Jean-Luc Lavallée QUÉBEC - La commission Charbonneau sur l’industrie de la construction a été constituée par un décret potentiellement «illégal» du Conseil des ministres, selon l’avocat Jean-François Bertrand.
«Lorsqu’il adopte un décret, le Conseil doit le faire en vertu d’une loi et ne peut pas le faire dans le vide comme ça. Est-ce que le décret est légal? C’est ça la question. C’est la première question que je me suis posée. Ça m’a sauté aux yeux. Ils ont créé de toutes pièces une commission qui se trouve peut-être à violer la loi», a fait valoir Me Bertrand, apportant un autre éclairage sur cette commission «taillée sur mesure» par le gouvernement Charest.
Selon lui, le décret ordonnant la création de la commission pourrait être contesté devant les tribunaux. «Si quelqu’un allait en cour et intentait une requête en nullité du décret, il y a des bonnes chances que ça soit annulé.»
Si le décret est illégal, la commission le deviendrait aussi par extension. Personne n’est au-dessus de la loi, a-t-il martelé, pas même le gouvernement Charest qui «contourne» la Loi sur les commissions d’enquête.
L’avocat de Québec, qui a représenté l’ex-ministre de la Justice Marc Bellemare lors de la commission Bastarache, ne veut surtout pas qu’on lui prête de mauvaises intentions. «Je ne veux pas m’immiscer dans le débat politique, je vous donne un avis brut en droit, point», a-t-il indiqué en entrevue.
Seule la Loi sur l’exécutif pourrait «peut-être» conférer une légitimité à la Commission, en poussant la réflexion à l’extrême, ce dont il doute.
Décret et loi
Questionné sur la légalité de l’exercice, le professeur en droit administratif à l’Université Laval, Me Denis Lemieux, a rappelé lui aussi qu’un «décret doit toujours s’appuyer sur une loi».
Or, le décret 1029-2011 du gouvernement Charest, qui tient sur trois pages, n’a pas été bâti en s’appuyant sur la Loi sur les commissions d’enquête, ni aucune autre loi.
Plusieurs juristes ont d’ailleurs évoqué cet aspect de «droit nouveau».
«Il y a des décisions du conseil des ministres, ça, c’est une chose, et il y a des décrets. Mais quand on parle de décret, il doit y avoir un fondement législatif. S’ils ne mentionnent aucune loi, ça serait plutôt une décision du conseil des ministres», a ajouté Me Lemieux. Dans un tel contexte, l’appellation «décret» peut être «fallacieuse», a-t-il soutenu.
Toutefois, le professeur ne va pas aussi loin que Me Bertrand. «Techniquement, ça n’empêche pas le gouvernement de créer une telle commission sans pouvoir de contrainte. Ce n’est pas nécessairement illégal, mais c’est impropre d’utiliser le mot décret», a-t-il précisé.
Des juristes s’interrogent
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