Entrevue de Métro avec Louis Préfontaine, auteur d'Apartheid universitaire

À genoux devant McGill, mais braves face à Ottawa ?

Toujours la peur de dénoncer le surfinancement des universités anglophones

87448f5365101a60b9a73a2eac07e780

Livres - revues - arts - 2012

Depuis le début de leur grève, j'appuie sans réserves nos étudiants. Conforme à une logique néolibérale qui aliène les citoyens et les nations, la hausse des frais de scolarité décrétée par le gouvernement Charest est une mesure inique contre laquelle on a raison de s'élever. C'est pourquoi, plus que jamais, je souhaite à nos étudiants une victoire totale. Il y a, dans leur lutte tenace, un souffle de libération susceptible d'inspirer tout le Québec et de le mener enfin à l'indépendance. Cela, je ne suis ni le premier ni le seul, loin de là, à le penser. Par exemple, dans un très beau texte publié présentement sur Vigile, «La grande métamorphose», M. Dominic Desroches, avec une verve poétique, parle des moutons qui, peu à peu, se transforment en oies blanches. Il y a du vrai là-dedans.

Cela dit, un léger doute, quand même, ne cesse de me ronger, un peu comme on caillou dans le soulier. Pourquoi toujours ce silence assourdissant à propos du surfinancement, au Québec, des universités de langue anglaise ? Alors que la minorité anglophone représente moins de 10% de la population du Québec, ses universités, bon an mal an, reçoivent près de 30% des fonds publics alloués à l'enseignement supérieur. Flagrante et même obscène, cette injustice, ô mystère, passe presque inaperçue. Elle a pourtant fait l'objet de diverses études qui, toutes, en confirment la réalité. Or, seuls l'ont dénoncée, à ce jour, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, la revue L'Action nationale, le mensuel L'Aut'Journal et quelques valeureux individus isolés. C'est déjà pas mal, oui, mais tout cela n'a guère eu d'échos.
http://www.vigile.net/Pour-un-finan...
_ http://www.tagtele.com/videos/voir/49033
_ http://archives.lautjournal.info/au...
_ http://www.action-nationale.qc.ca/i...
Surprise ! Voilà quelques jours, le 1er mai dernier, le quotidien Métro publiait une entrevue avec Louis Préfontaine, l'auteur du livre Apartheid universitaire paru en mars. S'en est suivi, le 3 mai, dans le même journal, un autre article donnant la parole à un cadre de l'Université Mc Gill, M. Olivier Marcil. Ce brave colonisé réfutait l'analyse de M. Préfontaine, mais avec des arguments d'une faiblesse consternante. Du reste, il refusait de discuter des chiffres, se contentant de les nier.
Ces articles inattendus dans Métro, n'était-ce pas là une occasion inespérée de briser une fois pour toutes un puissant tabou ? Hélas, c'est resté lettre morte. Pendant que nos universités à nous manquent de plus en plus de ressources, Mc Gill, elle, nage toujours dans l'opulence. Le néolibéralisme y est pour quelque chose, aucun doute là-dessus, mais le colonialisme aussi, il me semble. Or, tant que nous n'aurons pas le courage de dénoncer aussi bien celui-ci que celui-là, trop peu de moutons, je le crains, deviendront des oies blanches. Et l'indépendance risque de tarder au-delà du temps plutôt limité qu'il nous reste pour la faire.
Car enfin, je le répète, pourquoi avons-nous si peur de dénoncer le surfinancement des universités de langue anglaise ? Même nos étudiants n'osent pas. Si je ne leur lance pas pour autant la pierre, c'est que, hélas, ils sont loin d'être les seuls à pratiquer, sur cette question, l'art de la restriction mentale. En fait, c'est toute, je dis bien toute notre classe politique et presque toute notre intelligentsia qui brunissent leur fond de culotte à la moindre velléité de remettre en cause les privilèges de McGill l'intouchable. Et cela dure ainsi depuis plus de deux siècles ! Je remercie M. Pierre Cloutier pour sa traduction d'une célèbre chanson de Bob Dylan, mais les temps changent-ils vraiment tant que cela ? Je le souhaite, bien sûr, sauf que...
Je sais, dans un article précédent sur le même sujet, un commentateur m'a parlé des «privilèges coloniaux de l'occupant». Et, en effet, c'est bien de cela qu'il s'agit. Mais comment croire en l'imminence de l'indépendance alors que la seule pensée de remettre le West Island à sa juste place, ni plus ni moins, remplit encore d'effroi tant d'indépendantistes ? Comme si des milliers G.I. étaient massés à la frontière et n'attendaient que cela... Franchement ! La pire phobie, on le voit, c'est encore la phobophobie.
À genoux devant McGill, mais braves face à Ottawa ? Ouais... Au risque de jouer les rabat-joie, j'avoue avoir toujours comme un vilain doute.
Me l'enlèvera-t-on, ce doute ? Et si oui, quand ?
Luc Potvin
Verdun


Laissez un commentaire



2 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    6 mai 2012

    Excellent texte. Excellent vidéo.
    Ramener toute l’aide à « ni plus ni moins » que le prorata ? Non. À moins. À de moins en moins. Débuter l’instauration d’une réciprocité. Mettre en marche ce que les indépendantistes craignent comme la peste : faire en sorte d’obtenir ici, d’imposer, malgré le gouvernement fédéral et son gouvernement des juges, malgré l’O.N.U. même, imposer graduellement le régime que les nôtres ont toujours connu et connaissent encore au Canada.
    Au lieu de chanter l’indépendance, la faire. Ça commencera sérieusement lorsque les indépendantistes seront capables de nommer le West Island sans trembler.

  • Archives de Vigile Répondre

    6 mai 2012

    Cette pauvre minorité anglophone n'a-t-elle pas été reconnue dans le texte même de la loi 101 ? Faut-il penser que les concepteurs de cette loi ont été d'une naïveté incommensurable ou encore pire d'une ignorance insoupçonnable ?
    Votre propos tombe à point puisque Christian Néron dans un texte paru dans L'Aut'Journal, à la section Analyses, explique bien les notions de minorité et de majorité.
    http://www.lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=3704
    Dans sa plate-forme électorale le PQ promet de revoir la loi 101 qui n'est plus que lambeaux. Ne faudrait-il pas profiter de ces travaux pour redéfinir les notions de minorité et de majorité. Ainsi nous mettrions fin à l'injustice que vous dénoncez si justement. D'autant plus que nos universités sont devenues des crève-la-faim et qu'on s'acharne sur les étudiants pour qu'elles survivent d'un crouton de pain quand certaines universités se gavent de caviar .
    Mais encore faut-il en avoir le courage politique. À tout hasard, je vais transmettre à madame Marois le texte de Me Néron. Peut-être saura-t-elle s'en inspirer...
    Il est plus que temps de sortir de notre prison coloniale.
    P.S. Saviez-vous que les trois autobus arrêtés par la SQ, le soir de l'émeute de Victoriaville, transportaient les casseurs et des étudiants de McGill et de Concordia ? Quelqu'un peut-il nous en dire davantage à ce sujet ?