IMMIGRATION

Un record d’immigrants sous Legault

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Qui osera dénoncer la submersion migratoire que nous subissons ?


En prendre moins, mais en prendre soin. Tel était le slogan répété, jour après jour, durant la dernière campagne électorale victorieuse de François Legault.




Pourtant, dans les faits, c’est un tout autre scénario qui a déboulé sur le Québec au cours des quatre dernières années.


Retour sur un mandat controversé en matière d’immigration, où les contestations judiciaires, les bisbilles avec Ottawa et les affrontements avec le monde des affaires ont été omniprésents.


Des seuils baissés, mais…


François Legault a tenu sa principale promesse. Dès sa première année au pouvoir, il a baissé les seuils d’immigration d’environ 20 %. Près de 40 000 immigrants permanents ont été accueillis au Québec en 2019.


Mais, au total, il n’y a pas moins d’immigrants au Québec que sous l’ère libérale précédente. Bien au contraire.


Depuis l’arrivée au pouvoir du chef caquiste, le nombre de personnes arrivées dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) a rapidement explosé. Entre 2017 et 2019, ce nombre a même doublé, avant une stagnation due à la pandémie et à la restriction des voyages.


L’an passé, près de 36 000 travailleurs étrangers temporaires ont été embauchés au Québec. Aucune autre province n’a connu une telle augmentation durant cette période.


Alors que la frontière canadienne est désormais pleinement rouverte, ce chiffre a de bonnes chances d’être battu cette année. De janvier à mars, plus de 14 000 travailleurs étrangers temporaires ont eu l’autorisation de venir au Québec.


C’est d’ailleurs sur ce thème, l’immigration temporaire, que le gouvernement Legault a réalisé de véritables avancées, qui ont été saluées – une fois n’est pas coutume – à la fois par les immigrants et par les employeurs.


Depuis son arrivée en poste l’automne dernier, Jean Boulet – également ministre du Travail – a négocié avec Ottawa des assouplissements réclamés depuis longtemps au niveau des formalités administratives et du recrutement. Il est maintenant plus facile et moins long d’embaucher un travailleur étranger.


Bien plus de 100 000 immigrants en 2022


L’abaissement des seuils d’immigration n’a quant à lui pas duré très longtemps.


Petit à petit, le nombre d’immigrants permanents accueillis au Québec est revenu à des niveaux similaires vus avant la prise de pouvoir caquiste. Un nombre record de nouveaux résidents permanents devrait même arriver d’ici la fin de l’année.


Pour compenser les effets de la crise sanitaire, le gouvernement a promis d’accueillir 18 000 personnes supplémentaires. Il devrait donc y avoir près de 70 000 nouveaux arrivants en 2022.


En cumulant les résidents permanents et les temporaires, la barre des 100 000 immigrants – hors étudiants étrangers – sera donc aisément franchie cette année.


Et ce décompte ne prend pas en compte, non plus, le nombre de travailleurs venant dans le cadre du Programme de mobilité internationale (PMI). Ce programme permet aux employeurs - selon les professions - de réaliser des embauches sans avoir à fournir une longue, coûteuse et pénible évaluation des impacts sur le marché du travail (EIMT).


Selon Immigration Canada, des dizaines de milliers travailleurs arriveraient ainsi au Québec chaque année, mais le ministère fédéral n'a pas été en mesure de nous fournir des données complètes, puisqu'il dit de pas connaître avec exactitude la province de destination de ces immigrants.



Le devant de bureaux de l’Immigration, de la francisation et de l’intégration


Québec est responsable d'une partie de la sélection des immigrants arrivant dans la province.


Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers




Qu’en sera-t-il pour l’avenir? Québec a refusé de publier sa prochaine planification avant la campagne électorale, mais François Legault a déjà fermé la porte à une révision à la hausse, tout en affirmant privilégier l’immigration économique, au détriment des autres catégories.


Le premier ministre a maintes fois clamé que le Québec a atteint sa capacité d’accueil, même si, comme l’a révélé Radio-Canada, aucune étude n’existe à ce sujet.


Il y a d’ailleurs eu, tout au long de ce mandat, des remous en interne. Plusieurs sources nous ont parlé de différends, au Conseil des ministres, entre les élus à vocation économique et le premier ministre, sur le nombre d’immigrants à admettre.


