115 millions déboursés, pas une goutte de pétrole d'Anticosti

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Et les Québécois ramassent la facture






L’aventure Anticosti coûtera finalement aussi cher que le gouvernement du Québec l’avait prévu en lançant le projet, en février 2014. Sauf qu’aucune goutte de pétrole ne sera sortie du sous-sol de l’île.


 

Les libéraux de Philippe Couillard ont marqué vendredi la fin officielle de l’aventure controversée, en signant un arrêté ministériel qui soustrait l’ensemble du territoire d’Anticosti à l’exploration et à l’exploitation pétrolière et gazière, sous prétexte de vouloir « protéger et conserver le caractère naturel exceptionnel de l’île ».


 

Le gouvernement a signé des ententes de compensation avec trois des cinq entreprises impliquées dans le projet. Il ne s’est toujours pas entendu avec le plus gros joueur, Pétrolia, mais il prévoit d’emblée qu’Anticosti lui aura coûté plus de 100 millions de dollars.


 

« C’est dans ce qui avait été annoncé à l’époque par le gouvernement Marois. C’est une opération dans laquelle le gouvernement irait jusqu’à une centaine de millions. On essaie de rester dans les normes », a déclaré au Devoir le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Arcand.


 

Au lancement du projet, les péquistes de Pauline Marois avaient bel et bien annoncé des investissements de 115 millions, qui devaient servir à vérifier le potentiel pétrolier de l’île d’Anticosti, dont on estimait alors que le sous-sol pourrait renfermer 40 milliards de barils de pétrole de schiste. À l’époque, Québec disait espérer toucher 60 % des bénéfices liés à une éventuelle exploitation.


 

À ce jour, le gouvernement a investi 30 millions dans les travaux menés à Anticosti. Le reste de l’enveloppe de 115 millions doit donc être utilisé pour compenser les entreprises qui ont pris part au projet, explique-t-on au cabinet du ministre Arcand.


 

Des compensations de 41 millions


 

Le gouvernement en est toujours à négocier des compensations financières avec Pétrolia et TransAmerican, qui détient un seul permis d’exploration sur Anticosti. Il a, en revanche, conclu trois ententes avec Junex, Corridor et Maurel Prom pour un montant total de 41,4 millions.


 

Junex reçoit 5,5 millions, une compensation qui « correspond aux montants investis par la compagnie eu égard à ses permis de l’île d’Anticosti », selon un communiqué qu’elle a publié.


 

La française Maurel Prom obtient quant à elle 16,2 millions. Corridor Ressources, qui n’a pas répondu à la demande d’entrevue du Devoir, a donc vraisemblablement touché un peu plus de 19 millions. Maurel Prom, Corridor Ressources et Pétrolia détenaient chacune 21,7 % d’intérêts dans le projet.


 

Or, Pétrolia a affirmé vendredi être « dans une position qui se distingue nettement de celles des autres sociétés impliquées ».


 

« Notamment, elle s’est vu déléguer, par contrat, la responsabilité d’agir comme opérateur du projet », a-t-elle fait valoir, avant de rappeler que « l’accord unanime des partenaires » était nécessaire.


 

En coulisses, on murmure que Pétrolia entend exiger une compensation financière supérieure à celle qu’ont obtenue les partenaires Corridor et Maurel Prom. La pétrolière espère toucher un montant équivalant à une quarantaine de millions, selon les informations du Devoir.


 

Soulagement sur la Côte-Nord


 

Et Québec n’a peut-être pas fini de payer. À Anticosti, le maire John Pineault n’entend pas tourner la page sur la saga qui a tourmenté l’île et ses 215 habitants au cours des trois dernières années. S’il est soulagé par la décision de Québec, le maire s’attend néanmoins à recevoir du financement afin que le gouvernement « accompagne » Anticosti dans le développement de ses infrastructures et dans sa démarche pour faire partie de la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.


 

« Je pense que le gouvernement a vu qu’on était très sérieux [dans la démarche auprès de l’UNESCO] et qu’il a compris que la démarche du pétrole n’était pas extrêmement sérieuse », s’est réjoui John Pineault. « On a besoin de l’aide du gouvernement, a-t-il ajouté, chiffrant sa demande à 30 millions. On a développé un plan stratégique en 42 points pour la municipalité. »


 

Sur la rive, à Ekuanitshit (Mingan), le chef innu Jean-Charles Piétacho n’était pas d’humeur à parler d’argent. « C’est la protection de l’île qui était ma priorité et je persiste là-dedans », a-t-il dit, heureux, en évoquant « une très belle victoire ».


 

Les Innus, qui ont poursuivi Québec et Ottawa dans le dossier d’Anticosti, n’entendent pas mettre fin aux processus judiciaires, au terme desquels ils espèrent prouver que les deux paliers de gouvernement ont failli à leur obligation de les consulter avant d’autoriser des forages exploratoires et le prélèvement d’eau.


 

Les groupes écologistes ont salué à l’unanimité la décision des libéraux.


 

« Le gouvernement du Québec a pris la bonne décision alors que les investissements dans le pétrole et les autres combustibles fossiles diminuent de plus en plus et que la planète se tourne vers les énergies renouvelables et les technologies propres », s’est réjoui Équiterre.


 

La CAQ déçue


 

À Québec, tous les partis se sont réjouis de la décision du gouvernement Couillard, sauf la Coalition avenir Québec.


 

« C’est dommage de mettre fin aux travaux sans connaître le potentiel pétrolier ou gazier sur Anticosti, a dénoncé Chantal Soucy. Moi, je veux savoir combien va coûter cette aventure-là, que je qualifie de fiasco libéral-péquiste. »


 

Le Parti québécois, qui a choisi dans la dernière année de s’opposer aux travaux sur Anticosti, a quant à lui reproché au gouvernement Couillard d’avoir « laissé planer l’incertitude pendant trop longtemps avec Anticosti ».


 
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