberté que la province actuelle pour déterminer sa propre politique fiscale.
Le Québec pourrait adopter le dollar américain, mais pas sans abandonner toute influence sur sa politique monétaire. Une troisième voie serait de créer sa propre monnaie. Mais faire cavalier seul sur le front des' devises aurait des coûts importants.
La dette du Québec s'élevait à 94 % du PIB en mars 2009 si sa part de la dette fédérale est incluse, selon le ministère des Finances. Ce chiffre, qui n'a pu que s'aggraver depuis,
place le Québec au même niveau que la Grèce (102,6 % en 2008) et l'Islande (96,3 %) d'avant-crise.
Actuellement, les investisseurs prêtent de l'argent au Québec à un taux modestement plus élevé qu'au gouvernement fédéral. Mais jusqu'à ce qu'un Québec indépendant établisse
sa réputation pour la probité financière' les prêteurs vont demander plus. Chaque augmentation des coûts d'emprunt représentera des millions de dollars de moins pour les écoles, les hôpitaux et les institutions culturelles. Une grande partie de la mainmise gagnée sur la politique fiscale serait ainsi cédée à la discipline des marchés.
Si le PQ s'engage toujours à poursuivre l'indépendance, il doit s'exprimer de façon claire sur sa future politique monétaire, prenant en compte la crise en Europe.
La conclusion inévitable risque de déplaire à M. Parizeau: en ce qui concerne les dépenses publiques, un Québec entièrement souverain sera moins indépendant.
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TRINEESH BISWAS
D'origine canadienne, l'auteur travaille à Genève, en Suisse, comme analyste de
politiques commerciales au International Centre for Trade and Sustainable
Development. Il s'exprime à titre personnel.


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