En mai dernier, le ministre Boulet avait par exemple jugé raisonnable une proposition d’augmenter les seuils à 58 000 immigrants permanents, avant de faire volte-face quelques heures plus tard.



Un moment de confidence lors d'une conférence de presse<br>


Le premier ministre du Québec, François Legault, et Simon Jolin-Barrette lors du bilan du gouvernement en juin 2019


Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers




De Jolin-Barrette à Boulet


Il faudrait d’ailleurs diviser ce mandat caquiste en deux parties bien distinctes, tant le style, le ton et les résultats ont été différents.


Au cours des deux premières années, le ministre Simon Jolin-Barrette, qui avait la pleine confiance de François Legault et la responsabilité de mettre en œuvre différentes réformes en immigration, s’est attiré les foudres d’experts, d’avocats et des oppositions.


En interne, on parlait même d’une guerre ouverte entre son cabinet et la machine administrative. À micro fermé, des conseillers et des élus à Ottawa fustigeaient également le comportement et les actions du ministre Jolin-Barrette.


Dans un premier temps, ce dernier a voulu revoir radicalement le Programme de l’expérience québécoise (PEQ), un programme permettant d’accéder rapidement à la résidence permanente pour tous ceux qui ont déjà étudié ou travaillé dans la province. Critiqué de toutes parts, y compris par des sommités internationales, ce projet a dû être suspendu, avant d’être remis en place – avec des changements – quelques mois plus tard.


Ces différentes réformes, qui ont conduit à l’abandon contesté devant les tribunaux de milliers de dossiers d’immigration, avaient un but principal : privilégier Arrima, un nouveau système de sélection des immigrants. Or, ce dernier peine encore à trouver son rythme de croisière.


Les relations entre le gouvernement Legault, en matière d’immigration, se sont par la suite apaisées avec Ottawa et la société civile, après l’arrivée en poste de Nadine Girault (juin 2021), puis de Jean Boulet (novembre 2021).


Seule friction toujours vive : les délais d’immigration, très différents entre le Québec et le reste du Canada. Initialement, le gouvernement fédéral avait publiquement accusé Québec d’allonger ce temps d’attente pour les immigrants avant d’admettre sa part de responsabilité et d’être vivement accusé de négliger les dossiers des étudiants francophones voulant venir au Québec.



Jean Boulet s'exprime debout à l'Assemblée nationale, en gesticulant de la main.


Le ministre de l'Immigration, Jean Boulet, a obtenu des gains avec Ottawa afin de réduire les formalités administratives pour l'embauche de travailleurs temporaires.


Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot




Francisation, réduction des exigences de français


Outre la baisse du nombre d’immigrants, le gouvernement Legault avait un autre cheval de bataille : améliorer le taux de francisation.


Chaque année, des dizaines de millions de dollars ont été dépensés à cet effet. Lors du plus récent budget, 290 M$ ont d’ailleurs été annoncés pour renforcer l’intégration en emploi des personnes immigrantes.



« Les dépenses du Québec en matière d’intégration et de francisation des personnes immigrantes ont atteint des niveaux historiques. »


— Une citation de  Arianne Méthot, porte-parole du ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration du Québec (MIFI)


Malgré ces mesures, qui ont été saluées, la CAQ s’est attiré les foudres des oppositions, notamment du Parti québécois. Ce dernier a par exemple demandé à plusieurs reprises de revoir le système de sélection des immigrants.


À ce jour, ne pas connaître la langue française n’est pas rédhibitoire pour immigrer au Québec. Le gouvernement a même ouvert la porte à une réduction de ces exigences pour permettre plus facilement à des talents – selon les mots utilisés par Nadine Girault – d’arriver dans la province.


Pour la première fois, un programme d’immigration, avec quelques centaines de places, a aussi été créé. Celui-ci est réservé aux non-francophones travaillant dans certains secteurs recherchés, avec des hauts salaires.


D’ailleurs, François Legault a confié ouvertement à des chefs d’entreprises avoir un problème avec les immigrants gagnant moins de 56 000 $ annuellement. Des propos qu’il ne regrette pas et qu’il justifie en invoquant son désir d’augmenter le salaire moyen au Québec.




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