Le 22 décembre dernier, de façon pour le moins discrète et au moment où les Québécois étaient pris par les emplettes et les réunions de Noël, le gouvernement du Québec annonçait qu'il lançait une consultation afin de mettre en place une nouvelle stratégie énergétique pour la période 2016-2025.
Étrange.
En effet, il y a matière à se poser des questions lorsqu'un gouvernement lance une nouvelle initiative alors que tout le monde a le dos tourné. Cela me rappelle "l'annonce" autorisant la construction de la centrale au gaz naturel du Suroît... le 23 décembre 2003. On est loin du grand déploiement médiatique qu'ont eu les "Plan Nord" version Charest et Couillard. Pourtant, on parle ici d'une stratégie autrement plus importante pour l'avenir économique, écologique et politique du Québec que ne le sera jamais un Plan Nord.
Déjà décidé ?
De plus, plusieurs paramètres semblent déjà avoir été décidés avant de débuter.
a) Le premier ministre Philippe Couillard a dit en campagne électorale que son gouvernement relancerait les projets de petites centrales hydroélectriques privées,
b) Le ministre de l'énergie et des ressources naturelles a aussi dit qu'il voulait que l'on continue le développement éolien,
c) La loi 28 de M. Leitao a changé le statut:
- de la régie de l'énergie en rendant cette dernière à bien des égards inopérante et
- d'Hydro-Québec en ne l'obligeant plus à fournir de l'électricité au meilleur prix aux citoyens-propriétaires que sont les Québécois. En effet, le gouvernement a décidé de garder les trop perçus de $1,2 milliards amassés par Hydro-Québec lors des dernières années et il en sera de même pour le futur.
d) Le premier ministre Philippe Couillard a affirmé que nous devions laisser passer le pétrole de l'ouest sur notre territoire puisque nous recevons de la péréquation,
e) Il a aussi dit l'automne dernier que pour la première fois le Québec participerait à la stratégie énergétique Canadienne,
f) Le gouvernement du Québec a signé une entente avec l'Ontario pour l'échange d'électricité,
Autant d'éléments qui font douter du sérieux qu'aura le processus de réflexion menant à cette nouvelle stratégie énergétique.
De la rigueur... et du gaspillage.
Par ailleurs, il est plutôt navrant de recommencer à peu près à zéro tout le travail qui a été fait lors de la commission Mousseau-Lanoue sur les enjeux énergétiques dont le rapport a été rendu public il y a quelques mois à peine. Au moment où ce gouvernement ne cesse de répéter comme un mantra qu'il doit faire preuve de rigueur en ne gaspillant pas les fonds publics, ceci est un exemple très clair de gaspillage.
Ce rapport très étoffé aurait dû être une des bases de réflexion de la nouvelle stratégie énergétique et même s'il n'était pas parfait, il posait de très importantes questions et confrontait le gouvernement ET les citoyens à des choix difficiles.
De plus, il est tout à fait irrespectueux de la part du gouvernement de mettre au rancart la somme impressionnante de travail effectué par de nombreux citoyens qui se sont donnés la peine de participer à cette consultation.
Kyoto: Nous n'avons pas atteint nos objectifs.
Qui dit stratégie énergétique dit aussi stratégie de lutte aux changements climatiques. Donc, il est certain que pour atteindre ses objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre de 20% par rapport à nos émissions de 1990, le gouvernement doit prendre un virage radical car il n'est pas du tout en voie de l'atteindre. Malgré les affirmations du gouvernement, le Québec n'a pas atteint son objectif de réduction de ses émissions de GES de 6% par rapport à ses émissions de 1990 pour la moyenne des 5 années de 2008 à 2012 telles que prescrits dans le protocole de Kyoto.
Pour dissiper toute ambiguité, rappelons que le Québec a atteint -6% en 2012, mais pas en 2008, 2009, 2010 et 2011. Sur ce sujet, une motion unanime a été adoptée le 5 décembre 2007 l’Assemblée Nationale décrétant: (décret 1074-2007) « Que le gouvernement du Québec adhère aux principes et aux objectifs du Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et s’y déclare lié... ».
Donc, toute affirmation de la part du gouvernement voulant que le Québec ait atteint son objectif de réduction d'émissions de GES relève de la désinformation.
Énergie ET transport
Enfin, une nouvelle stratégie énergétique doit nécessairement inclure une nouvelle stratégie de transport. Puisque la vaste majorité du pétrole que nous consommons l'est dans les transports, une stratégie énergétique digne de ce nom doit OBLIGATOIREMENT inclure une stratégie en transport et occupation du territoire, en transport collectif et actif ainsi qu'en électrification des transports sinon tout cela n'est que poudre aux yeux. Au moment où le prix du pétrole est en baisse et que les ventes de VUS et de camionnettes sont en hausse, le gouvernement devra faire des choix difficiles s'il veut VRAIMENT que l'on diminue notre dépendance au pétrole. Pour le moment, on va plutôt dans le sens inverse.
À la lumière de ce que j'ai vu comme manque de vision et incohérences de la part des gouvernements qui se sont succédés en matière d'énergie depuis près de 20 ans, permettez-moi de douter du sérieux de cette nouvelle démarche.
Mais une chose est sûre, je vais suivre cela de TRÈS près.
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