Durant toute la course à la succession de Bernard Landry, en 2005, Pauline Marois avait dû marcher sur des oeufs. Soupçonnée à tort d’avoir voulu torpiller la campagne d’André Boisclair en publicisant sa consommation de cocaïne, elle n’abordait le sujet qu’avec la plus grande précaution.
Dans son entourage, on n’en était pas moins éberlué de voir les militants péquistes se jeter avec un tel enthousiasme dans les bras d’un homme qui constituait à l’évidence un risque politique de taille. Un jour ou l’autre, les adversaires du PQ tenteraient d’exploiter une faiblesse aussi criante. À douze jours du congrès, quatre des neuf candidats en lice avaient même enjoint à M. Boisclair de s’expliquer sur sa consommation ou de se désister.
D’où la surprise, en novembre dernier, quand Mme Marois a fait de son prédécesseur le plus important diplomate québécois aux États-Unis. D’autant plus qu’il avait eu le mauvais goût de se prêter à une parodie de Brokeback Mountain très injurieuse pour le président George W. Bush. Le ministre des Relations internationales, Jean-François Lisée, le défend aujourd’hui bec et ongles, mais sa nomination ne semblait vraiment pas l’enthousiasmer à l’époque.
Il est vrai que M. Boisclair avait rompu avec la pénible tradition voulant que les anciens chefs s’ingénient à rendre la vie de leurs successeurs impossible. Même quand Mme Marois a été près de sombrer, il est resté parfaitement loyal, allant jusqu’à renier des positions qu’il avait lui-même défendues pour éviter de la critiquer.
Il est notoire que l’après-politique est souvent plus difficile pour les péquistes que pour les libéraux, et l’intégration de M. Boisclair au marché du travail s’est révélée particulièrement difficile. La première ministre a voulu lui tendre une main secourable, mais elle ne pouvait pas ignorer qu’il représentait toujours un risque, si odieuse que puisse paraître l’attaque de Jacques Duchesneau.
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Elle a dit approuver sa décision d’intenter des poursuites pour diffamation, mais avait-il vraiment le choix ? Comment aurait-il pu continuer à représenter le Québec à New York alors qu’il est l’objet d’allégations aussi graves, même si elles peuvent sembler gratuites ?
On peut d’ailleurs se demander s’il pourra retrouver son poste un jour. Qui sait quand cette cause sera entendue, si elle n’est pas à terme réglée à l’amiable ? Il est déjà arrivé que des postes diplomatiques soient laissés vacants pendant d’assez longues périodes, mais il y a des limites aux intérims.
M. Lisée a déclaré qu’il n’était pas question de se passer de l’expertise de M. Boisclair durant tout ce temps. Autrement dit, il faudra trouver le moyen de justifier le maintien de son salaire. Il risque toutefois de jouer le rôle du chien dans le jeu de quilles au ministère. Là encore, la situation ne pourra pas s’éterniser.
Peu importe l’angle sous lequel on examine l’affaire, elle est embarrassante pour le gouvernement, qui a déjà bien d’autres chats à fouetter, mais la voie judiciaire est sans doute la solution la plus avantageuse. À partir du moment où les tribunaux en seront saisis, l’opposition devra bien trouver un autre os. À tout prendre, il valait mieux que cela survienne maintenant qu’au beau milieu de la prochaine campagne électorale.
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La CAQ a enfin réussi à faire parler d’elle, mais elle ne sort pas grandie d’une opération largement perçue comme une mesquinerie attribuable à la frustration. On peut se demander pourquoi l’Assemblée nationale devrait assumer les frais de sa défense dans une cause qui rappelle beaucoup celle qui avait opposé l’ancien ministre péquiste, Yves Duhaime, à Thomas Mulcair, alors simple député libéral de Chomedey.
Au printemps 2002, M. Mulcair avait accusé M. Duhaime de s’être livré à du trafic d’influence en étant lobbyiste auprès du gouvernement Landry pour le compte des marchands Metro. Dans les corridors d’une station de télévision où ils participaient à une émission d’affaires publiques, il avait également qualifié M. Duhaime de « vieille plotte », ajoutant qu’il souhaitait le voir croupir en prison. Trois ans plus tard, M. Mulcair, devenu entre-temps ministre, avait été condamné à lui verser 95 000 $ en dommages.
Il aurait eu le droit de faire assumer le coût de sa défense par l’Assemblée nationale, mais il avait jugé inapproprié d’imposer ce fardeau aux contribuables. C’est donc le PLQ, qui avait acquitté aussi bien les frais d’avocat que les dommages payés à M. Duhaime.
Il est vrai que M. Duchesneau reproche à M. Boisclair des gestes faits à l’époque où il était ministre, alors que M. Duhaime avait quitté la politique depuis longtemps quand il avait été apostrophé par M. Mulcair. La question est cependant de savoir s’il faut subventionner le dénigrement.
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