Wilson-Raybould confirme avoir été la cible de pressions

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Trudeau directement responsable des pressions

Le témoignage dévastateur de l’ancienne ministre au cœur de l’affaire SNC-Lavalin, Jody Wilson-Raybould, a provoqué une puissante onde de choc, mercredi à Ottawa, où les conservateurs sont allés jusqu’à demander la tête de Justin Trudeau.


« Le témoignage que nous venons d’entendre nous a raconté l’histoire d’un premier ministre qui a perdu l’autorité morale de gouverner », a lancé le chef conservateur Andrew Scheer.


L’appel à la démission d’un premier ministre est rarissime.


M. Scheer a aussi réclamé l’ouverture d’une enquête par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sur les allégations d’ingérence politique du bureau du premier ministre pour aider la firme d’ingénierie SNC-Lavalin à éviter un procès criminel.


Le chef néo-démocrate Jagmeet Signh a quant à lui réitéré l’urgence de tenir une commission d’enquête sur l’affaire SNC-Lavalin.



Le témoignage de Mme Wilson-Raybould est tombé comme une bombe politique à Ottawa.


Durant plus de trois heures, l’élue de Vancouver a offert dans les fins détails la nature des pressions politiques qu’elle aurait subies durant quatre mois — entre septembre et décembre — par le bureau de M. Trudeau.


Pas moins de 11 personnes auraient été impliquées, soit par des conversations en personne, des appels téléphoniques, des courriels et des messages textes, a souligné la ministre démissionnaire.



« Menaces voilées »


Elle a qualifié ces pressions d’ingérence politique « extrêmement inappropriée ». Des pressions qui ont même été accompagnées de « menaces voilées », a-t-elle dit.


Elle soutient toutefois que ces gestes n’étaient pas illégaux et qu’elle n’a pas reçu l’ordre strict d’agir en faveur de SNC-Lavalin.


« La décision finale m’appartenait », a confirmé Mme Wilson-Raybould.



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Les pressions auraient culminé le 19 décembre, lors d’une conversation téléphonique avec le plus haut fonctionnaire de l’appareil fédéral, Michael Wernick.


Ce dernier lui aurait alors dit que sa décision de ne pas trancher en faveur de la firme montréalaise la placerait en « collision » avec M. Trudeau, et que celui-ci allait de toute façon « trouver une solution » pour obtenir ce qu’il souhaite, c’est-à-dire une entente à l’amiable avec SNC-Lavalin.


Le contexte politique


Dans ses discussions, Mme Wilson-Raybould soutient que l’entourage du premier ministre lui a rappelé à maintes reprises que sa décision d’intervenir ou non dans le dossier de la multinationale devait prendre en compte le contexte politique.


M. Trudeau lui aurait même rappelé qu’il était un député de Montréal et qu’elle devait « trouver une solution ».


« Je suis ouverte à l’opinion des autres. Mais je devais prendre une décision sans prendre en compte des considérations politiques », a-t-elle dit avec assurance.


«[...] Le 17 septembre, j’ai eu ma rencontre face à face avec le premier ministre que j’avais demandée deux semaines auparavant.   


Lorsque je suis entrée, le secrétaire du Conseil privé était présent aussi. Alors que la rencontre n’était pas au sujet de SNC, le premier ministre a soulevé lui-même la question dès le début. Le premier ministre m’a demandé de l’aider, de trouver une solution ici pour SNC, en me disant que s’il n’y avait pas d’accord de réparation, il y aurait de nombreux emplois perdus et que SNC partirait de Montréal.    


Je lui ai expliqué quelle était la loi et ce que moi j’ai le pouvoir de faire et ne pas faire en tant que procureure générale. [...] Je lui ai dit que j’ai fait ce que je devais faire, que je m’étais formé une opinion sur SNC et que je n’allais pas intervenir dans la décision du Directeur des poursuites pénales.    


Le premier ministre a répété ses préoccupations et je lui ai expliqué que j’avais reçu la note de la section 13 tôt en septembre et que j’avais vraiment étudié la question de très près. Je lui ai dit aussi que mon rôle de procureure générale était très clair pour moi et que ce n’était pas approprié d’émettre une autre directive.    


Le premier ministre a insisté sur le potentiel de pertes d’emploi et sur le déménagement de SNC. À ma surprise, le greffier a dit qu’il y a une rencontre du conseil d’administration le 20 septembre avec des investisseurs. Ils vont déménager à Londres si ça arrive et il y aura bientôt une élection au Québec.    


À ce moment-là, le premier ministre est intervenu, insistant qu’il y avait une élection au Québec et que, "je suis un député au Québec, je représente Papineau".    


J’étais vraiment surprise. Ma réponse a été de poser au premier ministre une question directe en le regardant dans les yeux. Je lui ai demandé : "Est-ce que vous intervenez politiquement dans mon rôle, dans ma décision en tant procureure générale? On m’a déconseillé de le faire."    


Le premier ministre a dit : Non, non, non, il faut juste trouver une solution. Le greffier a dit alors qu’il avait parlé à ma sous-ministre et qu’elle avait dit que je pouvais parler au directeur. J’ai répondu que non, je ne le ferais pas. Ce serait inapproprié.    


J’ai expliqué au greffier et au premier ministre que j’avais une conversation avec ma sous-ministre au sujet des options et quelle était ma position à ce sujet.    


J’ai accepté et j’ai dit au premier ministre que j’aurais une conversation avec ma sous-ministre et le greffier, mais que ces conversations ne changeraient pas mon opinion. J’ai aussi dit que mon personnel n’était pas autorisé à parler au PPSC [NDLR : le Service des poursuites pénales du Canada].    


Et là nous avons finalement discuté la question pour laquelle j’avais demandé la rencontre.    


J’ai quitté la rencontre et tout de suite après, j’en ai discuté avec mon personnel au sujet de SNC.»