Après l'horreur, le triomphe de la vie. Depuis ce 11 septembre fatidique dont le monde entier se remémore ces jours-ci les lugubres séquences, New York a connu un formidable renouveau. Et par une délicieuse ironie de l'histoire, c'est dans le quartier avoisinant «Ground Zero» que ce renouveau s'est manifesté le plus spectaculairement.
Pour Al-Qaïda, l'effondrement des tours n'était qu'une première salve, dans la tornade infernale dont ils menaçaient le Grand Démon américain. Mais mis à part l'attentat d'un officier islamiste à Fort Hood (dont tout indique qu'il agissait seul), aucune attaque terroriste n'a frappé les États-Unis depuis 10 ans. Les rares complots visant le pays ont tous été éventés à temps, soit parce que les services de sécurité ont bien travaillé, soit parce que les djihadistes ont été incapables de monter des opérations sérieuses sur le continent nord-américain.
Pendant ces 10 années suivant le 9-11, la ville de New York, cette vieille métropole résiliente, a continué à s'épanouir. Comme le dit Edward Glaeser, un urbaniste de Harvard, ce cheminement marque la victoire de la cité du XXe siècle sur le crime, la pollution et le déclin économique, les trois fléaux qui accablaient les grandes villes américaines il y a une génération.
Manhattan, dangereuse il y a 20 ans, est devenue la métropole la plus sûre du monde. Dans Lower Manhattan, le nombre de meurtres a diminué en 10 ans de 29,2%, les vols de 50,5%, et les agressions de 28,9%. Seul le nombre de viols a augmenté (de 23,7%), mais c'est vraisemblablement parce que de plus en plus de femmes ont le courage de porter plainte.
Un reportage du Globe and Mail, mardi dernier, illustrait la transformation fulgurante de ce quartier qui était devenu en un quart d'heure, il y a 10 ans, un champ mortuaire recouvert de cendres, restes humains et gravats confondus.
En 2001, le quartier environnant le World Trade Center était un secteur assez glauque dominé par Wall Street. Une fois les banques fermées, les rues se vidaient. Les seules concentrations résidentielles étaient le Battery Park City, un gros complexe domiciliaire au bord du fleuve Hudson, et TriBeCa, le quartier chic où DSK a pris ses quartiers durant son exil new-yorkais. C'était un secteur que le touriste parcourait distraitement pour se rendre à la statue de la Liberté et à Ellis Island.
De 25 000 qu'elle était en 2001, la population de Lower Manhattan a plus que doublé, à 56 000 habitants. Les nouveaux résidants sont souvent de jeunes familles, ce qui est toujours un signe de vitalité urbaine. Le quart des foyers ont des enfants de moins de 18 ans, et 40% des couples sans enfants de moins de 45 ans ont l'intention d'en avoir d'ici trois ans. Le secteur comprend maintenant six nouvelles écoles. On a aménagé de nouveaux parcs, dont l'un, de 70 hectares, a remplacé une ancienne base militaire sur la Governors' Island.
Seule ombre au tableau, les prix de l'immobilier ont monté en flèche, au point où Lower Manhattan est devenu un quartier où seuls les privilégiés ont les moyens de s'installer. Le revenu familial moyen y est de 40 000$ plus élevé que celui de l'ensemble de Manhattan, et 85% des résidants ont un diplôme universitaire.
Il reste que le quartier revit et prospère, effaçant les stigmates du 9-11. À la place des tours jumelles s'élèvera une tour encore plus haute. Et dans cette terre de liberté, un centre communautaire musulman (mais ouvert à tous) verra bientôt le jour, à deux pâtés de maisons de l'épicentre de la catastrophe... Une belle leçon de tolérance pour les fanatiques de ce monde.
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